Chapitre 55. Roxanne

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Juillet 2016
J-7 avant le mariage.

Plongée dans les tréfonds d'un rêve merveilleux où je nous imagine Léo et moi nus sur une plage de sable fin, dénuée de toute civilisation, un chahut assourdissant s'immisce dans mes songes et vient troubler ce délicieux moment pour me faire revenir à la dure réalité.
Aujourd'hui c'est mon enterrement de vie de jeune fille, et j'en déprime à l'avance. Je sais que les filles me réservent de sales tours et cela ne m'enchante guère. Cette fête n'est que sottise et je déteste celui ou celle qui a inventé cette coutume ridicule. Pas besoin de ça pour célébrer la fin d'un cycle.
J'enfouis ma tête sous l'oreiller pour faire taire la meute de hyènes qui ricane dans l'escalier afin de ne plus rien entendre... hélas rien n'y fait. La joyeuse bande déboule dans ma chambre et tire sur la couette pour me faire sortir du lit. Je râle en étouffant ma voix contre le matelas, puis me redresse d'un coup et fusille les trois protagonistes qui ont osées troubler mon repos.

— Debout Roxy ! C'est le grand jour. Jubile ma sœur Mary qui ne tient pas en place.

Elle me file le tournis à s'agiter dans tous les sens. En plus de ça, je suis fatiguée et irritable. Alors pour toute réponse, je vocifère ivre de colère qu'elle m'emmerde avec sa fête débile et me recouche en tirant à nouveau la couette sur mon corps à demi-dévêtu.

— Tu n'as pas le choix Roxanne ! Si tu ne joues pas le jeu, crois-moi, tu devras trouver un autre témoin. Me menace-t-elle en serrant les poings sur ses hanches.

Garce ! Elle n'oserait pas... quoiqu'en connaissant Mary je devrais prendre sa menace au sérieux.

Je me lève, passe devant elle en marmonnant des grossièretés à son encontre puis me rends à la salle de bain pour prendre une douche, qui je l'espère me calmera avant que je ne commette un meurtre.

— Tu as quinze minutes pour te préparer. M'informe Barbara. Ton premier commandement est programmé à neuf heures trente.

Je ne comprends pas de suite, mais une fois sous le jet d'eau brulant mon cerveau ne fait qu'un tour, puis saisis enfin le sens de ces propos. Je vais devoir respecter une liste de dix impératifs à accomplir dans la journée, j'en suis quasiment certaine... je dirai même que je suis catégorique à 100%.

Ô mon Dieu ! Ayez pitié de moi. Faites qu'elles ne m'humilient pas en public.

— Dépêche-toi ! On va être en retard Roxy. Si dans deux minutes tu ne montres pas le bout de ton nez, j'enfonce la porte.

— J'arrive Barbara ! J'attache juste mes cheveux bordel !

La voiture se stationne devant un bâtiment que je ne reconnais pas. J'interroge le trio infernal du regard, mais aucune d'elles ne répond à mes interrogations.

— Pourquoi on s'arrête ici ?

Carla me tend une feuille que je déplie avec soin et ce que j'y lis me glace le sang.

— Vous n'êtes pas sérieuses ? Il est hors de question que j'aille voir un gynécologue pour qu'il atteste de ma virginité. Vous êtes folles ou quoi ! Il y'a bien longtemps que ma fleur a été ouverte.

— On le sait. Et justement c'est ça qui est drôle. Tu vas devoir le convaincre de te faire un certificat sinon...

— Sinon quoi !?

— Le prochain commandement sera cruel ! S'exclame Barbara qui me pousse en dehors du véhicule.

— Vous me le payerez bande de garces ! Tôt ou tard ma vengeance sera terrible et vous vous en mordrez les doigts.

Je franchis les quelques mètres qui me séparent de l'entrée du cabinet et ouvre la porte en tentant de garder mon calme. Je suis remontée contre elles et sens mon sang bouillir dans mes veines, mes joues rougissent de honte... mais surtout de colère.

— Bonjour, vous avez rendez-vous ? M'interroge la secrétaire médicale qui pianote sur son clavier, les yeux rivés sur l'écran.

— Euh... Je crois que je suis attendue pour neuf heures trente avec le docteur...

Je prends conscience à l'instant que je ne connais même pas son nom. Comment vais-je faire pour me dépatouiller de cette situation ? Fait chier ! Manquait plus que ça !

— À vrai dire, je n'en ai aucune idée. Le rendez-vous a été pris par une tierce personne.

— Je vois. Quel est votre nom Madame ?

— Harper... Roxanne Harper.

— C'est bon, vous êtes juste en salle d'attente numéro deux. Le docteur Rivera va vous recevoir dans quelques instants. Il termine tout juste avec une patiente.

Je m'installe sur une chaise bancale et inspecte les lieux. Je sors mon portable de mon sac et bombarde les filles de messages en les insultant des pires noms d'oiseaux qu'il existe sur cette terre. Je suis furieuse. Je n'avais déjà pas envie de participer à cette sauterie, mais là c'est encore pire ! Une seule envie me traverse l'esprit, c'est de prendre la fuite au plus vite et de les laisser planter là avec cette fichue liste pour aller me barricader chez moi jusqu'à nouvel ordre.

— Madame Harper ? Me demande un homme d'origine hispanique.

Il doit être âgé d'une quarantaine d'années pas plus et j'avoue qu'il est bourré de charme. Son regard azur est hypnotique, son sourire est à fondre, sa blouse entrouverte laisse apparaitre une chemise qui le sied à merveille où l'on devine une musculature harmonieuse. Les deux premiers boutons ouverts, dévoilent la naissance d'un torse imberbe et hâlé. Ce beau spécimen ne me laisse pas indifférente et me coupe le sifflet.

— Oui... oui, c'est moi. Affirmé-je en me levant de ma chaise.

Seuls dans son bureau, je ne sais par où commencer pour lui expliquer ma démarche quelque peu farfelue.

— En quoi puis-je vous être utile ?  Frottis, contraception, visite de contrôle. Je vous écoute madame.

— C'est assez bizarre en fait. Vous allez me prendre pour une dingue, mais j'ai besoin d'un certificat de virginité.

— Excusez-moi ? Je ne m'attendais pas à ça ! C'est assez surprenant comme demande en effet. L'êtes-vous Madame Harper ?

— Bien sûre que Nooon ! En fait, je me marie dans une semaine et mes amies se sont mises en tête de me bizuter pour mon enterrement de vie de jeune fille. Mon premier devoir est d'obtenir une attention certes caduque pour passer à la suite des commandements.

Le médecin me fixe avec désolation un court instant puis part dans un fou rire démesuré. Je suis très embarrassée.

— Désolé, c'est la première fois qu'on me demande ce genre de chose. Cela dit, je vais devoir vérifier avant de signer le document qui attestera de votre soit disant virginité.

— Il n'en est pas question ! Je vous donne cinq cent dollars pour acheter votre silence. Une signature contre un gros paquet de billets ? Qu'en dites-vous ?

Contre toute attente, il rit de plus belle, s'empare d'un stylo et signe un papier. Il me le tend en me précisant de passer le bonjour à Barbara de sa part.
— Pardon !? Je ne comprends pas...

— Je crois que notre amie commune vous a joué un vilain tour. Et je ne peux que plaider coupable pour la complicité que je lui ai apportée. C'était très divertissant !

— Oh seigneur...vous étiez de mèche ?

— Oui, je lui devais un petit service. Maintenant elle et moi sommes quittes.

Je suis soulagée, certes un peu énervée mais vraiment rassurée de savoir que cela était orchestré de toutes pièces. Je quitte le cabinet, retourne dans la voiture et remets le papier aux filles qui s'esclaffent devant ma tête déconfite.

— Je vous déteste ! Vous vous amusez bien j'espère. Je vous jure que...

— Prête pour la suite ? Me coupe Mary avant de démarrer la voiture.

— Du tout ! Seulement ai-je le choix ?

Les commandements s'enchaînent à mon grand désarroi. Après l'épisode du gynécologue, j'ai dû entrer dans une boutique de lingerie fine et emporter par inadvertance un minuscule string et tout ça s'en me faire choper par les vigiles. Ensuite, il a fallu que j'achète un sex-toys dans un sex-shop en demandant conseil au vendeur pour savoir lequel offre plus de plaisir. Je me suis vue offrir des préservatifs à des jeunes hommes dans la rue, ça c'est plutôt facile ! Obtenir des numéros de téléphone en échange de baisers sur la joue. Chanter une chanson paillarde devant un commissariat déguisé en écolière délurée, au risque d'aller faire un tour en geôle. Elles ne m'épargnent pas et j'admets que je commence à prendre plaisir à jouer le jeu. Pour la suite de cette journée inoubliable, les filles et moi partons pour un cours d'effeuillage classe et sexy à la Dita Von Teese. Je m'amuse à retirer chaque vêtement devant les regards amusés de mes amies. Cet apprentissage me sera utile pour ma nuit de noces. Je pourrais sortir le grand jeu à Léo en me déshabillant avec sensualité. Je suis convaincue que le spectacle devrait lui plaire.
Nous quittons la salle de danse pour nous rendre dans un restaurant italien. Nous nous installons, et commandons... sauf que mon repas m'est servi à l'envers. J'analyse le serveur incrédule et lui demande s'il ne fait pas erreur.

— Non madame. En cuisine on m'a ordonné de vous apporter votre panna cota aux fruits rouges en guise d'entrée. Ensuite vous aurez vos spaghettis et pour finir votre bruschetta pour le dessert.

— Mais c'est n'importe quoi ! Non mais attendez !

— En vous souhaitant un bon appétit.

Je dévisage farouchement Barbara qui rigole dans ses moustaches de sa nouvelle supercherie. Je ne pipe mot et enfouis ma cuillère dans la crème sucrée, puis porte la gourmandise à ma bouche en me délectant des saveurs délicieuses qui agitent mes papilles.

— Hum, c'est trop bon ! M'exclamé-je en léchant ma cuillère. Vous voulez goûter ?

                              ***

Déguisée en étudiante sexy, j'attise tous les regards et me joue des hommes en leur faisant des petits clins d'œil aguichants. Mon défi est de me faire offrir des verres durant toute la soirée. C'est chose facile puisque j'en suis à mon quatrième shot de vodka en moins de vingt minutes. À cette allure, je risque le coma éthylique d'ici peu. Déchaînée et fortement alcoolisée, j'exécute mon dernier commandement sans rechigner. Je danse sur le comptoir du bar en compagnie de tout homme qui souhaite me rejoindre sur le panneau de bois. Les cris et sifflements fusent et m'encouragent à être d'autant plus extravagante qu'à l'accoutumé. Mon corps balance, mes hanches remuent et ma tête tourne de plus en plus. Je manque de tomber et suis rattraper de peu par le barman. Il me dépose à terre tout en me conseillant d'aller m'asseoir et ne plus bouger tant que je n'aurai pas décuver. Sauf que j'ai envie de faire la fête jusqu'au bout de la nuit.
Les lumières se tamisent, une musique envoûtante, quelque peu érotique se joue dans le bar. Je remue sur ma chaise en me laissant bercer par la mélodie. Je suis surprise et enthousiasmée lorsqu'un chippendale fait irruption à un tout petit mètre de moi. Il commence alors un numéro de charme qui me met en émoi.
Mes yeux ne perdent pas une miette du spectacle. Je bave devant ce corps sculptural et incite l'homme à se dévêtir plus vite en hurlant comme une chienne en chaleur. Je ne me reconnais pas. Je suis une autre femme ce soir et je profite un maximum de ce moment de pur bonheur. L'euphorie me saisit de plein fouet, je me dresse sur mes jambes brinquebalantes et m'approche du beau mâle au corps huilé et passe mes mains sur ses pectoraux durs comme de la pierre. Dans un mouvement agile, il retire son pantalon et me laisse me délecter de ses fesses joliment rebondies. J'emprunte quelques billets aux filles et les fourre dans le string du stripteaseur en prenant grand soin de ne pas toucher ses parties intimes. Le spectacle se termine trop tôt à mon goût, et j'en veux encore.
Hélas, la nuit est déjà bien avancée et les filles commencent à fatiguer.
Nous quittons le bar pour nous rendre à l'hôtel où des chambres nous sont déjà réservées. Alors que nous discutons de la journée qui nous attend demain, je suis prise d'une terrible migraine et s'ajoute à cela une grosse envie de vomir. Je pars en courant à la salle de bain et vide mes entrailles jusqu'à ce que les soubresauts se tarissent. Je suis mal en point et en sueur. J'ai vraiment trop bu, j'ai abusé plus que de raison de l'alcool et j'en paie à présent les frais. Quelques filets d'eau fraîche sur le visage suffisent à me redonner un semblant d'apparence normal. En sortant de la pièce, je découvre Mary, Carla et Barbara endormies sur mon lit. Il ne manquait plus que ça ! Je n'ai d'autre choix que de m'installer encore habillée dans le fauteuil en position fœtale pour finir ma nuit. Heureusement qu'au petit matin nous partirons nous détendre au spa, puisqu'il y a fort à parier que nous serons cassés de partout après cette dure journée riche en émotions. Je ferme les yeux et m'endors en ayant des souvenirs merveilleux plein la tête.
Moi qui maudissais le créateur de l'enterrement de vie de jeune fille, je ne peux que retirer mes propos et le remercier d'avoir eu une idée de génie en organisant cet événement inoubliable dans la vie d'une future mariée.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant