Chapitre 17. Roxanne

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— Je suis navré Roxanne, mais je vais devoir partir, m'annonce Léo en fourrant ses vêtements dans son sac grand luxe qui gît sur le sol de la chambre.

— Pardon !? Juste parce que je n'ai pas de quoi payer vos prestations.

— Ça n'a rien à voir avec ça.

— Admettez-le ! Cela vous dérange que je ne puisse donner suite à notre petite affaire puisque je n'ai pas l'argent nécessaire pour régler la note. Vous ne faites pas crédit à tout hasard ? Me risqué-je à lui demander par pur provocation.

— Vous connaissez beaucoup de prostitués qui le font peut-être... s'agace-t-il en me dévisageant de haut.

À vrai dire non, je n'en connais aucun mis à part lui.

— Excusez-moi de ne pas savoir comment fonctionne le milieu, je ne suis pas une habituée contrairement à vous. Je n'ai pas besoin de mettre la main au porte-monnaie pour avoir des relations sexuelles. C'est une grande nouveauté pour moi tout ceci.

— Vous avez fait appel à moi il y'a un mois et demi, dois-je vous le rappeler !?

— C'était pour une toute autre raison et vous le savez !

Je n'avais pas envie de coucher avec lui ce jour-là, il divague. Cependant j'admets que lorsque je l'ai revu au bar j'y ai pensé et pas que d'ailleurs puisque je lui ai fait des avances. Pour ma défense j'étais un peu bourrée certes, cela n'excuse pas tout je le sais. Et finalement tout ce que j'ai obtenu, c'est d'être gentiment rembarré sans que je ne comprenne vraiment pourquoi.

— Je vais aller trouver les mariés et les informer de mon départ, c'est la moindre des choses.

— Et vous leur direz quoi ? Que vous partez parce qu'il est impossible de me sauter sans être rémunéré, c'est ça !?

Il ne me répond pas, place son sac sur l'épaule avant de passer devant moi sans me jeter un regard, comme si j'étais tout simplement invisible à ses yeux. Je ne supporte pas son indifférence, une sensation de rage me traverse entièrement... et Léo va s'en mordre les doigts tôt ou tard.

— C'est ça cassez-vous ! Vous n'avez rien à faire ici de toute façon. Vous n'êtes qu'une pute, votre place est sur un trottoir pas dans un mariage avec des personnes respectables !

Il s'arrête devant la porte, se tourne pour me faire face. Le regard qu'il me jette me fait froid dans le dos. Je l'ai blessé.

— Vous avez raison Roxanne, ma place est ailleurs et non parmi des gens comme vous.

— Des gens comme moi ? Que voulez-vous dire ?

— Laissez-tomber ajoute-il avant de saisir la poignée de la porte.

Je reste là, médusée face à ces propos. Pour qui se prend-il à juger la personne que je suis ? Il ne me connaît pas, ne sait rien non plus sur le milieu dans lequel j'évolue et il se permet de me critiquer.

— Connard ! Crié-je lorsque la porte se referme derrière lui.

Je fulmine dans la chambre, tente de me calmer en arrachant les draps qui recouvrent mon lit mais rien n'arrête ma colère. Lasse, je m'assois et attends. Mais attendre quoi ? Que Léo revienne... C'est impossible. Que Barbara rapplique pour me consoler... c'est probable. Ou que Mick m'enguirlande pour avoir fait fuir Léo... c'est couru d'avance.

En y réfléchissant plus calmement, j'ai été trop virulente avec lui, je devrais peut-être lui présenter mes excuses, je n'avais pas le droit d'être si méchante avec lui, surtout que je ne le connais pas vraiment.

— Hé merde !

Tu manques de tact Roxanne, ça ne m'étonne pas qu'aucun homme ne te courtise, tu es toujours sur la défensive, pire qu'une louve qui protège ses petits.

Je me lève, vérifie mon reflet dans le miroir, réajuste ma robe, mes cheveux et mon maquillage puis sors à mon tour de la chambre afin de retrouver Léo pour lui parler calmement et ainsi m'excuser de mon comportement. Je tombe nez à nez avec Barbara qui bécote le serveur qu'elle projetait de mettre dans son lit il y'a de cela quelques heures. Je constate qu'elle a réussi son coup contrairement à moi qui se retrouve seule une fois de plus.

— Rox ! Qu'est-ce tu fais ici ? Tu m'as foutu une de ses peurs ! S'exclame mon amie en portant la main à sa poitrine. Mon cœur bat la chamade avec tes conneries. Tu vas me faire crever un de ces jours à me surprendre comme ça. Mais dis-moi, qu'est-ce que tu fabriques toute seule dans ce couloir ? Où se trouve le beau gosse qui t'accompagne ?

— C'est compliqué. On s'est disputés et il est parti avertir mon frère et Carla qu'il partait.

— Sérieux !? Mais pourquoi ?

— J'ai gravement merdé Barbara, je t'expliquerai plus tard. Lancé-je en me précipitant dans l'escalier.

Je cours et aperçois Léo non loin des mariés. Je le rattrape rapidement malgré les échasses que je porte aux pieds puis saisis vivement sa main et l'intime de me suivre à l'écart dans un coin plus isolé à l'abri des commérages.

— Ne partez pas. Je suis désolée d'avoir débité toutes ces horreurs. Je n'avais pas le droit de vous juger, vous êtes libre de faire ce que bon vous semble. Si ce métier vous plait c'est le principal n'est-ce pas ?

— Vous pensez réellement que j'ai choisi d'être Escort ? Vous voulez un scoop Roxanne, eh bien non ce n'était pas ma vocation loin de là. J'étais tout bonnement à la rue sans un sou pour me nourrir. Je survivais grâce à des petits boulots et puis j'ai rencontré quelqu'un qui m'a filé un tuyau pour avoir beaucoup de fric, rapidement et facilement. Dans un premier temps, je chaperonnais des femmes, je n'avais aucun rapport sexuel avec elles, ce qui me convenait très bien. Et puis à vingt-six ans, le luxe, les paillettes, les femmes et l'argent facile m'ont fait tourner la tête et je me suis vendu. Croyez-moi, je n'étais pas fier la première fois, je me dégoûtais d'en être arrivé là. Je pleurais après chaque rapport durant un long moment. Vous ne pouvez pas vous permettre de juger quelqu'un avant de connaître son histoire. Autre scoop Roxanne, vous êtes la seule femme que j'ai osé embrasser en l'espace de dix ans. D'après vous pourquoi ? Je vous laisse le soin d'y réfléchir à tête reposée ! Me lance-il en s'éloignant de moi.

Réfléchir ? J'en suis incapable. Je suis sous le choc, ses révélations, son départ, ça fait trop d'un coup.
Comme une idiote je reste plantée là à le regarder s'éloigner en direction des mariés sans que je ne tente de le retenir. Mick et Carla discutent avec lui, je tourne les talons et pars en direction du bar pour me faire servir un remontant. Je commande quelque chose de fort, un alcool qui me brûle le gosier et qui je l'espère me fera oublier mes déconvenues.

— Un autre s'il vous plait.

— Quelque chose ne va pas Roxanne?

J'avale mon verre cul sec, sans répondre à James le cousin de Carla qui me colle au train depuis le début de la cérémonie. Il me retire mon verre des mains et me dit qu'on ne résout pas ses problèmes en picolant.

— De quoi tu te mêles !?

— Désolé, je ne voulais pas être impoli.

Je dépose le verre sur le comptoir sans rien ajouter puis avance en toute discrétion vers l'escalier qui mène à ma chambre sauf que Mike déboule comme dingue, stoppe ma course puis m'agresse verbalement sans que je ne puisse me défendre.

— Qu'est-ce que tu as encore fait pour le faire fuir celui-là ? Il faut toujours que tu gâches tout quand tu rencontres un mec convenable. Bordel Roxanne, quand vas-tu te décider à grandir !?

Sa colère me paralyse, jamais mon frère n'avait été si virulent avec moi, même lorsque je faisais les pires conneries et que je méritais d'être réprimandé.

— Chéri, laisse la tranquille intervient Carla. Roxanne est assez grande pour savoir ce qu'elle fait, ce n'est plus une enfant.

— Parfois je me le demande. Mais tu as raison ma puce, qu'elle se débrouille, après tout c'est sa vie. Si elle veut finir seule, vieille et aigrie, c'est son choix. Vocifère-t-il en nous laissant là au beau milieu des invités qui n'ont pas loupé une seule miette du spectacle que mon frère leur a offert.

— N'écoute pas ce qu'il dit. Je suis certaine qu'il n'en pense pas un mot.

— Il a raison Carla, je foire toujours tout. Léo est parti par ma faute, j'ai été exécrable avec lui et je le regrette.

— Dans ce cas jeune fille, va le rattraper. Il vient à peine de s'en aller. Par chance, il sera peut-être encore sur le parking.

Je retrousse ma robe qui balaye le sol vu sa longueur puis trottine et bouscule certaines personnes sur mon passage afin de rattraper Léo. Je ne m'excuse pas, ce qui me vaut des réprimandes, mais je m'en fiche, je continue sur ma lancée.
Je suis accueillie dehors par une pluie diluvienne, ce qui retarde ma course. Mes talons de douze centimètres aux pieds me font défaut sur l'allée de graviers. Je trébuche et manque de tomber à plusieurs reprises en me rendant jusqu'au parking. La silhouette de Léo s'engouffre dans son véhicule, je retire mes escarpins et m'élance de nouveau sur les cailloux qui me cisaillent la chair en espérant le rejoindre avant qu'il ne soit trop tard.

— Léo ! Attendez ! Ne partez... pas n'ai-je eu le temps de dire puisque je finis à plat ventre dans une flaque d'eau.

Je suis trempée, couverte de terre, malgré tout je me relève avec difficulté pour reprendre mon sprint sauf que la voiture s'éloigne à toute vitesse. Les larmes que je contenais depuis quelques minutes se mettent à rouler sur mes joues sans que je ne puisse les retenir. Je suis dévastée, mouillée et gelée, malgré cela je reste sur place à regarder les phares disparaître au loin. La gourde que je suis n'a tout simplement pas su retenir l'homme qui lui plaisait. Pour lot de consolation, il ne me reste que mes yeux pour pleurer. Le tonnerre qui gronde m'empêche d'entendre les pas qui s'approchent de moi.
Deux grandes mains chaudes viennent me couvrir d'un manteau, je me tourne pour faire face à mon ange gardien et croise le regard désolé de mon frère.

— Rentre Roxy, tu vas attraper froid.

— Il est parti Mike, j'ai tout gâché. Pleuré-je en trouvant du réconfort dans les bras de mon grand frère.

— Tout va s'arranger petite sœur.
Mick m'emmène à l'intérieur de la grande bâtisse par une porte dérobée. Sa bienveillance est de retour, il n'a plus l'air fâché après moi, ce qui me console quelque peu.

— Tu crois ? Demandé-je en reniflant.

— Oui, j'en suis sûr. Maintenant, tu vas aller te doucher, te changer et te refaire une beauté. Après tu reviendras faire la fête avec nous.

J'acquiesce d'un tout petit oui avant de grimper les escaliers qui me conduisent à ma chambre que finalement je partagerai seule cette nuit.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant