Chapitre 50. Roxanne

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Début Janvier 2016

Assise derrière mon bureau à contempler la pile de dossier qui ne cesse de s'alourdir dû à mon manque de concentration, je rêvasse et ressasse les événements qui se sont produits la veille au lieu de me mettre au travail.
Hier soir, comme tous les précédents, j'ai eu l'agréable surprise de trouver la table dressée pour deux, où un excellent repas élaboré par mon homme m'attendait. Léo patientait en buvant un verre de vin. Le sourire radieux qu'il avait sur le visage laissait présager que la suite serait d'autant plus agréable que la pièce de bœuf qu'il avait cuisiné et qui fondait en bouche.
Mordillant le capuchon de mon stylo, je repense au massage qu'il m'a prodigué en insistant sur les zones nouées par le stress, et qui par la suite s'est transformé en séance de caresses très érotiques.  Je perds soudain ma jovialité, celle que j'aborde depuis plusieurs jours, lorsque mon père débarque rouge de colère dans mon antre avec un tas de journaux en main.

— Tu as vu ce que la presse poubelle a publié ? grogne-t-il en jetant des magazines sur mon bureau. C'est une honte pour notre société ! Des sanctions vont être prises immédiatement, je peux te le garantir !

— Que se passe-t-il père ? C'est si grave que ça ? Demandé-je en feuilletant les derniers potins qu'il a balancés sous mes yeux.

— Regarde par toi-même Roxanne. Cette chère mademoiselle Bell fait parler d'elle et pas en bien si tu vois ce que je veux dire. Si je ne la vire pas de suite, cela aura des répercussions pour l'entreprise.

Je tourne, inspecte les pages et découvre stupéfaite Taylor en charmante compagnie dans un club branché de Manhattan en train de snifer un rail de poudre blanche. J'en tombe des nus. Pourtant, au fond de moi, je me réjouis de cette nouvelle. Je jubile que ses photos soient sorties sur papier glacé. Je vais enfin pouvoir me débarrasser de cette garce grâce aux paparazzis, qui pour une fois, on fait de l'excellent travail en s'immisçant dans la vie privée de cette diablesse, sans aucun scrupule.

— Eh bien ! On ne peut pas dire qu'elle lésine sur la quantité de cocaïne. Vous l'avez convoqué ?

— Charles s'en charge. Il est avec son avocat en salle de réunion. Mademoiselle Bell a préféré être représentée par son requin que de venir nous affronter. Malheureusement, rien de ce que dira le défenseur ne pourra me faire revenir sur ma décision. J'ai sommé Charles de mettre fin à son contrat pour faute grave. Elle entache la réputation de la compagnie Harper par ses frasques. Il est inconcevable de salir ce pourquoi mon grand-père a travaillé en y laissant sa peau, s'écroule pour une godiche toxicomane censée représenter notre marque.

— Vous avez confié cette tâche ardue à Charles ? Vous pensez qu'avec son divorce récemment prononcé, il puisse être capable de gérer l'affaire ?

Mon père me confirme sa confiance en son associé, qu'il est en de bonnes conditions pour s'occuper du renvoi de notre égérie. La fin de son mariage avec Marjorie est ce qui pouvait lui arriver de mieux et Charles s'en est enfin rendu compte. Certes un peu tard, mais il a fini par le faire quand j'ai déballé les saloperies que sa femme faisait derrière son dos. Mon père me confie qu'il n'a jamais apprécié Marjorie, qu'il savait que tôt ou tard, elle ferait du mal à son ami d'enfance, mais qu'il ne pouvait l'évoquer de vive voix pour ne pas briser leur amitié. J'ai un peu de mal à le croire. En sa présence, mon père se montrait plutôt cordial, voire très amical. À de nombreuses reprises, je me suis même demandé si ces deux-là n'avaient pas une relation secrète. Il faut dire que j'ai surpris des regards très explicites, des sourires enjôleurs entre eux pour que mes doutes persistent. Je n'en ai jamais parlé à quiconque, pas même à Barbara qui pourtant est ma confidente depuis mon plus jeune âge. Peut-être que je me faisais des films, peut-être que mon père se montrait seulement poli envers la femme de son ami et que j'ai imaginé n'importe quoi. Quoi qu'il arrive, je n'en saurai jamais rien. Je ne demanderai jamais à mon paternel s'il entretenait une liaison avec Marjorie. En même temps, la vérité a éclaté sur la relation qu'elle entretenait avec mon petit ami.

— Tu devrais rentrer chez toi afin de vérifier que Léo s'en sorte avec les derniers préparatifs pour l'inauguration de ce soir.

— J'ai encore beaucoup de dossiers à voir, il s'en sortira très bien sans moi. Répliqué-je en saisissant un des nombreux documents qui envahissent mon plan de travail.

— Roxanne, c'est le patron qui te parle et non ton père. Rentre chez toi, c'est un ordre !

Je souffle d'exaspération, et finis par céder à ses menaces, qui consistent à faire venir le dragon dans les locaux de la société afin qu'elle me débusque de mon bureau. J'attrape mon sac, dépose un baiser sur la joue de mon créateur et file à toute allure jusqu'à l'ascenseur en lui sommant d'être à l'heure à l'inauguration de la salle.

Je retrouve Léo une heure plus tard, tendu comme un élastique prêt à lâcher. Il gesticule dans tous les sens. Vérifie son allure dans le miroir, consulte sa montre toutes les deux minutes. J'en deviens folle, alors je l'attrape et lui hurle dessus avant de l'embrasser sauvagement pour le calmer et surtout pour le faire taire.

— C'est beaucoup mieux. Ce que tu peux être grognon mon chéri. J'espère que tu seras moins angoissé sinon la soirée s'annonce d'ores et déjà chaotique.

— Va te préparer, je dois te montrer quelque chose avant que les invités n'arrivent à la salle.

Je le regarde incrédule et lui pose un tas de questions auxquelles il répond tout en restant vague. Il m'agace, comme si je n'avais que ça à faire de jouer aux devinettes.

— Un indice ? Tenté-je de négocier en caressant son entrejambe.

— Même pas en rêve ! Retire ta main Rox, tu n'obtiendras rien de cette façon.

— Pff, c'que tu peux être con quand tu t'y mets !

— Et tu l'aimes ton connard. Allez Rox, bouge ton gros popotin. Me dit-il en octroyant à mon fessier une bonne claque qui fait écho avec mon cri de stupéfaction.

— Je te déteste !

— Tu ne me détesteras plus dans moins de deux heures.

Tout en montant l'escalier qui me conduit à notre chambre, je ne cesse de parler toute seule et l'injure en marmonnant. Je ne supporte pas qu'il me fasse des cachoteries et encore moins qu'il se montre si arrogant envers moi. Je file sous la douche après avoir récupéré la housse qui protège la robe que mon amie Heather a créée pour l'occasion. Un fourreau gris perle, à la coupe asymétrique qui laisse entrevoir mon épaule droite dénudée. Une seule manchette couvre la totalité de mon bras, cependant la transparence de la dentelle laisse entrevoir ma nudité. Je sors rapidement après un lavage express, passe ma robe à même la peau et coiffe mes cheveux en une tresse désordonnée. J'applique un maquillage très léger, un peu de gloss et du mascara feront l'affaire. Une touche de parfum au creux des poignets finalise ma préparation. Moins de trois quarts d'heure plus tard, je retrouve Léo au salon, et ce que je puis dire lorsqu'il m'aperçoit c'est que l'air bête qu'il arbore sur le visage accentue sa tête de couillon.
— Tu es...

— Belle ! Le coupé-je. Ça, je le savais déjà mon chéri. Je suis prête, on peut y aller.
Tu m'as dit de me presser, c'est ce que j'ai fait, donc ne perdons pas de temps.

Léo ricane, m'entraîne vers la sortie et me promet que je ne regretterai pas de m'être dépêchée. Il nous conduit jusqu'à la salle de sport, je lui fais remarquer que nous sommes en avance, et que les participants n'arriveront qu'à dix-neuf heures.

— Je le sais Rox. Je voulais que tu sois la première à voir l'emblème de la salle. Dit-il en me montrant la devanture de notre complexe sportif.

J'en reste bouche bée et estomaquée de voir que seul son nom apparaît sur l'enseigne. Je ne comprends pas son choix, nous sommes pourtant associés à part égale et c'est comme si je n'existais pas dans cette affaire. Tristement, je lui dis que je trouve cela très sympa, et que la bannière « Ortega, Fitness body », reflète bien les lieux. Je ne pipe mot, pourtant je suis déçue, dégoûtée de constater que finalement, je n'étais rien d'autre à ses yeux, qu'un vulgaire paquet de fric pour qu'il concrétise son projet.

— C'est seulement chouette !? Tu as vu les couleurs, la calligraphie qu'à utiliser le graffeur pour réaliser ce chef-d'œuvre.

— J'n'y connais pas grand-chose Léo. Le graffiti et moi ne sommes pas amis. Ma sœur pourra te donner un avis plus tranché tout à l'heure.

— Cache ta joie surtout. Je croyais que ça te ferait plaisir d'être la première à voir la vitrine du club, visiblement c'est raté.
— Mais si ! Ça me touche que tu aies pensé à moi. Tu me fais visiter l'intérieur, je n'ai pas vu les dernières finitions.

Quelques minutes plus tard, les premiers invités triés sur le volet finissent par faire leur apparition. Pas moins de cent flyers ont été envoyés à des personnes susceptibles de promouvoir le club. Il faut dire que nous n'avons pas lésiné sur les moyens. La soirée d'inauguration est un franc succès, les convives sont ravis, plusieurs inscriptions sont enregistrées à notre grande surprise. Je n'avais pas eu vent que mon père avait offert à nos employés un an d'abonnement. Je lui en suis très reconnaissante et j'espère que le bouche-à-oreille ne fera qu'accroître notre clientèle.
Il se fait tard, les derniers invités quittent la soirée, tout le ménage reste à faire et cela me déprime par avance. Mes pieds me font un mal de chien, je m'assieds un court instant sur un appareil de musculation et retire mes escarpins qui m'ont meurtri les chairs à force de courir à droite et à gauche. Léo nettoie les derniers vestiges alors que je me repose. Le sourire satisfait qu'il arbore me prouve qu'il n'est pas peu fier de sa réussite, et j'en suis heureuse pour lui, il le mérite.

— Ça va Rox ?

Je lui explique que mes orteils sont en compote et qu'il devra sûrement me porter sur son dos pour rentrer à la maison. Je ne peux plus bouger, ni même marcher.

— Allonge-toi et laisse-moi faire.

Mon compagnon commence à masser lentement chaque parcelle de peau, appuie sur la voûte plantaire, ce qui me procure sans conteste une extase des plus délicieuses. Mes lèvres s'entrouvrent et laissent un faible gémissement percé l'ouïe de Léo. Ses doigts se frayent un chemin sur mes chevilles, le galbe de mes jambes, puis sur mes cuisses. Je me redresse et surprends son regard pétillant, incandescent qui ne laisse aucun doute à ce qui va suivre. Il dénoue sa cravate, saisit mes poignets et les attaches à la barre de musculation qui se trouve au-dessus de ma tête.

— Mais qu'est-ce...

— Chut ! Je t'ai dit de me laisser faire.

— Et si on nous surprend...

— Ça n'arrivera pas ! Tout est verrouillé, et il fait noir dehors. Personne ne risque de voir ce qui va se passer entre toi et moi.

Qu'a-t-il en tête ? Non, pas ici, pas exposé à la vue de tous. Il n'en serait pas capable.
Quoique, Léo est un rebelle dans l'âme et je ne peux que le confirmer lorsque ses mains reprennent leur exploration. Soudain, plus rien... tout disparaît.
Ses caresses se font absentes, ses baisers se tarissent alors que je reste toute pantelante, attachée à cette maudite barre. Dans l'incompréhension, j'ouvre grands les yeux et le surprends avec quelque chose dans la main que je n'arrive pas à discerner dans l'obscurité. Je panique, il s'en aperçoit et tente de me rassurer en m'expliquant que tout ira bien, que rien de mal ne n'arrivera. Un clic retentit. Que peut-il bien mijoter. Pensé-je lorsque ses mains se referment sur les miennes.

— Léo, détache-moi ! Je t'en prie.

— Désolé mon cœur, pas avant que tu répondes à ma question.

Un objet fin, froid se glisse autour de mon annulaire, je crois enfin comprendre que... ô ce n'est pas vrai !

— Roxanne, voilà presque un an que tu partages ma vie, que tu fais de moi un homme heureux, et que tu m'aimes un peu plus chaque jour qui passe. Même quand tu me détestes, je sais qu'au fond de toi, tu ne peux m'en vouloir puisque toi et moi c'est une évidence. On est fait pour être ensemble. Je voudrais vieillir à tes côtés, t'accompagner dans les pires épreuves qu'on croisera sur notre chemin. Je veux construire une famille avec toi, pas aujourd'hui bien sûr, mais peut-être plus tard. Je continuerai à te regarder dormir, à sourire encore et toujours et à t'écouter chanter même quand cela sonne faux. Sans toi, ma vie serait encore un champ de ruines, tu m'as aidé à me reconstruire, à être celui que je suis à présent. Alors je te le demande, Roxanne Harper, veux-tu devenir ma femme ?

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant