Chapitre 47. Léo

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Cabane du grand père de Léo
9 Septembre 2015

Assis dans le noir, une bouteille de scotch à la main, je laisse les effets de l'alcool m'abrutir le cerveau, afin d'oublier cette image qui refuse de disparaître. Celle du cliché que j'ai reçu d'un expéditeur inconnu, et qui montrait ma compagne embrassant mon frère à pleine bouche.
Putain, ça ne va donc jamais s'arrêter ! Qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour que tout me tombe sur le coin de la gueule. Elle aussi a voulu se réfugier dans les bras de ce traitre ? Est-ce que ça va encore recommencer ? Vais-je perdre la femme que j'aime à cause de Garreth ?
Je ne comprends pas... comment cela est-ce possible ? Je les maudis tous autant qu'ils sont. Tout le monde se joue de moi, et j'en ai ras le bol ! Je les déteste de tout mon être pour m'avoir trahie, elle encore plus.
Qu'est-ce que mon frère a de plus que moi pour qu'elles lui succombent toutes ? Taylor, ensuite Roxanne, il y a fort à parier qu'il n'y en aura pas de troisième, puisque les femmes, l'amour et moi, c'est terminé !
Il faut reconnaître que j'étais beaucoup moins emmerdé quand j'allouais mon corps à des clientes, pas de sentiments, pas d'attaches, juste du sexe... rien que du sexe.
Aujourd'hui, je suis dévasté, malheureux, en rogne contre Roxanne de me faire subir cette ultime douleur qui m'assaille le cœur. La brèche que je pensais avoir réparée en accordant ma confiance, ma dévotion et mon amour pour elle, n'a finalement pas tenue. Le trou béant qui transperce ma poitrine est d'une immensité incommensurable. Cette fois-ci plus personne ne pourra raccommoder les parties de mon cœur qui ne sont plus que lambeaux.
Je cogite, fulmine et épanche ma soif en avalant plusieurs lampées d'alcool au goulot. Le liquide ambré brûle et anesthésie les parois de ma gorge. Néanmoins, je continue encore et encore de m'abreuver. Je me refuse le droit de pleurer, et pourtant, j'ai follement envie de laisser sortir ma rage puisqu'elle me ronge, me bouffe l'intérieur comme un putain de cancer. Seulement, Rox ne mérite absolument pas que je verse ne serait-ce qu'une seule larme pour elle.
— Toutes des salopes ! Affirmé-je à Gigolo qui ne comprend pas un traite mot.
Heureusement que mon chien est là, lui seul me reste fidèle.  Je suis pris d'un fou rire incontrôlable, mes nerfs me lâchent. Je ne suis qu'un bon à rien, un homme qui n'est pas capable de garder une femme près de lui. Je ne sais rien faire d'autre que baiser. C'est le seul domaine dans lequel j'excelle. Sinon je ne suis qu'une merde.

Je sors de mes divagations... J'entends du bruit non loin dans la maison. Est-ce que je deviens parano ? Il faut croire, car j'ai le pressentiment que quelqu'un s'est introduit chez moi, et pourtant cela n'est pas possible, puisque mon chien aurait donné l'alerte. Je tends l'oreille et perçois de nouveau ce mouvement de pas qui craquelle sur le parquet en bois.

— Qui est là ? Bafouillé-je en essayant de me remettre sur pied.

Personne ne répond, c'est bien ce que je pensais, je suis bien trop bourré ou probablement aliéné pour entendre des bruits qui n'existent que dans mon imagination. La fatigue ou l'ébriété ont raison de moi. Je n'arrive plus à distinguer le vrai du faux. C'est alors que dans un sommeil à demi-comateux, je sombre. Mes paupières vacillent à plusieurs reprises avant de se fermer totalement.
Une voix douce, sensuelle et inquiète bourdonne au creux de mon oreille.
Je marmonne mon mécontentent, une personne tente réellement de me réveiller et cela me déplaît fortement. Même dans le coin paumé où je me suis réfugié pour me calmer et réfléchir à la situation, il y a toujours quelqu'un ou quelque chose pour venir me déranger. Un souffle chaud caresse mon visage, alors qu'une main délicate se glisse dans mes cheveux, procurant à mon cuir chevelu une étrange sensation qui m'incommode. J'ouvre les yeux, il ou elle se tient à mes côtés, seulement la pénombre est si profonde que je ne distingue pas l'intrus. Une alerte résonne dans ma tête, je dois me protéger. J'adopte un geste défensif en agrippant et serrant avec force le cou de cet individu.

— Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous à la fin ?
Une intonation de voix suffocante me supplie de desserrer ma poigne, hélas, je n'en fais rien. Je sais qui est entre mes mains, et cela réveille la colère que j'ai pour elle.

— Arrête ! C'est moi, Roxanne.

— La ferme !  Tais-toi ! Tu n'avais pas le droit de me faire ça ! Ouvre encore ta grande gueule et je t'en colle une.

— Léo, je...

L'avoir devant moi me rend fou, je suis envahi par une haine et une rage que je ne mesure pas. Je n'ai que pour émotion un excès d'agressivité. L'envie de serrer mes doigts un peu plus forts sur sa gorge afin de sentir sa trachée craquer sous la pression est grandissante. Auparavant, je n'ai eu ce désir de meurtre, qu'en découvrant Garreth et Taylor ensemble.

—  Ça t'amuse de me détruire à nouveau ? Pesté-je avant de relâcher ma prise pour la bousculer sur le sol. Tu crois que je n'étais pas assez abîmé, que je méritais que l'on me torture un peu plus. Je te déteste tellement, si tu savais comme je te hais Roxanne. J'ai cette fureur en moi qui me pousse à te briser, à te faire du mal. Je pensais que tu m'aimais réellement, et que tu serais toujours honnête avec moi, mais que fais-tu dans mon dos... tu galoches ce bâtard ! Tu vois Rox, j'avais ça pour toi. Annoncé-je en lui jetant au visage la bague de fiançailles de ma grand-mère. Je voulais te demander en mariage ce soir. Depuis plusieurs jours, je garde cet anneau dans ma veste, j'attendais le moment opportun, et aujourd'hui était le bon. Tu as tout gâché, vraiment tout foutu en l'air !

— Ce n'est pas ce que tu crois, je peux tout t'expliquer !

Bien évidemment, c'est toujours ce que l'on prétend pour se défendre ou se justifier quand on se fait surprendre avec un autre dans une position inconfortable. Je ne suis pas idiot à ce point, je sais ce que j'ai vu, et cela hantera mes nuits jusqu'à ce que la mort survienne.

— Il t'a baisé lui aussi ? C'est ce que tu veux Roxanne ? Te faire sauter par les frères Ortega pour faire une comparaison. Alors, il t'a fait jouir ? C'était mieux qu'avec moi, c'est ça. Dis-le bordel ! Aboyé-je tout près de son visage.

Dans une folie incontrôlable, j'arrache sa robe, et la vue de son corps vêtu d'une petite culotte me dégoûte. En cet instant, Roxanne ne m'attire pas, sa silhouette et ses seins qui appellent habituellement à mes caresses me répugnent au plus haut point. Penser que Garreth a pu se délecter de ses courbes me rend marteau ! Farouchement, je détaille son grain de peau et laisse glisser mes mains sur sa poitrine puis me ravise lorsque Roxanne se débat et me supplie d'arrêter. Ses yeux écarquillés reflètent la peur, c'est exactement ce que je voulais, la tétaniser.

— Ne fais pas ça Léo, je t'en prie, par pitié ! M'implore-t-elle en chialant. Ce qui m'agace d'autant plus.
C'est moi qui devrais pleurer, pas elle.

Je veux la faire souffrir, lui faire comprendre qu'elle était et sera toujours mienne, qu'aucun autre n'a le droit de lui appartenir, mais pas de cette façon-là, pas en abusant de son intimité, je ne le supporterai pas. Bloquant son corps à terre de mes mains, elle abandonne toute lutte. Dans un geste possessif et désespéré, je m'écroule sur elle et lui confie mon désarroi.

— Je t'aime tellement, si tu savais comme je suis fou de toi Roxanne. Tu me fais tant de mal en ce moment même. Pourquoi ? Tu veux me détruire, c'est ça ? Sangloté-je sur sa poitrine.  Dis-moi quelque chose, je t'en prie mon amour. Ne me laisse pas dans l'ignorance.

Rien. Pas un bruit, pas un mouvement... Vraiment rien, n'émane de sa personne. Seulement son corps pris de tremblements... aurait-elle peur de moi ?
Bordel, mais quel abruti ! Je suis vraiment trop con. Bien sûr qu'elle flippe ! Je ne suis qu'un animal !
Je soulève ma carcasse et n'ose plus la regarder dans les yeux. Je me dégoûte, je suis un être abject en plus d'être abominable. Roxanne mérite mieux que moi, c'est certain. Elle ne peut pas vivre avec un homme instable et violent qui réagit brutalement à la première contrariété. Pris de remords, j'attrape tout ce qui se trouve sur mon passage, puis fais tout valdinguer en hurlant comme une bête sauvage. Deux bras viennent encercler ma taille, je tressaute et arrête ma crise d'hystérie. Roxanne ne réagit pas à mes propos. Elle se contente de pleurer silencieusement dans mon dos et cela me brise un peu plus le cœur. Je lui ai fait du mal, et tout ce qu'elle trouve à faire et de me tenir dans ses bras. Ce n'est pas normal, sa réaction est disproportionnée.

— Va-t'en ! Laisse-moi s'il te plait.

— Non. Je ne partirai pas... pas cette fois. Tu vas aller te reposer pendant que je nettoie ce foutoir. Et demain au petit matin on discutera de tout cela posément.

Je suis abasourdi par ses propos, pourquoi ne me hurle-t-elle pas après ? Cependant, j'accepte sa proposition et file au pas de course dans la chambre en laissant Roxanne seule face au K.O. Je peine à trouver le sommeil, les actes que j'ai commis sont trop graves pour que je puisse aborder la nuit sereinement. Je l'ai étranglé. Je ne suis qu'un monstre, ni plus ni moins. Une bête sauvage.

                                                            ***
Une odeur de café fraîchement moulu me chatouille les narines, je discerne par la même occasion le doux parfum de toasts grillés. Je me lève en repensant aux événements de la veille et de nouveau l'angoisse m'assaille de part en part.
Je suis au pied du mur, je dois avoir une longue conversation avec Roxanne et cela me terrifie. J'avance à reculons jusqu'au salon et la trouve recroquevillée sur le canapé, une tasse à la main. Les traits de son visage sont tirés. Son maquillage a coulé, et je discerne les marques de strangulation autour de son cou. Bordel, mais qu'est-ce que j'ai foutu ! Je déglutis en ayant la boule au ventre. Sa main droite est couverte d'un bandage, lui ai-je infligé cela aussi ? Je n'en garde aucun souvenir. Son regard est hagard, sans vie. Elle semble tellement loin et, pourtant, elle est si proche que cela m'attriste. Je garde mes distances, je ne peux l'approcher ou la toucher. J'ose à peine lui dire bonjour. Elle y répond dans un murmure à peine perceptible, tout en baissant la tête pour avaler une gorgée de son breuvage.

— Roxanne pour hier, je suis...

— Un connard, une ordure, une merde, un fumier, une pourriture... tu n'as que l'embarras du choix. Me coupe-t-elle sèchement. Ne crois surtout pas que je vais te pardonner. Je vais avoir besoin de temps pour réfléchir à tout ça.

— Je comprends. Je n'ai aucune excuse pour ce que j'ai fait, et pourtant sache comme je regrette de t'avoir blessé. Je suis désolé Roxanne, sincèrement navré.

— Je me fiche de tes excuses. Ce qui me peine, c'est que tu n'as pas pris la peine de m'écouter, cela aurait évité des drames. On s'était promis de toujours se dire les choses, se parler calmement et que la colère ne servait qu'à envenimer les choses, tu te souviens. Je sais ce que tu as dû ressentir en recevant cette photo, j'aurais agi de la même façon, si c'était Taylor et toi sur le papier. Cependant, tu n'as rien voulu entendre, tu ne m'as pas laissé placer le moindre mot.

— Je te l'accorde mais j'étais tellement remonté, j'ai agi sous le coup de la colère. J'ai été impulsif.

— Je ne te le fais pas dire. Je vais aller m'installer à l'hôtel quelques jours. J'espère que cela nous permettra de faire le point.

Je suis abattu et, pourtant, je ne peux m'en blâmer, c'est moi l'unique responsable dans toute cette histoire, pas elle. Roxanne dépose la bague de ma grand-mère sur la table de salon, cet anneau qui devait sceller notre amour, sauf que maintenant tout est fichu, j'ai tout détruit entre nous.

— Tu as deux solutions qui s'offrent à toi, soit tu vas voir ton frère pour avoir une explication avec lui, soit c'est fini entre nous. Tu as les cartes en main Léo.

— Tu ne peux pas me demander cela. Tu sais que je n'y arriverai pas.

— Et pourtant je le fais ! Tu n'as pas le choix Léo, j'espère que tu prendras la bonne décision... Pour nous.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant