Chapitre 65. Léo

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« Un enfant endormi est bien le plus beau spectacle qui puisse s'offrir à des yeux humains »
Stijn Streuvels

Le silence et l'obscurité règnent dans ma chambre, et pourtant je n'arrive toujours pas à trouver le sommeil. Mon regard se pose sur l'écran digital du réveil qui affiche qu'il est un peu plus de quatre heures du matin. Trop tôt pour me lever, et trop tard pour essayer de piquer un somme, étant donné que mon fils ne devrait plus tarder à se réveiller pour réclamer son biberon.
Aidan dort paisiblement, le marchand de sable est passé aux alentours d'une heure du matin. Mon petit ange s'est endormi peu de temps après. J'ai pourtant essayé de roupiller, mais en vain. Mes yeux s'acclimatent à l'opacité de la nuit. Je tourne la tête et contemple mon fils qui tète avidement sa sucette. Je détaille son doux visage. Ses yeux fermés, son petit nez, et ses mains qui s'agrippent à ce qu'il a de plus précieux : son doudou qui porte l'odeur de sa maman. J'ai envie de m'étendre à ses côtés, de caresser ses cheveux et sa peau soyeuse, de le serrer contre moi pour le câliner et le protéger. Il me semble tellement fragile, alors qu'il ne l'est absolument pas. Mon fils est un battant.
Malgré sa naissance prématurée, il a fait preuve de beaucoup de courage et de détermination, alors qu'il était minuscule. Au deuxième jour de sa vie, il respirait déjà seul comme un grand, huit jours après il a pu sortir de l'hôpital parce qu'il était en parfaite santé et qu'il avait déjà repris son poids de départ. Aidan pesait deux kilos quatre cent dix grammes à sa naissance et mesurait seulement quarante-trois centimètres, autant vous dire qu'il était aussi léger qu'une plume. Je me rappelle avoir transpiré comme un bœuf lorsque j'ai changé sa première couche. J'étais terrorisé à l'idée de lui faire du mal en étant un peu trop brusque dans mes gestes. Heureusement, j'ai pu compter sur le soutien et les encouragements des aides-soignantes qui m'ont accompagné durant tout son séjour en néonatalogie.
Ce souvenir me tire un sourire.
Je regarde mon petit bonhomme dormir en me demandant à quoi il peut bien rêver.
À sa maman ? À moi ? À son avenir peut-être ?

Je l'imagine alors enfant, adolescent, puis adulte. Quel homme deviendra-t-il ?
Je chasse immédiatement cette question de ma tête. Aidan n'est encore qu'un nourrisson, et puis j'aurai le temps d'y réfléchir car pour le moment, il incarne la douceur, la pureté et l'innocence.
Il est exactement quatre heures quarante-sept, lorsqu'il se réveille en pleurs pour réclamer son lait. Je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit, je suis bien trop excité pour plonger dans les bras de ce cher Morphée. Roxanne rentre à la maison en début d'après-midi. En effet, le médecin qui l'a suivi durant la durée de ses soins, a finalement autorisé sa sortie. En contrepartie, elle est contrainte de se reposer au maximum afin de ménager son corps qui se remet doucement de son agression.
Avec délicatesse, je soulève Aidan du berceau, le plaque contre mon corps et descends à la cuisine pour lui préparer son biberon. Devoir endosser le rôle de père et mère est une chose qui n'est certes pas facile à vivre pour certains individus, et pourtant avec de l'acharnement, de la volonté, et beaucoup d'amour, moi Léo Ortega, j'ai su m'adapter aux besoins de mon fils, ma huitième merveille du monde.
Je ne dirais pas que je suis un papa parfait, déjà existe-t-il cet homme-là ?
Je reconnais que je suis loin d'avoir un comportement exemplaire au grand dam de ma belle-sœur Mary qui m'enguirlande à la moindre occasion. Surtout lorsque Aidan pleure et que j'accours dans la minute qui suit pour le prendre dans mes bras. Elle a tenté de m'expliquer qu'il fallait que je le laisse faire, que pleurer était sa façon à lui de s'exprimer. Malheureusement ces explications ne m'ont pas convaincu.
Aidan avale son biberon sous mon regard attendri. À mes yeux mon fils est le plus beau bébé, il incarne la perfection. Ce n'est pas de la prétention mais tous parents pensent exactement la même chose concernant leur progéniture. Mon petit mec ressemble beaucoup à sa maman. Il a le nez retroussé comme Roxanne, de fins cheveux bruns, et des billes verdoyantes qui font craquer et qui feront tomber bien des filles lorsqu'il sera en âge de séduire. Le seul point commun que nous avons, est notre appareil reproducteur. Ce qui n'est déjà pas mal quand on y réfléchit bien. Je remonte à l'étage puisqu'il s'est rendormi. Je le dépose dans son berceau et m'éclipse jusqu'à la salle de bains avec le baby phone en main pour aller prendre une douche. Il n'est que cinq heures vingt-cinq, je pourrais essayer de dormir un peu, mais je sais qu'à cette heure si matinale, cela m'est impossible.
J'entre dans la cabine où un jet d'eau brûlante m'accueille avec bonheur. Je me savonne rapidement, clos les paupières afin de faire le vide dans ma tête et d'apprécier la plénitude que je ressens. Seulement au bout de quelques minutes, les braillements qu'émet Aidan me sortent de ma bulle. Je me sèche rapidement, enfile un boxer et un t-shirt avant de me précipiter dans la chambre.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant