Chapitre 54. Pdv Inconnu

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Avril 2016

« Dans la vengeance comme dans l'amour, la femme est plus barbare que l'homme »
                                              
Friedrich Nietzsche


Poings serrés, mâchoire crispée, le corps bouillonnant de rage, je la regarde s'éloigner avec pour seule envie la rattraper et lui faire payer son crime. La cause de tous ses ennuis porte pour unique prénom celui de ... Roxanne. Depuis plusieurs mois, je suis persuadée que ma pire ennemie m'a volé ma vie et par-dessus tout mon grand amour.
Énervée, ivre d'une colère noire, je retourne à l'intérieur de ma maison, puis claque la porte avec une telle virulence que les murs se mettent à trembler. Poussant un hurlement bestial pour exulter ma colère, je n'ai pour seule réponse à ma plainte, l'écho de ma voix brisée par le chagrin et la douleur. Aveuglée par l'amour que je porte à Léo, je ne suis habitée que par le désir de soumettre ma vengeance. Roxanne est la femme à abattre, le dernier obstacle pour retrouver ma place auprès de celui que j'aime plus que tout.
Je pensais peut-être trop naïvement que mes lettres anonymes lui feraient perdre pied, malheureusement cela n'a pas eu l'effet escompté au contraire. Cette garce est venue me trouver chez moi, accompagnée de son chien de garde, Barbara, pour me menacer d'aller trouver la police si je continuais mon harcèlement.

Comment a-t-elle pu deviner qu'il s'agissait de moi ? Par quel biais m'a-t-elle démasquée ?

Tant de questions subsistaient après son passage que mon énervement ne faisait qu'accroître. Jusqu'à aujourd'hui. J'ai toujours été prudente, orchestrant minutieusement chaque acte de rébellion avec soin.
Rien n'avait été plus facile que de vandaliser sa belle voiture.
J'avais déniché le parfait candidat pour réaliser la sale besogne. Un pauvre type camé jusqu'aux os qui ne rechignait aucunement pour faire le boulot en guise de quelques billets pour s'acheter sa dose. Mon plan était infaillible, détruire mon ennemie jurée était mon leitmotiv.
Tout n'est qu'une question de temps à présent. Je ne connais que trop bien la patience. Allumant une cigarette alors que je ne fume plus depuis des lustres, je me rends dans mon endroit secret... cette petite pièce sombre et vétuste que je garde fermée à double tour pour m'y réfugier afin d'élaborer mes nombreux stratagèmes.
Les murs sont couverts de coupures de presse, de photos affichant Roxanne dans son quotidien : sortant de son bureau, dinant au restaurant avec ses amies. Je la traque, l'observe, l'épie dans chacun de ces déplacements en toute discrétion. Je me grime en utilisant perruques, vieilles fripes afin de m'enlaidir pour être méconnaissable. Je connais sur le bout des doigts son emploi du temps, rien ne peut m'échapper.
Seul lieu que je n'ai pu visiter jusqu'à maintenant c'est la maison qu'ils occupent. J'ai tenté vainement de m'introduire chez eux, hélas le système d'alarme est si sophistiqué que je n'ai pu le désactiver.
D'un geste vif, j'attrape une paire de ciseaux et plante les lames tranchantes dans un des nombreux clichés qui jonchent le mur décrépi de cet antre dépourvu de toute luminosité extérieure. À défaut de pouvoir lui crever réellement les yeux, je m'acharne à déchiqueter le visage de la diablesse comme j'aime la nommer. Le papier glacé n'est plus que lambeau, les traits magnifiques qui dessinent sa beauté ne sont plus que laideur.
Inlassablement, une petite voix dans ma tête me répète que cette maudite sorcière payera prochainement pour le mal qu'elle m'inflige. Léo m'est destiné, j'en suis convaincue. Nous sommes faits pour être ensemble et personne d'autre n'a le droit d'être à ses côtés.
Ma folie amoureuse me pousse à aller de plus en plus loin en réfléchissant déjà à un nouveau plan d'attaque afin d'éradiquer pour l'éternité celle qui est à l'origine de ma haine purulente. Il faut que je l'atteigne physiquement puisque moralement c'est une redoutable adversaire.
J'établis une liste bien définie sur un morceau de papier : la capturer, la défigurer puis la tuer. Je n'ai pas d'autres choix si je veux que mon bonheur soit total. Pour se faire, je cogite en riant comme si un démon prenait possession de mon corps en notant chaque idée qui traverse mes sombres pensées.
Bientôt cette garce ne sera plus qu'un lointain souvenir et je pourrais enfin récupérer mon Léo, l'homme qu'elle m'a dérobé en le manipulant avec ses charmes et son argent.
Il a toujours eu un faible pour les belles femmes et les gros comptes en banque. Heureusement, je dispose de ressources nécessaires pour le faire flancher.
Sexuellement il n'a jamais pu me résister, je l'ai toujours comblée, il m'a tant de fois désirée jusqu'à ce qu'elle fasse son apparition dans sa vie.
Les savoir ensemble me fout la nausée et emplit ma soif de vengeance. Je consulte ma montre et remarque qu'il est temps de me remettre en chasse.
Oubliées les lettres anonymes puisqu'elles n'ont aucun impacte. Je vais donc poursuivre l'espionnage. J'ai besoin de suivre ses moindres faits et gestes pour organiser mon plan d'attaque.
Je sors de la pièce en la refermant avec précaution à clé et monte à l'étage pour enfiler ma tenue de détective.
Je quitte ma robe rouge sang et enfile une salopette en jeans tachée que j'utilise pour peindre. Une vieille paire de boots aux pieds, une perruque rousse ainsi qu'une casquette vissée sur la tête viennent compléter mon accoutrement. Je suis fin prête pour partir à la chasse aux infos. Nous sommes jeudi, et je sais où trouver Roxanne et sa clique. Elle se rend chaque semaine au même endroit pour boire un verre avec son amie et sa sœur la pimbêche qui se prend pour le nombril du monde. Je la déteste, aussi prétentieuse que sa cadette, c'est à croire que c'est inscrit dans leurs gènes. Les Harper sont des êtres hautains et néfastes tous autant qu'ils sont.
***
Aux alentours de dix-huit heures, je pousse la porte battante du bar puis me faufile à une table non loin de celle que Roxanne occupe. À seulement deux petits mètres d'elle, tout en savourant ma coupe de champagne, je tends l'oreille et écoute la conversation. Elle parle encore de son fichu mariage, du traiteur qu'elle doit choisir, le lieu de réception et de sa robe. Si elle pense que je vais la laisser épouser Léo, elle peut toujours espérer cette conne ! En y réfléchissant bien, une idée plus intéressante germe dans mon esprit. Je devrais peut-être attendre qu'ils s'unissent. Une fois que je me serai débarrassée de cette pouffiasse, sa fortune reviendra à Léo, et alors il sera très riche. Je profiterai de sa faiblesse, il sera anéanti, perdu par la perte de Roxanne... mais moi, je serai là pour lui. Je saurai l'écouter et le réconforter comme il se doit.
Cela me parait la plus merveilleuse des idées. Dorénavant, tout n'est qu'une question de temps avant que Melle Harper ne nous quitte. Et alors, je savourerai le bonheur qui m'a été enlevé.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant