Chapitre 45. Léo

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8 Septembre 2015

— Suis-moi, tu ne le regretteras pas !

— Tu es complètement barge, mais c'est cette folie que j'aime chez toi. Avoué-je alors que Roxanne m'entraîne dans un bureau, qui, à ma grande surprise, est plongé dans une obscurité quasi-totale. Seule la lune nous offre un semblant de luminosité filtrant à travers les vitraux de la pièce.

Mon aventurière me plaque sauvagement contre la porte, qui dans la foulée se referme derrière nous avec fracas. Je n'ai pas le temps de détailler les lieux, puisque Roxanne m'embrasse langoureusement, puis brutalement tout en glissant sa langue dans ma bouche. Elle danse, dompte et domine la mienne, sans que je ne conteste cette intrusion.

— As-tu conscience ma puce que tu me rends dingue ? Débité-je d'une voix rauque chargée en désir.

— Laisse-moi en douter. Je vais devoir aller vérifier une petite chose pour en être certaine. Me répond-elle avec une malice que je ne lui connaissais pas jusque-là.

Roxanne se libère de plus en plus, je suis convaincu que tout cela est un peu voire totalement grâce à moi. J'ai vu la tigresse qui sommeillait en elle, il ne lui fallait qu'un excellent dompteur pour qu'elle prenne conscience qu'elle était dotée d'une force suprême et qu'elle avait du pouvoir sur les hommes. Elle est d'une beauté époustouflante, renversante. Relevant sa robe jusqu'à mi-cuisses, ma belle effrontée s'agenouille devant moi, m'offrant ainsi toute sa soumission par sa posture et sa gestuelle. Et pourtant, même prostrée à mes pieds, c'est elle qui me domine sans le savoir. Je ne résiste pas à l'envie d'ouvrir ses lèvres pour introduire mon membre dans sa bouche. Sa langue fait des miracles. Chaque succion, chaque baiser, chaque caresse me fait tressauter. Elle me tourmente, me transporte dans un plaisir sans faille, que je ne voudrais jamais quitter tant l'émotion est forte. Ses lèvres se resserrent et entament un va-et-vient qui me transcende. L'afflux sanguin traversant mon sexe est d'une brûlure extrême, presque intolérable. Cependant, c'est tellement bon et exaltant, que je serai prêt à encaisser ce feu ardent autant de fois que possible, afin que Roxanne éteigne l'incendie qui me consume. Mes mains se plaquent sur le montant de la porte, je laisse le plaisir m'embarquer dans son précipice et finis par me déverser sur la langue accueillante de ma belle brune. Un ricanement nerveux s'extirpe de mes entrailles, avant de se transformer en fou rire incontrôlable.

— Pourquoi ris-tu ?

— Tu te rends compte que tu viens de me faire une pipe phénoménale, alors qu'il y a plus de cent personnes à quelques mètres de nous.

— Et alors Monsieur Ortega, quand j'ai une idée en tête, je ne l'ai pas ailleurs. Et puis, je devais vérifier tes dires.

— Et quelle est ta conclusion ?

— Tu es totalement sous mon emprise mon chéri et tu sais quoi, j'adore ça !

Nous sortons de notre cachette en toute discrétion, main dans la main, comme si de rien n'était. De justesse, avant que nous retournions nous mêler à la foule, j'attrape Roxanne, la bloque contre un mur, et essuie les bavures de rouge à lèvres qu'elle a autour de la bouche.

— Voilà, tu es parfaite mon amour.

— Je pensais que tu allais me rendre la pareille. Quand on sortira d'ici, je veux et j'exige que tu me remercies pour la petite gâterie que je t'ai faite. Je suis en ébullition mon amour, il va falloir que tu refroidisses mes ardeurs.

— A vos ordres Mademoiselle Harper, tout ce que vous voudrez.

Nous apercevons Paul et Mary qui bizarrement prennent le chemin du bureau que nous avons baptisé un peu plus tôt. Nos regards se croisent, un franc sourire complice se lit sur nos visages. Roxanne m'informe que les deux tourtereaux essaient d'agrandir leur petite famille. Je ressens une pointe d'amertume, de tristesse et d'envie quand elle évoque la future grossesse de sa sœur. Ma gorge se serre, j'écoute chaque mot qu'elle prononce avec réflexion. L'envie de materner chez Rox est innée, cela se voit, se sent quand elle s'occupe de son neveu. C'est une seconde nature chez elle. Elle est faite pour être mère. Mais moi, suis-je prêt à être père ?

— Tu m'écoutes Léo, tu es resté sur la lune ? Pourtant, tu vas devoir redescendre. Bredouille-t-elle en souriant amoureusement.

— Pardon. J'étais ailleurs. Que disais-tu ?

— J'ai les crocs. Ça te tente d'aller te ravitailler au buffet. Il y a plein de bonnes choses à déguster... et c'est sans modération.

Les quelques mètres que nous avons à parcourir s'avèrent en fait être des kilomètres. Roxanne se fait alpaguer à chaque pas que nous faisons. Je suis détendu face à toutes ces personnes qui nous saluent. Par chance, je n'ai croisé aucune de mes anciennes clientes et je n'ai pas eu vent de potentiels ragots à mon égard, ce qui est assez rassurant. Roxanne m'entraîne jusqu'au buffet où elle remplit une assiette de petits fours que nous partagerons un peu plus tard autour d'une flûte de champagne.

— Bonsoir les enfants.

Il s'agit de Richard, le père de Rox qui nous salue chaleureusement. Je ne sais comment réagir face à cet homme imposant, qui connaît l'existence de mes déboires antérieurs. Je ne sais que dire, que faire, c'est le paternel de ma petite amie qui brise le mutisme dans lequel je suis muré.

— Je suis heureux de vous revoir au côté de ma fille.  Faite-moi plaisir Léo, allez faire tournoyer cette sublime créature.

J'agrippe ma compagne par la hanche et l'emmène vers la piste improvisée, où plusieurs couples unissent leurs corps et accordent leurs pas au rythme de la musique. Elle se pelotonne contre moi, pose sa tête sur mon épaule et me fredonne des mots doux au creux de l'oreille qui atteignent mon cœur d'artichaut. J'aime cette femme de tout mon être, je ne conçois plus la vie sans elle à mes côtés. Elle est mon présent et mon futur.  Avec elle, j'oublie mon désastreux passé. Roxanne est comme la muse d'un écrivain, elle m'inspire et m'aide à écrire notre histoire. La mélodie cesse, nous quittons le coin dancing et retrouvons nos amis West et Barbara qui sont à nouveau ensemble. Leur bonheur grandissant est communicatif, le couple qu'il forme est aujourd'hui solide et soudé. Nous échangeons quelques banalités et continuons notre chemin à travers tout ce monde.

— Viens Léo, je voudrais te présenter notre égérie, elle est là-bas. Tu verras, elle est un peu spéciale, mais ne mord pas.

Roxanne me guide d'un pas pressant, je commence à être fatigué par tous ces allers-venus. Vivement que l'on rentre à la maison. Pensé-je alors qu'elle me tire de mes songes pour me présenter son mannequin vedette avec beaucoup d'enthousiasme.

— Léo, je te présente mademoiselle Bell, l'égérie de Body perfect.
Je reçois un coup de massue sur la tête lorsque cette trentenaire, qui utilise visiblement un pseudonyme pour son travail, se tourne afin de m'offrir un sourire des plus loquaces. J'encaisse le choc difficilement. C'est quoi ce bordel ? J'étouffe, suffoque, bouillonne de rage et fulmine intérieurement, lorsque nos regards se croisent. Ces yeux qui autrefois m'envoûtaient, me répugnent à présent. J'ai envie de lui cracher au visage toute ma haine, de la gifler, lui arracher sa tignasse brune, lui casser les dents. Pour faire simple, je souhaite lui faire du mal... beaucoup de mal. Le coup de grâce a lieu lorsque je remarque que celui qui l'accompagne n'est autre que mon frère... Garreth.

Que fait-il ici ? C'est un putain de cauchemar ! Je vais me réveiller, il le faut.
Malheureusement, tout est bien réel et j'ai besoin de m'éloigner avant d'être inculpé pour un double homicide. Roxanne s'aperçoit du malaise et décide d'écourter l'échange pour que je puisse me calmer ailleurs. Nous sortons rapidement dans le jardin où une vague d'air frais me percute le visage. Même cette fraîcheur ne m'aide pas à réguler ma température volcanique alors que Roxanne, frictionne ses bras nus pour essayer de se réchauffer. En preux chevalier, je retire ma veste et lui couvre les épaules sans rien dire. J'ai besoin d'une cigarette pour me détendre, je dois me ressaisir pour ma petite amie, et prendre sur moi pour ne pas faire d'esclandre. J'allume ma clope, tire une grosse lampée et invite ma belle à venir marcher avec moi. Je suis irrité, déstabilisé, en rogne contre ses ordures qui reviennent ternir mon bonheur naissant. Du tac au tac, je confie à Roxanne que je connais la femme qui accompagne Garreth.

— Putain Roxanne, C'est mon ex !

— Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

— Ton égérie, Taylor, bon sang ! Tu pourrais être un peu plus attentive quand je me confie à toi.

— Eh ! Ne passe pas tes nerfs sur moi.
— Excuse-moi princesse, je suis à cran. Taylor Bell est en réalité Taylor Mansen, la femme qui a bousillé mon cœur. Tu crois que cela me réjouit de la revoir, et plus encore avec LUI. J'ai ces maudites images qui ressurgissent dans ma tête, et crois-moi, je m'en serai bien passé. Onze années sans nouvelles, sans voir sa gueule...  Je ne m'en portais pas plus mal. Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour qu'il s'acharne sur moi comme ça. Taylor, Garreth, ma mère... A croire que tout l'univers se ligue contre Roxanne et moi. Je ne pourrai jamais être en paix.

— Que veux-tu faire Léo ?

— Je vais rentrer à la maison.

— Tu es sûr ? Je vais t'accompagner.

— Pas question ! Tu retournes auprès des invités. Tu m'excuseras auprès de tes parents. Je ne veux plus de mensonges, je veux qu'ils sachent pourquoi je fuis.

— Ok, comme tu voudras. Abdique-t-elle tristement. Je te retrouve plus tard dans ce cas.

Roxanne n'insiste pas, elle sait que cela serait inutile, et que, lorsque je suis tendu, énervé comme dans le cas présent, il vaut mieux me laisser gamberger dans mon coin pour éviter les virulentes engueulades. Elle me rend ma veste, pose ses lèvres fraîches et tremblantes sur les miennes qui restent statiques, puis elle part sans m'accorder un dernier regard. Je m'en veux, je me hais de l'abandonner, alors qu'elle vient tout juste d'apprendre que Taylor était celle qui m'avait trahi en couchant avec mon petit frère. Je ne pensais pas que ces deux-là se fréquentaient encore, Garreth m'avait pourtant certifié qu'il ne la voyait plus. Encore un de ses nombreux mensonges.
Quand arrêtera-t-il de me prendre pour un con ? Je commence à en voir ras le bol !
Ce n'est pas en me baratinant comme il le fait, qu'il obtiendra mon pardon pour la connerie qu'il a commise. D'un pas déterminé, je rejoins ma voiture, insère la clé dans le contact et démarre en appuyant vivement sur l'accélérateur. Je cogite durant le trajet, je n'aurai pas dû laisser Roxanne, elle ne méritait pas que je l'abandonne. Je comprendrais qu'elle m'en veuille, m'insulte de lâche ou me cogne, alors qu'elle a toujours répondu présente pour me soutenir. Rox est ma bouée, mon point d'ancrage, elle m'empêche de replonger dans mes travers, elle est vraisemblablement beaucoup plus forte que je ne le suis. Je suis un homme faible, instable, qui ne mérite pas de recevoir son soutien et son amour. Roxanne serait sûrement mieux sans moi, j'en suis convaincu. Je traîne de nombreuses casseroles dans mes bagages qui sont très dures à gérer. Tôt ou tard, elle prendra conscience que vivre avec un boulet est un calvaire. Dès demain, je lui parlerai et je doute fort qu'elle prenne ma décision avec le sourire. Hélas, j'ai beau être amoureux d'elle, comme je ne l'ai jamais été, mon choix est fait. Tout ce que je désire, c'est son bonheur. Roxanne comprendra plus tard, avec le temps, que j'ai eu raison de la quitter pour la libérer de mes chaînes.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant