Chapitre 23. Roxanne

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10 Janvier 2015

— Je t'ai pourtant dit qu'il fallait tourner à la prochaine intersection. Et toi tu fais quoi !? Tu continues de rouler tout droit ! Tu ne différencies pas ta droite de ta gauche, c'est inquiétant à ton âge Barbara, grogné-je en écrasant de nouveau mon corps endolori sur le siège passager avant de soupirer d'exaspération.

Je pose mon regard sur les champs de maïs qui s'étendent à perte de vue, une heure que nous tournons en rond dans ce fichu coin paumé sans y voir âme qui vive. Rien ni personne pour nous aider à trouver notre chemin, cela commence sérieusement à m'inquiéter. Si la voiture tombait en panne ? Si un psychopathe rôdait dans les parages ? Que ferions-nous ?
Pas de réseau cellulaire pour tenter de prévenir les secours, le GPS de la voiture nous a lâché à mi-chemin, je suis à deux doigts de craquer tant cette virée entre filles tourne au cauchemar. Et pour couronner le tout, ma meilleure amie est une écervelée qui ne comprend rien à rien. Droite, gauche, devant, derrière, en haut, en bas, ce n'est pas compliqué de savoir cela ! Même un enfant de six ans serait capable de faire la différence mis à part Barbara apparemment.

— T'es drôle toi ! Tu me dis de tourner sans préciser par où ! Ce n'est pas avec des gestes que je capte quelque chose Rox. Sois plus clair quand tu veux m'indiquer une direction se défend-elle.

Je n'en crois pas mes oreilles, plutôt être sourde que d'entendre de pareilles conneries. Elle se trompe de route, m'accuse d'être un mauvais co-pilote... quelle mauvaise foi !

— Vous vous calmez toutes les deux ! S'interpose Mary. Ça ne sert à rien de s'énerver, on va bien le trouver ce maudit camping. Barbie as-tu une carte routière ?

— C'est quoi ça ? Demande la blonde qui continue de parcourir les kilomètres à l'aveuglette.

— Laisse tomber et stationne-toi sur le bas-côté ! Roxanne vérifie dans la boîte à gant, il y en a peut-être une à l'intérieur.

Je fouille et trouve ce qui ressemble à un plan en état de décomposition et me demande depuis combien de temps cette antiquité n'a pas servi ? Après réflexion... sûrement jamais !
Mary m'arrache des mains ce vieux bout de papier et inspecte scrupuleusement son contenu avec Carla qui n'a pas pipé mot depuis un long moment. Lasse d'attendre, je sors du véhicule en stationnement et pars prendre l'air. Par la même occasion, je compte bien trouver un petit coin isolé pour aller soulager ma vessie qui menace d'exploser.
Le ciel est couvert, le temps est humide et par-dessus tout, le vent est glacial. Je relève le col de ma veste, scrute les alentours et repère un grand arbre à une dizaine de mètres, l'endroit idéal pour aller faire une petite commission sans être dérangée. Je serre les cuisses et accélère le pas, la fuite urinaire est imminente si je ne me dépêche pas à rejoindre ma cachette. Je baisse pantalon et culotte, m'accroupis et laisse faire la nature. Du soulagement, voilà ce que je ressens à ce moment précis.

— Bouh !

Un hurlement sauvage s'extirpe de mes lèvres, j'éclabousse mes chaussures d'urine, et peste contre mon idiote de sœur qui se bidonne de m'avoir fait peur et bien plus encore.

— T'es barge ou quoi !? J'ai failli crever par ta faute.

— Froussarde. Dépêche-toi ! On reprend la route.

— J'arrive.

Mary s'éloigne, me laissant seule avec mon arbre pour toute compagnie. Rien pour m'essuyer, pas de mouchoirs dans les poches, et mon sac est resté dans la voiture. Il me reste donc le plan B, je me trémousse dans tous les sens et revêts mes vêtements et trottine pour me remettre au chaud dans le véhicule de Barbara. Les filles ricanent sans que je n'en connaisse la raison. Cependant, je suis certaine qu'elles se moquent de moi, ce qui a le don de m'agacer.

— Quoi !? Demandé-je en les fusillant du regard.

— Tu montres souvent ta lune ces derniers temps, se moque mon amie.

— Qu'est-ce que tu racontes encore ? L'interrogé-je. De nous deux, c'est toi qui exposes régulièrement ton cul au public, pas moi !

— Léo, ta sœur, le fermier. Qui sera le prochain Rox ?

Le fermier ?! Qu'est-ce qu'elle raconte comme idiotie ? Seul Léo a eu le loisir d'admirer mon postérieur, personne d'autre à ce que je sache. Ou alors, je suis victime d'une amnésie partielle.

— J'ai loupé un épisode surenchérit ma belle-sœur. Léo a vu ton...

— Son corps entier, balance ma traite de copine.

Personne n'était au courant de mon batifolage. Juste Barbara à qui j'ai demandé conseil puisque le beau gosse n'a pas donné de nouvelles depuis plus de trois semaines.
— Tu m'expliques Roxanne ?

— Il n'y a rien à dire ! J'ai couché avec lui... basta. Vous allez enfin me dire qui est ce fameux fermier, fulminé-je, en assassinant les filles du regard.

Hélas, rien ! Ça rigole, rigole, et rigole encore. Finalement je laisse tomber et récupère un paquet de chips que je m'empresse de grignoter.

— Tu boudes ? M'interroge Mary.

Je ne réponds pas et me contente de fixer la route. Elles se foutent de moi, alors la seule chose à faire pour qu'elles se taisent est de les ignorer tout bonnement afin qu'elles cessent leurs moqueries.

— Je vais te dire la vérité Roxy. Quand tu es sortie pour aller au petit coin, un fermier labourait son champ. Apparemment tu ne l'as pas vu, mais lui n'en a pas perdu une miette. Du coup avec les filles ont a trouvé ça hilarant ! C'était drôle de voir ce type te mater le cul termine Barbara qui me sourit comme si de rien n'était.

Je ne dis rien, cependant au fond de moi je suis morte de rire. J'imagine la scène. Ça devait être un spectacle exceptionnel pour cet agriculteur qui n'a jamais dû voir le fessier d'une citadine pissant derrière un arbre. Barbara est beaucoup plus attentive durant le reste du trajet. Mary et Carla indiquent la route à suivre, et par un grand miracle au bout de trois quart d'heure, nous arrivons à destination. Nous jubilons le temps d'un instant, malheureusement nous déchantons vite lorsque nos yeux inspectent les lieux. Une ferme et un vaste terrain d'herbe font office de camping. Des porcs, des poulets et autres animaux cohabitent dans ce champ de verdure. L'odeur est insoutenable, cependant nous prenons sur nous et sortons de la voiture quand une vieille femme s'avance dans notre direction. Elle nous salue et nous explique que nous pouvons planter notre tente où bon nous semblera. Nous récupérons le matériel dans le coffre, avançons prudemment pour éviter les excréments des bêtes et repérons un coin assez sympa un peu plus à l'écart. Alors que nous nous battons avec la toile de tente, une averse nous surprend. Nous essayons tant bien que mal de faire au plus vite, hélas planter des sardines avec des chaussures à talons est impossible. Les cruches que nous sommes n'ont pas pensé à apporter un maillet pour nous faciliter la chose. Mary glisse et tombe en arrière, son pantalon est couvert de boue. Elle se met à s'énerver et laisse tout en vrac avant de repartir à la voiture.

— On fait quoi, demande Carla ? C'est impossible qu'on passe la nuit ici. Je veux rentrer chez moi retrouver mon mari.

— Et notre séjour ? Si le dragon apprend ça, elle va nous pourrir la vie.

— Depuis quand tu t'inquiètes pour cela Roxanne ? Ta mère nous mène déjà la vie dure. Je propose qu'on se tire d'ici, que Mary et moi retournons auprès de nos hommes et vous deux, vous allez vous éclater en boîte, argumente ma belle-sœur.

— Vendu ! Criions-nous.

Nous abandonnons tout sur place, et filons à vive allure jusqu'au véhicule où nous retrouvons ma sœur toute grelottante qui attend que Barbara démarre et qu'elle allume le chauffage. Sans aucun scrupule, nous établissons un plan pour ne pas mettre le dragon au courant de notre petite fuite. Bizarrement le retour se fait bien plus vite que l'aller. Nous déposons Mary et Carla en premier et retournons chez Barbara pour nous préparer. C'est décidé, ce soir nous sortons boire un verre afin d'oublier cette horrible journée.

                                                                  ***

— Pssst, Rox ! Vise un peu le spécimen assis à la table d'à côté. J'en ferai bien mon encas, persifle Barbara entre ses dents d'une blancheur éclatante.

— Lequel ? Lui demandé-je en balayant du regard la table qui se trouve proche de la nôtre. Le grand brun ou l'autre... brun ?

— Les deux sont bien foutus, mais je préfère celui qui a les cheveux ondulés. Tu en penses quoi ?

— Il y a du potentiel. Tu crois qu'ils sont accompagnés ?

— Je ne pense pas, il y a seulement deux verres sur le plateau. Et puis je vais te dire une chose, s'ils sont avec des filles, tant pis pour elles. Il ne fallait pas abandonner deux beaux mecs comme ça au milieu d'une horde de femelles en chaleur.

— Donc ? Tu en déduis qu'il faut qu'on parte en chasse ?

— Bien évidemment ! Tu ne crois pas que je vais rentrer seule ce soir. Et toi non plus d'ailleurs !

— Exact ! La nouvelle Roxanne a besoin de tirer un coup ! Avoué-je en avalant cul sec le reste de ma tequila.

Depuis que j'ai redécouvert le goût du sexe avec Léo, je ne cesse d'avoir cette appétence de recommencer en tête. Être à nouveau prise de tremblements lorsqu'un homme me touche, sentir le corps moite de mon amant sur ma peau brûlante et frissonnante, éprouver des picotements dans la nuque quand ma jouissance éclate. Malheureusement, l'ancien Escort m'a visiblement vite oublié et depuis vingt-et-un jour, c'est le désert de Gobi dans ma petite culotte. J'ai pris pour résolution qu'il fallait que je laisse mes envies dictées ma vie de femme. Marre de jouer la prude de service, la vieille fille aux principes d'antan. Aujourd'hui, les femmes explorent leur sexualité sans se soucier des quand dira-t-on, elles se moquent qu'on les prenne pour des filles faciles parce qu'elles couchent avec une ribambelle d'hommes chaque semaine. Donc, il est temps pour moi d'assumer ma vie de célibataire en m'éclatant avec un tas de mecs pour éviter d'encrasser de nouveau la tuyauterie. Barbara fait un signe de la main à la serveuse, celle-ci s'empresse de venir prendre notre commande. Deux tequilas pour nous et une tournée que nous offrons aux messieurs de la table d'à côté. Nous regardons avec minutie la réaction de nos futures proies, un sourire franc se lit sur leurs lèvres quand ils lèvent leurs verres en notre direction.

— Je t'avais dit que ça serait un jeu d'enfant m'annonce mon amie. Lève-toi, on va aller trinquer avec eux.

Chancelante sur mes talons de douze centimètres, je m'avance avec Barbara en direction des deux bruns, la tête haute étant sûre de mes charmes. La minijupe noire que je porte couvre à peine mon fessier rebondi, elle ne cesse de remonter laissant peut-être aux plus chanceux le loisir d'admirer le string rouge qui cache à peine mon intimité. Grandement éméchée, je joue à fond la carte de la salope qui s'assume et déboutonne un peu plus mon top moulant qui dévoilait jusque-là le renflement de ma poitrine. Mes seins dénués de soutien-gorge ballottent dans tous les sens, laissant mes pointes durcies apparaître à travers le léger tissu de mon haut.  Barbara quant à elle, réajuste sa robe blanche qu'elle remonte un peu plus sur ses cuisses laissant sa peau laiteuse et soyeuse bien plus à découvert.

— Tu es trop sexy Rox !

— Toi aussi Barbara. Ils vont nous bouffer dans la main. Regarde comme ils nous dévorent des yeux.

Les félines que nous sommes, approchons de nos desserts. Je me lèche les babines en inspectant de plus près le beau brun qui me déshabille du regard.

— Salut ! Dis-je en enroulant une mèche de cheveux autour de mon index. On peut s'asseoir avec vous ?

— Bien sûr, balbutie l'un d'eux.

Barbara et moi prenons place face aux deux types qui s'empressent de nous commander un verre. Nous faisons les présentations. Celui qui m'a tapé dans l'œil s'appelle Travis, et son acolyte se nomme Preston.

— Moi c'est Roxanne et voici ma meilleure amie Barbara.

— Enchanté mesdemoiselles, rétorque le beau Travis.

Son allure de chanteur pop/rock éveille mes papilles, mes doigts rêvent de s'immiscer dans ses cheveux en bataille. Mon regard affamé s'arrête sur les ébauches d'un tatouage que je perçois à la naissance de son torse à demi-dévêtu par sa chemise entrouverte.

— Que font deux beaux mecs comme vous, seuls un samedi soir dans un club remplit de jolies femmes ?

— On attendait que deux sublimes créatures nous rejoignent pour la soirée et maintenant c'est chose faite. Annonce Preston qui s'empresse de se rapprocher de Barbara.

Travis et moi ignorons nos amis respectifs qui font de même de leur côté et continuons à nous charmer sans aucune discrétion. Pleine d'assurance, je laisse mes doigts se promener sur la cuisse de mon futur amant. Il saisit ma main, se lève et m'entraîne avec lui sur la piste. Une danse sensuelle débute lorsqu'il se place derrière moi et qu'il se frotte à mon postérieur. Je distingue très bien l'érection qui se presse entre mes fesses, j'en joue et accentue mon déhanché ce qui ne déplaît pas à mon partenaire. Travis pose ses mains sur mes hanches alors que j'enroule mes doigts autour de sa nuque. Paupières closes, j'apprécie les caresses qu'il m'inflige, sa bouche qui embrasse et lèche à petits coups de langue mon cou avant que le son de sa voix rauque me murmure à l'oreille qu'il serait bon d'aller dans un coin un peu plus tranquille. J'accepte sans hésitation. Je me retourne et l'embrasse à pleine bouche. Un gémissement à peine audible s'échappe de mes lèvres, je suis chaude comme la braise et fin prête pour être cueilli par le beau brun.

— Viens avec moi.

Je le suis dans le club, deux solutions se présentent à nous... les toilettes ou le couloir du personnel. Aventuriers jusqu'au bout, nous choisissons la seconde option. Je plaque Travis contre le mur et l'embrasse fougueusement. Il répond à mon baiser avec ferveur. Pendant qu'il s'occupe d'ouvrir mon chemisier, je descends la fermeture éclair et fais sauter la pression de son pantalon qui glisse sur ses cuisses pour entreprendre de le masturber mais avant même d'avoir pu glisser mes doigts sur son intimité, je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il se passe, que mon partenaire de soirée se retrouve au sol le nez ensanglanté. Je recule, pousse un hurlement et me tourne pour voir la tête de son agresseur et découvre avec stupeur qu'il s'agit de Léo.

— Hé ! Ça ne va pas dans ta tête ? Qu'est-ce qui te prend ?

— Ferme-la Roxanne et suis-moi !

— Non ! Je n'irai nulle part avec toi.
— Roxanne. Je ne te le dirais pas deux fois, tu viens avec moi !

—Tu rêves connard ! Tu te prends pour qui pour me donner des ordres ?

— Et toi alors ? Tu te prends pour une salope maintenant ! 

— Je t'emmerde ! Tu n'es pas mon mec. Casses-toi d'ici !

— Très bien. Joue la traînée si ça t'enchante, je n'ai plus rien à voir avec toi. Un dernier conseil Roxanne. Tu devrais refermer ta boutonnière, tu risques de choper une angine de poitrine... fulmine Léo qui passe devant moi sans un dernier regard.

                                                               ***

Hébétée par les propos que m'a tenus Léo quelques minutes plus tôt, je reste statufiée dans le couloir comme l'arbre dénué de feuilles qui parade au beau milieu de mon jardin. Celui qui a première vue paraît mort, et qui finalement attend patiemment que le printemps réapparaisse pour lui redonner un nouveau souffle de vie. Un bruit de fond me tire de mes songes, serait ce Léo qui fait demi-tour ? Je ne l'espère pas. Qu'il aille au diable celui-là ! Quelle mouche l'a piqué pour qu'il réagisse de la sorte ? Une espèce rare en voie de disparition pensé-je, en recouvrant ma poitrine qui se trouve toujours à l'air libre. Sa réaction est inexplicable, une énigme de plus à résoudre le concernant, seulement je n'ai ni le temps, ni l'envie de m'y attarder pour le moment.
Trois semaines sans avoir la moindre nouvelle, et comme par magie, le voilà qui débarque de je ne sais où pour jouer le macho en frappant Travis. Par sa faute, mon plan cul est inutilisable, bon à jeter à la poubelle sans aucun recyclage possible. Le pauvre gars peine à se remettre sur pied, je m'approche et l'aide à s'adosser contre le mur.

— Ça va ? Grimacé-je en observant son nez ensanglanté. Il ne t'a pas loupé cet imbécile. Laisse-moi regarder.

— C'est bon Roxanne, dit-il en essuyant d'un revers de la main, le filet de sang qui s'écoule de sa narine droite. Tu connaissais ce mec ?
Mentir ou mentir ? Quel dilemme.

— Absolument pas !

— Tu en es sûre ?

— Je n'en suis pas certaine à cent pour cent. Tout s'est passé si vite que je n'ai pas eu le temps de bien le voir, bredouillé-je en observant mes pieds.

La bonimenteuse que je suis, se fait démasquer en moins d'une seconde. Même si mon nez ne s'allonge pas comme celui du pantin de bois créé par Geppetto, mon corps lui, envoie des signaux qui me trahissent. Mes mains sont tremblantes, mon regard se veut fuyant, je bégaie, mordille mes ongles et mon rythme cardiaque s'accélère. Mal à l'aise à l'idée d'être identifiée comme la plus mauvaise mythomane du siècle, je tente de l'amener sur un autre sujet de conversation. Hélas, Travis n'abandonne pas si facilement et réitère sa question.

— Vous vous connaissez, pas vrai ? C'est ton mec ou ton ex ? Me crache-t-il les yeux dans les yeux.

Que lui répondre ? De toute façon il se trompe sur toute la ligne. Léo n'a été que l'amant d'une nuit...rien de plus !

— Personne, je te le promets ! Répliqué-je en lui prenant la main. Je ne l'avais jamais vu auparavant, ni ici, ni ailleurs.

— Tu es une belle salope Roxanne ! Tu mens très mal m'injure-t-il en me repoussant brutalement. Il t'a appelé par ton prénom à plusieurs reprises, alors arrête de me prendre pour un con. Je suis loin de l'être ! Tu le connais et tu la fermes pour le protéger.

— N'importe quoi !

— Ouais c'est ça !

— Pense ce que tu veux, je ne te dois aucune explication de toute façon.

— Dans ce cas, tu ferais mieux de déguerpir sale garce !  Et que je ne recroise jamais ta route.

Ça ne risque pas ! Ironisé-je en silence.
C'est à croire que les mecs se sont passé le mot pour ruiner ma soirée, et même ma vie en général. Léo et maintenant Travis. Qui donc sera le prochain sur la liste ?
En tout cas, j'en ai marre d'être traitée comme de la merde. Il est grand temps que la douce Roxanne sorte ses griffes acérées et qu'elle montre un peu plus les crocs.

— La garce comme tu le dis si bien t'emmerde avec un grand E ! Trouve-toi une autre fille qui voudra bien te soulager. Ce qui semble fort compromis vu la gueule que tu as ! Fulminé-je en le giflant avant de quitter le couloir, remontée comme un coucou.

Travis s'est senti pousser des ailes ma parole. Néanmoins, je lui ai coupé en plein vol pour que sa chute n'en soit que plus brutale. Je pousse la porte du sas, retourne dans le club où la musique assourdissante martèle mes tympans. Les spots lumineux m'éblouissent, me brûlent la rétine, je veux sortir d'ici au plus vite. Avant cela, il faut que je trouve Barbara. Je la repère au loin fricotant avec un gars qui n'est pas Preston.

— Qu'est-ce qu'elle fiche avec lui ? Me demandé-je à voix haute quand je vois ma meilleure amie en pleine séance de bouche-à-bouche avec West.

Je n'y comprends plus rien. Il y a seulement vingt minutes, elle chauffait l'autre type sans aucune retenue, et là, je la surprends en compagnie du beau métisse. Il faut qu'on m'explique, je suis littéralement perdue, comme quelqu'un qui cherche indéfiniment la sortie d'un labyrinthe mais en vain. Les quelques verres ingurgités ne m'aident pas à réfléchir correctement. Mon cerveau est très diminué, ma matière grise est quasi inexistante, il serait temps que je lève le pied sur l'alcool. Je me pointe devant eux, les poings sur les hanches et demande poliment ce qu'ils fabriquent ensemble. Pour dire vrai, j'ai perdu toute notion de politesse.

— Tu m'expliques ce que tu fous avec lui ! Tu étais à deux doigts de baiser avec Preston en public, et te voilà maintenant en train de gober les amygdales de West. C'est quoi ton délire Barbara ? Il te les faut tous. C'est ça !

— Je peux en placer une !

— Je t'écoute. Explique-moi, c'est quoi tout ce cirque.

— Euh... Ça ne va pas te plaire Roxy.

Je crains le pire. Quand Barbara prend sa voix mielleuse et qu'elle me supplie du regard, je sais que c'est parce qu'elle a fait une grosse connerie et que celle-ci risque fort de me faire vriller.

— J'ai envoyé un message à West avant qu'on sorte. Je voulais qu'il nous rejoigne avec Léo pour qu'on aille boire un verre tous ensemble.

—  Tu comptais m'avertir ?

— Eh bien...

— Putain Barbara ! Tu n'avais pas l'intention de m'en parler.

— De toute façon, ça aurait servi à quoi. Léo ne voulait pas venir, donc j'ai fermé ma bouche pour une fois.

— Comment se fait-il qu'il se trouve ici dans ce cas ?

— Il est tombé sur le dernier message que j'ai envoyé à West. Je disais qu'on avait trouvé des mecs avec qui passer la nuit. Ça n'a visiblement pas plu à Léo puisqu'il a débarqué en moins de temps qu'il ne m'a fallu pour choisir ma robe.

— Il en pince pour toi Roxanne, me confesse son pote.

— Tais-toi ! Tu dis n'importe quoi. Et toi Traîtresse, la prochaine fois occupe-toi de tes fesses.

— Je voulais bien faire.

— Mouais... sur ce passe une bonne nuit, je vais rentrer chez moi.

— Roxanne, tente West... Reste avec nous.

Je lui réponds négativement et file jusqu'au vestiaire récupérer mon sac et ma veste que j'enfile expressément avant d'aller affronter la fraîcheur de la nuit. Je décide de rentrer à pied, marcher me fera le plus grand bien et m'aidera à décuver. Par chance, ma maison n'est qu'à deux kilomètres d'ici. Marchant tranquillement dans les rues désertées par les passants, j'accueille avec délice le vent frais qui caresse ma peau. Les températures se sont adoucies, malgré les vêtements minimalistes que je porte, je n'ai pas froid. Mon état d'ébriété aide sûrement à conserver la chaleur qui réchauffe mon corps. Longeant une petite ruelle où l'obscurité est totale, je me sens courageuse et avance sans crainte jusqu'à l'angle de la rue sans me retourner. Le vrombissement d'une voiture roulant à faible allure se fait entendre, ses phares m'aveuglent subitement et le conducteur continue de se rapprocher de moi. L'angoisse s'invite en moi progressivement, je presse le pas pour rejoindre mon domicile qui se trouve à moins de six cents mètres, seulement le véhicule s'arrête près de moi. Je n'ose regarder aux alentours et continue ma route, angoissée comme jamais. Je répertorie rapidement dans ma tête ce qui se trouve dans mon sac à main et analyse ce qui pourrait me servir pour me défendre. Carte de crédit, maquillage, tampons, clés et parfum se trouvent dans ma besace, rien de bien flippant pour faire fuir mon potentiel agresseur. Entendant la portière s'ouvrir, je réfléchis en moins d'une seconde et me dis que je pourrais le gazer avec mon parfum ou bien lui écorcher les chairs à l'aide de mes clés et partir en courant. Le hic, c'est que je porte des échasses aux pieds. Ni une ni deux, mon instinct de survie m'alerte que le danger est imminent quand j'entends des pas claqués sur la chaussée. Je quitte mes talons et entame une course folle pour me protéger. Une dizaine de mètres plus loin, je me débats et crie lorsqu'une main puissante m'agrippe le bras. J'essaie de me dégager, mais n'y arrive pas. J'atteins sa main et le mords à sang.

— Putain Roxanne, tu es cinglée ! Calme-toi et desserre ta mâchoire s'il te plaît, me supplie Léo.

Je rêve ou cauchemarde ? Que fait-il ici celui-là ?

— Gros con ! Hurlé-je en laissant les larmes dégringoler sur mon visage. Tu m'as fichue la peur de ma vie. Pourquoi tu me suivais ?

— Barbara m'a informé de ton départ. Et savoir que tu rentrais à pied dans cet accoutrement sexy, dit-il en me détaillant de haut en bas, était plus que dangereux pour une femme seule et saoule.

— Tu mens ! Tu me suivais espèce de pervers.

— Mais non, tu...

— Tu te la fermes Léo. Retourne dans ta bagnole et laisse-moi tranquille.

— Non, je te raccompagne chez toi, c'est plus sûr.

— Je n'ai pas besoin de tes services. Après avoir été la pute de toute la ville, tu te lances dans la sécurité maintenant. Qu'est-ce qui paye le mieux Léo ? Garde du corps ou Escort ? Le provoqué-je.

— Tais-toi Roxanne ! C'est un conseil que je te donne m'avertit-il avant de m'embrasser furtivement sur les lèvres. Maintenant tu vas poser tes fesses dans ma voiture sans discuter ou je t'y monte de force ?
Je l'ignore et reprends ma marche. Or le monsieur ne semble pas d'accord, il m'attrape et me jette sur son épaule comme un vulgaire sac de patates.

— Lâche-moi ! Crié-je en lui martelant le dos.

— Arrête de t'agiter comme ça. Me gronde-t-il en claquant sa main sur mon fessier.

— Aie ! Ça fait mal.

— Tu ne disais pas ça l'autre fois.

— Ah bon ? Je n'en garde aucun souvenir. Mentis-je par provocation.

Léo ouvre la porte de sa voiture, me pousse à l'intérieur et me grogne dessus comme un animal sauvage.

— Tu ne bouges pas et tu boucles ta ceinture. Je ne plaisante pas Roxanne.

Je referme la portière, resserre les bras sur ma poitrine et c'est alors que je me mets à me moquer de lui.

— Tu ne bouges pas et tu boucles ta ceinture, répété-je. Et patati et patata.

— Arrête ça tout de suite !

Je déteste qu'on me dicte ce que je dois ou non faire. Il a cru que j'étais sa nana ou quoi !?

— Arrête ça tout de suite... Tu veux rajouter quelque chose Léo ? Parce que tu vois, t'imiter est vraiment très drôle.

Il ne me répond pas et se contente de démarrer son bolide. Le retour se fait rapidement et dans un silence de mort. J'aurais été bien plus rapide à pied, sauf qu'il a fallu qu'un casse-couille me kidnappe. Il se stationne devant chez moi et coupe le contact. Je sors précipitamment pour retrouver ma liberté, mon havre de paix. Insérant la clé dans la serrure d'entrée, j'entends sa voix qui vient briser le silence de nuit.

— Surtout, ne me remercie pas !

En guise de gratitude, je me retourne en lui offrant mon plus beau sourire ainsi que mon majeur bien levé et lui souffle fière de moi :

— Tu peux toujours courir connard ! Pesté-je avant de refermer la porte sur son regard médusé.

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