Chapitre 48. Roxanne

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Dix jours plus tard

Il est un peu plus de six heures trente, lorsque la grêle qui s'abat sur les tuiles de la toiture me débusque de mon sommeil. Je cherche la chaleur qu'émane le corps de mon compagnon pour m'y blottir afin de dégeler mes orteils. Hélas, j'ai beau tendre le bras de son côté, je ne trouve que la froideur. Atterrée, je constate pour la troisième nuit consécutive, que le lit est vide. Léo n'est pas venu se coucher près de moi, le drap n'est ni froissé ni défait. Je me redresse, ajuste la couverture sur ma poitrine dénudée et soupire d'exaspération. Depuis ma réinstallation, il ne cesse de m'éviter, j'en suis arrivée à me demander si mon retour était une bonne idée. Pas une caresse en trois jours, pas un regard soutenu, pas un geste tendre, pas un mot doux... rien. À l'exception d'un léger baiser, qui s'apparente davantage à un effleurement, et que j'ai réussi à lui dérober au détour d'un moment d'inattention. Cette situation m'attriste et me désarme, je ne sais que faire pour qu'il comprenne que sa place est à mes côtés, et non à des kilomètres.
À tâtons, j'atteins l'interrupteur de la lampe que je manque de faire tomber par inadvertance. Je sors du lit sur la pointe des pieds, enfile mon peignoir pour descendre à la cuisine, afin de me servir un verre, puisque je n'arrive plus à trouver le sommeil. En arrivant en bas, quelle n'est pas ma surprise de trouver Léo endormi sur le canapé, la télé encore allumée. Sans un bruit, j'attrape la télécommande, coupe l'alimentation et me dirige dans la pièce voisine pour aller étancher ma soif. J'avale plusieurs gorgées de lait en regardant tristement par la fenêtre la tempête qui fait rage, tout en me disant que je devrais peut-être moi aussi me déchaîner comme le tonnerre le fait dans le ciel, afin de faire réagir Léo.
La situation est invivable, oppressante, nous ronge sans qu'aucun de nous ne trouve la solution pour rétablir la paix dans notre couple.
D'ailleurs, existe-t-il encore ce duo détonant que nous formions ?
Léo vit dans mon ombre, tel un fantôme, il se cache et attend le moment propice pour sortir de sa planque, afin que je ne puisse le voir.
Les mains suspendues au-dessus du plan de travail, le cœur battant à une allure folle, je ressens la présence de mon homme dans mon dos, et cela a pour effet de me paralyser. Je suis dans l'incapacité de bouger ne serait-ce qu'un doigt. Mon corps entier est en alerte, ma poitrine tambourine fortement à m'en donner des palpitations incontrôlables, sa proximité me met dans un état de transe. Les effluves de son parfum musqué attisent mon envie d'aller respirer à la source l'odeur si enivrante qu'il dégage. Je retiens mon souffle et me crispe, lorsque, sans que je m'y attende ses bras encerclent ma taille avant que ses lèvres n'embrassent le dessus de mon crâne. Ce simple toucher m'émeut, me transcende, attise ma libido. Le sang bouillonne dans mes veines, je suis incapable de contenir le feu qui crépite en moi.

— Je t'ai réveillé. Énoncé-je, en tentant de garder mon calme pour ne pas lui sauter dessus, le toucher et l'embrasser avec ferveur.

Ma fichue conscience me joue des tours, elle me dicte de rester sage, afin de ne pas l'effrayer. Sauf que mon corps, lui, n'est pas d'accord. Il me pousse à être sauvage, dominante et déterminée, afin d'assouvir le besoin que j'ai de le sentir contre moi... et en moi. Je me tourne dans ses bras, lui fais face pour accrocher son regard émeraude, que je découvre apeuré, perdu et d'une infinie tristesse. Il semble à bout de force, ses traits sont cernés, son teint est grisâtre et pourtant, malgré tous les signes de fatigue qu'exprime son visage, Léo reste un très bel homme. Je ne dois être guère mieux que lui, je ne dors pour ainsi dire quasiment pas depuis plusieurs jours. Chaque nuit, je ressasse cette maudite histoire. Et pourtant, j'ai fait le choix de lui pardonner et de revenir à la maison, puisque je l'aime éperdument.
Caressant sa joue, ombragée d'une barbe un peu plus fournie que d'habitude, j'ose un sourire timide et réconfortant, comme le ferait une maman attentionnée envers son enfant. Léo inspire une grande bouffée d'air, ferme les yeux, tandis que ses mains se perdent dans mes cheveux désordonnés. La délicatesse de cette étreinte m'électrise, m'enivre. J'ai une envie folle de me presser contre lui, de nicher ma tête sur son torse sculpté comme une œuvre d'art, juste pour me rassurer de sa présence. Léo replace quelques mèches derrière mes oreilles, dessine le contour de mon visage du bout des doigts, juste avant d'arrêter son esquisse sur mes lèvres, qui ne demandent qu'à se délecter des siennes. Animée par un élan de courage, j'approche ma bouche et l'embrasse avec avidité. Il ne me repousse pas, au contraire il accentue le contact qui devient très vite fougueux et passionné. C'est comme si ce baiser nous était compté dans le temps, il a un goût de rupture imminente, il ressemble plutôt à un adieu.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant