Chapitre 24. Léo

482 48 0
                                    

J'hallucine !
Où est passé la douce et tendre Roxanne ? Pensé-je alors qu'elle vient de me claquer la porte au nez. Qu'elle m'insulte de connard, je le conçois puisque j'en suis un et l'assume parfaitement. Cependant, qu'elle me défie tout sourire en me faisant un doigt d'honneur a visiblement froissé mon ego de mâle. J'aurais dû me douter qu'une diablesse se cachait derrière ce visage angélique.  Elle ne perd rien pour attendre.
Fichue gonzesse !
Je ne suis pas au bout de mes surprises avec elle. Et pour être tout à fait honnête avec moi-même, j'adore le côté sauvage qu'elle me dévoile depuis quelque temps. Son caractère de cochon et ses reparties me font rire. Ses sourires m'aveuglent, sa voix suave m'envoûte, sa beauté époustouflante me subjugue et son corps de rêve me fait littéralement fantasmer. J'aime la personne qu'elle est et cela commence vraisemblablement à affoler mes sens puisque je me rends compte qu'elle me fait tourner la tête. Depuis Taylor, aucune femme n'a su briser la carapace que je me suis forgé. Pas une seule de mes clientes ne m'a donné l'envie de croire en l'amour, pas une, excepté Roxanne. Mon ex petite amie m'a brisé le cœur en forniquant avec mon frère. Je me suis longuement demandé ce qui se serait passé si je ne les avais pas surpris ensemble. Nous serions peut-être mariés aujourd'hui, avec un ou deux enfants pour parfaire le tableau de la famille idéale. Un métier prenant et sûrement déprimant, un compte en banque bien fourni grâce à mon dur labeur et que finalement mon adorable épouse s'empresserait de vider dans mon dos pour s'acheter un tas de conneries. Et comme tout homme amoureux, j'aurai fermé les yeux sur ses dépenses inutiles et peut-être même sur toutes ses tromperies pour épargner notre famille. Heureusement, j'ai fait le bon choix en quittant Taylor. Certes, ma vie n'est pas un conte de fées, mais grâce à Roxanne, je sais que j'en prends le chemin. Elle me donne l'envie d'y croire alors que depuis dix ans je me retranche dans la peau d'un célibataire endurci.
Un miaulement m'interpelle, c'est alors que je réalise que je campe toujours devant chez Roxanne. À l'étage, une lumière perfore la transparence d'un rideau blanc. Je me demande bien ce qu'elle est en train de faire en ce moment. Est-ce sa chambre que je perçois ? Que fait- elle ?
Je me pince l'arête du nez pour contenir la rage qui s'immisce en moi. Je n'ai qu'un objectif en tête, retrouver ce bâtard et lui faire passer l'envie de poser ses mains sur ma Roxanne. Je sais qu'elle n'est pas ma petite amie, ni mon plan cul, je peux seulement dire que cette déesse m'appartient. Quoi que les féministes puissent en penser, elle est à moi et à personne d'autre, hors de question que je partage avec qui que ce soit. L'éternel connard que je suis a décrété que cette femme serait en ma possession le temps qu'il faudra. Si elle a laissé cet homme la tripoter, c'est en partie ma faute, j'ai été stupide à ne pas vouloir la rappeler. En fait, j'ai pensé le faire à maintes reprises sauf que je ne voulais pas qu'elle s'imagine des choses qui n'arriveraient sûrement jamais. À savoir, lui ouvrir mon cœur et l'aimer d'un amour inconditionnel. Hélas, je doute pouvoir le faire tant par le passé, les sentiments m'ont anéanti. J'aimerais me ranger pour de bon, avoir un travail plaisant, une petite maison de campagne, un fils que j'encouragerai à chacun de ses matchs, une petite fille que je protégerai des garçons. Je voudrais aussi un chien, et par-dessus tout avoir une femme qui s'épanouirait dans sa vie professionnelle. Je la câlinerai chaque nuit pour lui prouver mon amour, malheureusement je ne crains que cela ne soit possible, la faute à Taylor. Cette femme ou plutôt cette garce a été ma première petite amie. Elle m'a fait goûter les plaisirs de la chair et m'a trahi alors que je venais de lui dire « je t'aime » quelques heures plus tôt. Mon cœur s'est transformé en bloc de pierre après notre rupture, et voilà que Roxanne arrive à l'effriter par je ne sais quel moyen. J'ai terriblement peur de m'abandonner de nouveau avec une femme, et pourtant, je me laisse à croire qu'elle sera celle qui brisera mes chaînes. L'aimer me sera difficile, je vivrai toujours avec l'angoisse de la perdre, seulement je dois foncer et tirer un trait sur le passé, Roxanne n'est pas Taylor, elle est différence et c'est à moi de la laisser graver son nom dans mon cœur. Des années à tenter de le réparer, pour au final avoir encore certaines brèches qui ne sont toujours pas colmatées. Celui-ci est en kit, je souhaite bien du courage à quiconque essaye de déchiffrer le plan pour le reconstruire.
Jetant un dernier regard vers la fenêtre du haut, je constate que cette fois la lumière est éteinte. Roxanne doit dormir à présent et il serait temps pour moi de rentrer avant que le voisinage alerte la police pour signaler qu'un rôdeur traine devant chez mademoiselle Harper. Le chemin du retour me semble interminable, je ne cesse de cogiter.
Fais-je le bon choix en laissant Roxanne entrer dans ma vie ? Seul l'avenir me le dira.

Faisant les cent pas dans ma maison, le constat est affligeant... je suis seul dans cette grande demeure que je ne partage qu'avec ma solitude. Je devrais peut-être penser à prendre un animal peut être un chien. J'ai un grand jardin où il pourrait se défouler, il serait heureux ici je crois, quant à moi, il me tiendrait compagnie et apaiserait ce foutu manque. Ouais ce n'est pas mal comme idée, au moins il ne me contredira jamais et ne me blessera pas. Il sera là pour moi et je lui rendrai toute mon affection par de nombreuses caresses. C'est décidé, demain j'irai à l'animalerie acheter un chien. Une petite fringale me conduit à la cuisine, je déniche quelques tranches de pain de mie, du beurre de cacahuète dans les placards, puis tartine généreusement mon sandwich avec de croquer à pleine dent dans cet encas de fortune. Une fois terminé, je consulte le répondeur qui clignote.

« Société Sanicol. Actuellement, nos techniciens proposent d'effectuer un devis gratuit pour vérifier les installations sanitaires de votre maison. Si vous êtes intéressé, contactez-nous au... »

J'efface le message. Les démarcheurs m'ennuient à me contacter pour tout et rien. Si j'ai besoin de changer quelque chose chez moi, je saurai me débrouiller pour trouver l'entreprise qui réalisera mes travaux.
Nouveau message.

« Salut Léo, c'est... »

J'efface sans écouter la suite, je ne veux pas l'entendre. Pas maintenant, ni même jamais ! Message suivant.

« Je sais que... »

— Non ! Tu ne sais rien. Fulminé-je en effaçant de nouveau son discours mensonger.
Quatrième et dernier message. 

« C'est à propos de papa. Rappelle-moi »

— Va te faire foutre Garreth ! Hurlé en arrachant les câbles du téléphone.

Dix ans qu'il ne fait plus partie de ma vie, et les autres aussi. Il ne comprend pas qu'ils ne représentent plus rien à mes yeux. Tous des menteurs, des manipulateurs sans scrupules, je les déteste tous autant qu'ils sont. Note à moi-même, changer de numéro dès demain. Garreth me fichera la paix jusqu'à ce qu'il dégote mes nouvelles coordonnées téléphoniques. Dans une colère noire, je me sers un cognac que j'avale d'un trait, afin de calmer les pulsions meurtrières qu'éveille mon ignoble frangin. Je fais suivre la bouteille avec moi et m'étale sur le canapé, attrape la télécommande et fais défiler les chaînes. Rien de passionnant, des jeux à la noix, des télé-réalités stupides. Je zappe donc sur les chaînes câblées, et voilà qu'un film en particulier capte toute mon attention.
Je me détends devant le film culte de Quentin Tarantino, « Inglourious Basterds » en allongeant mes jambes sur la table basse. Je porte le goulot à ma bouche et en avale une grande rasade. Le liquide ambré anesthésie immédiatement ma gorge et mes pensées dirigées vers ma belle brunette s'estompent peu à peu. Totalement captivé par l'histoire, les fusillades et l'action, je ne vois pas le temps passer et mon estomac commence à crier famine. Je me lève en direction de la cuisine, saisis dans le placard un sachet de Pop-Corn que je place au micro-ondes quelques secondes. Mon butin en main, je retourne au salon et reprends le long métrage en cours de route. Je fourre le maïs dans ma bouche et me délecte de sa saveur sucrée... ce qui me fait instantanément remonter le souvenir du goût de la peau de Roxanne. J'essaie de me replonger sur les combats qui opposent les Nazis à la population Juive... mais rien n'y fait, elle occulte une fois de plus tous mes neurones. De frustration, je m'empare du boitier de ma télé et éteins l'écran car impossible de me reconcentrer sur la bataille qui fait rage devant laquelle je suis depuis des heures. Je monte dans ma chambre, vire mes fringues, passe par la salle de bain me brosser les dents avant de m'étaler de tout mon long sur le matelas tête posée sur l'oreiller et de hurler de rage :

— Putain ! Tout ça c'est ta faute Roxanne. Tu me rends complètement dingue. Tu m'as envoûté Satanée sorcière !

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant