Chapitre 43. Léo

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Août 2015

— Qu'est-ce que tu fous bon sang ! Ça fait plus d'une heure que tu es enfermée là-dedans. Fulminé-je derrière la porte de la salle de bain, à attendre que Roxanne daigne montrer le bout de son nez.

— Une petite minute.

— Je te préviens, si dans trente secondes, tu n'es pas sortie, je m'en vais au restaurant sans toi.

Quelle chieuse !
Une plombe pour se préparer, c'est fichtrement du foutage de gueule. C'est à croire qu'elle prend un malin plaisir à me faire rager. Je pose mon front contre le bois et soupire d'impatience.

— Heureusement que je t'ai averti ce matin qu'on sortait pour dîner. La prochaine fois, je t'en parlerai une semaine voire un mois à l'avance pour qu'on puisse être à l'heure.

— J'arrive ! Et arrête de crier, tu me casses les oreilles.

— Ok ! Tu l'auras voulu. Vingt-neuf, vingt-huit, vingt-sept...

— C'est bon, j'ai terminé ! Rouspète-t-elle, en ouvrant la porte avec fracas. Ce que tu peux être chiant quand tu t'y mets. Rappelle-moi l'heure de la réservation.

— Vingt heures.

— Et tu me presses alors qu'il est seulement...

Dix-neuf heures cinquante, ai-je envie de lui répondre. Cependant, je n'en fais rien, puisque de toute façon quoi que je dise, quoi que je fasse, Sa Majesté Roxanne a toujours raison.

— Comment tu me trouves ? Je te plais comme ça ?

— Bien. Dépêche-toi maintenant, on va être en retard.

— Sympa ! Cela fait une heure que je m'apprête pour toi et tout ce que tu trouves à me dire c'est que je suis bien. La prochaine fois, j'enfilerai un jogging.

— Bonne idée ! Au moins, on dînera à l'heure. Et pour que tu fasses moins tâche dans le décor, je t'emmènerai manger dans un fast-food.

— Connard !

— Monsieur C, je te prie.

Roxanne me passe devant en marmonnant quelque chose que je ne saisis pas. Je suis convaincu qu'elle baragouine encore des insultes à mon encontre et cela me fait sourire. La démarche qu'elle adopte pour fuir est tout bonnement à mourir de rire. J'étouffe mes ricanements pour ne pas l'énerver davantage et file la rejoindre dans la chambre où elle a trouvé refuge. Son visage contrarié laisse apparaître de petites ridicules aux coins de ses yeux qui me font craquer. J'aime l'agacer, la titiller et la faire rager pour un oui ou pour un non.
Une Roxanne énervée équivaut à une diablesse au lit dans la foulée. Dressée devant la fenêtre à regarder l'obscurité de la nuit tombante, j'avance vers elle et entoure sa taille de mes bras puissants.

— Arrête de bouder. Je te trouve terriblement excitante dans cette petite robe. Je prendrais mon temps pour te la retirer lorsque nous rentrerons à la maison, à moins que tu ne m'invites à te rejoindre dans les toilettes du restaurant pour avoir un aperçu de ce qui se cache en dessous.

Le fourreau bleu qui couvre à peine ses formes audacieuses est outrageusement sexy. Le décolleté fait de dentelle de Calais épouse ses seins à la perfection. Le tissu tombant au-dessus du genou me laisse tout le loisir d'admirer le galbe de ses jambes parfaitement sculptées. Je les revois enroulées autour de mes hanches et cela provoque en moi, une réaction incontrôlée. Ses cheveux relevés en chignon dégagent le dos nu apparent que lui offre cette tenue. Je constate que Roxanne ne porte pas de soutien-gorge, cela a tendance à me rendre fou et elle le sait. Plongeant mon nez dans son cou, je renifle ses effluves corporelles et finis par bécoter la douceur de son épaule, avant de m'excuser pour la goujaterie dont elle a été victime.

— Je te déteste Léo.

— Et moi, je t'aime Roxanne.

J'ai tapé dans le mille avec ma déclaration d'amour. Roxanne n'y résiste pas, elle se retourne pour venir m'embrasser avec fougue.
Putain ! Cette femme me met dans un état d'ébullition immodérée.
Chaque baiser, chaque caresse, chaque attention qu'elle m'octroie me transporte sur un petit nuage.

— J'ai faim. Mais, ne crois surtout pas que j'en ai fini avec toi. Attends-toi à des représailles en rentrant.

Des menaces !? Humm... doux supplice. J'adore quand Roxanne m'en prodigue.
Cela promet une nuit de sexe terriblement intense et décadente, je suis impatient d'y être.
Tel un gentleman, j'aide ma petite amie à enfiler son manteau. Je n'ai que de bonnes intentions envers elle, je lui offre très souvent des petits cadeaux, lingerie, parfum et lui écris même des billets doux que je glisse sous son oreiller avant que je parte aux aurores pour faire mon footing. L'amour me rend niais. C'est fou le chemin que j'ai parcouru en quelques mois. Il faut bien que je rattrape le temps que j'ai perdu à vouloir étouffer les sentiments que j'avais pour elle.

— Tu as réservé dans quel établissement ? Demande-t-elle alors que nous bouclons notre ceinture de sécurité.

— Aux pinces d'or, j'espère que cela te convient.

— Evidemment, mais c'est extrêmement cher là-bas, tu vas péter ta tirelire. Comment as-tu fait pour avoir une table aussi rapidement, il y a des mois d'attente.

— Ah ! C'est un secret.

Nous conversons sur le déroulement de la soirée que son père organise pour fêter les cent ans de la société Harper. Cette grande festivité doit avoir lieu dans deux semaines et j'avoue ne pas être serein. Je ne redoute pas de croiser d'anciennes clientes, ce que je crains, c'est plutôt la réaction du dragon que je n'ai pas revu depuis des lustres. En fait, pour être exact, cela fait deux mois que je n'ai plus de contact avec Rosa et Richard, les parents de Rox et les revoir après le drame qui a eu lieu chez eux me fait paniquer.
— Strass et paillettes sont de rigueur pour les femmes et les hommes devront être vêtus d'une pièce blanche. Veste, chemise ou cravate, c'est toi qui vois puisque tu as le choix.

— Pas de soucis. Je me mettrai sur mon trente et un rien que pour toi. Tu brilleras en ma compagnie Rox, je te le garantis.

Ma jolie brune me regarde d'un œil dubitatif et se met à pouffer de rire.
Qu'est-ce que j'ai dit de drôle ?

— Ça va tes chevilles Ortega. Attention, tu risques de ne plus rentrer dans tes mocassins.

Mais qu'est-ce qu'elle raconte ! Roxanne ne peut qu'être sublimée avec un homme de ma prestance.

— Admets que je ferai toute la lumière sur toi. Je suis un mec canon, sexy et...

— Prétentieux. Me coupe-t-elle. Ah ! Mon pauvre chéri, ça te perdra.

Moi, prétentieux ! Dites-moi que je rêve. Je suis simplement réaliste. Toutes les femmes n'auront d'yeux que pour ma personne, et les hommes baveront devant la créature céleste qui sera à mon bras.

Nous arrivons avec un peu de retard au restaurant, par chance, le propriétaire des lieux est un très bon ami.

— Léo, vieille canaille. Ça fait un bail que je ne t'ai pas vu. Comment vas-tu depuis tout ce temps ?

— Je vais très bien et toi aussi à ce que je vois. Constaté-je en inspectant l'intérieur du restaurant qui fait salle comble.

— Les affaires sont florissantes, je n'ai pas à me plaindre comme tu peux le constater. Mais dis-moi, qui est la charmante jeune femme qui t'accompagne ?

— Je te présente Roxanne, ma fiancée.

César semble aussi étonné que ma compagne face à mes propos quelque peu surprenants et inattendus. Qu'ils s'en remettent, Roxanne est bien plus que ma petite copine. La qualifier de fiancée n'est pas anodin, un jour prochain, elle le sera réellement, cependant ce n'est pas encore aujourd'hui que je lui demanderai sa main. Ce soir, j'ai d'autres objectifs en tête.

— Bah ça alors ! Si l'on m'avait dit un jour que tu te caserais Casanova, je n'aurais pas parié un kopeck là-dessus.

— Les gens changent César. Je me fais vieux, tu sais. Tu ne crois pas qu'il fallait que je trouve chaussure à mon pied.

— Si ! Cependant, je vous plains ma chère. Ce gars-là est un sacré connard.

Roxanne émet un rire franc et m'assène le coup de grâce.

— Je vous le confirme. Il se fait d'ailleurs appeler monsieur C.
Je n'y crois pas ! Ces deux-là se liguent contre moi. Bonjour l'amitié, adieu l'amour.

— Comme je suis un connard, je vais vous donner matière à le croire. Tu serviras à madame des crevettes et pour moi, du homard.

Roxanne perd son magnifique sourire, une moue boudeuse se plaque sur son visage pour mon plus grand plaisir. Je tiens enfin ma revanche.

— Je plaisante ma puce. Cependant, pour toi, ça sera qu'un demi-crustacé. N'oublie pas que cela coûte un bras et que je suis toujours sans emploi.

— En plus d'être con, il est radin. Ma pauvre Roxanne, vous avez tiré le mauvais numéro. Pourquoi ne vous ai-je pas rencontré avant ce goujat ?

— Bah les pattes ! Roxanne est chasse gardée. Je pourrais avertir ta femme, méfie-toi !

— Ola malheureux ! Tu ne voudrais pas être responsable d'un divorce. Piaille-t-il en riant à s'en tenir le ventre. Trêve de plaisanteries. Je vous accompagne à votre table les tourtereaux, j'ai des clients qui m'attendent.

César nous conduit dans un coin isolé, éclairé de quelques bougies, où personne ne pourra voir ce qui se passe, ni entendre ce qui se dira. L'ambiance est calfeutrée, intime, idéale pour parler à Roxanne. Afin de faire les choses correctement, je commande du champagne pour débuter les hostilités. Mes mains moites sont prises d'un tremblement incontrôlé. Je ne sais par où commencer, j'ai tellement peur qu'elle se moque de moi, qu'elle me rit au nez que je bafouille mes premiers mots.

— Je ne t'ai pas amené ici par hasard Roxanne, j'ai certaines choses à te dire. C'est assez délicat, alors s'il te plaît, écoute-moi sans m'interrompre.

J'essuie mes mains sur la toile de mon pantalon, me dandine sur ma chaise et ricane bêtement. Mes nerfs sont mis à rude épreuve. Je n'ai jamais autant douté de moi, et pourtant je dois me fais violence pour m'exprimer face à ma jolie brune qui me regarde amoureusement.

— Roxanne, tu es une véritable bénédiction, un don du ciel. Tel un tsunami, tu as bouleversé ma vie, non pas pour reconstruire un pays, mais pour réparer mon cœur que je croyais meurtri à jamais. Ton amour m'a permis d'ouvrir les yeux sur celui que j'étais et sur celui que je pouvais être. Sans toi, je serai encore dans le cercle très fermé de la prostitution. Je profiterai encore des femmes sans me soucier de leurs sentiments, ni des conséquences. Cependant, ce que j'ai à te confier n'a rien à voir avec cela. Voilà, j'ai réfléchi à ta proposition, et si je veux avancer avec toi, je dois t'inclure dans mes projets. Si tu es toujours d'accord, ce que j'espère, j'accepte que tu t'associes avec moi à part égale. Et si tu n'es plus intéressée, ce que je comprendrais face à tant de refus de ma part, j'ai trouvé une autre solution. J'hypothéquerai ma maison pour avoir les fonds nécessaires afin d'ouvrir ma salle de sport.

— C'est hors de question !  Pas d'hypothèque sur ta maison. Cependant, j'approuve ta demande, et je serai heureuse d'être ton associée. Tu t'occuperas de la gestion, du club et moi du marketing.

— Tu m'en vois ravi. J'ai autre chose à te demander.

Posant un genou à terre, je me prosterne devant Roxanne tout en sortant un écrin de ma veste grise. Ses yeux scintillent alors que des larmes perlent aux coins de ses billes émeraude menaçant de dégringoler d'un moment à l'autre. Je n'ai encore rien dit qu'un torrent se déchaîne sur la délicatesse de ses joues.

— Roxanne, c'est peut-être encore trop tôt ou peut-être trop tard, je ne sais pas, mais je voudrais que tu prennes le temps de réfléchir avant de me donner ta réponse définitive.

Ouvrant l'écrin d'une main habile, j'entame un monologue bref, que j'espère cependant efficace.

— T'avoir à mes côtés me comble de bonheur chaque jour. C'est pourquoi je te demande de venir emménager avec moi. Prends le temps qu'il te faudra pour me donner une réponse. Cette clé est à toi et elle t'attendra quoique tu décides ce soir. Annoncé-je en la retirant de l'écrin afin de lui déposer dans la main.

— Ok, c'est tout réfléchi.

— C'est précipité. Je ne t'en veux pas, j'aurai au moins essayé.

— Tu ne m'as pas comprise Léo. C'est d'accord. Je veux partager mes nuits à tes côtés et me réveiller dans tes bras chaque matin. Prendre ma douche en ta compagnie, partager ma brosse à dents, te mitonner des petits plats brûlés, te crier dessus quand tu laisseras tes chaussettes sales traînées, et par-dessus tout te dire à longueur de temps que je t'aime et que tu es l'homme de ma vie.

— Tu es sûre ? Tu ne vas pas changer d'avis.

— Aucun risque. Termine-t-elle avant de sceller ses lèvres aux miennes, afin de conclure la proposition qu'elle a acceptée. Je t'aime tellement Léo.

— Idem mon ange.

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