Chapitre 34. Léo

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Un sombre crétin ! Voilà qui je suis en toute objectivité.
Le cliché que je dois renvoyer aux yeux de Roxanne doit être pathétique et quelque peu amusant pour le coup. La preuve en est puisqu'elle me fixe de son regard interloqué depuis plusieurs minutes, gardant la bouche grande ouverte et les bras ballants près du corps. Aucune parole, rien... Absolument rien ! Et cette situation quasi oppressante me met mal à l'aise. Putain ! Mais qu'est-ce qui m'a pris de me pointer devant chez elle, armé de ma brosse à dents. Je ne pouvais pas faire comme tous les petits amis idéaux, l'attendre avec des fleurs, du chocolat ou même de la lingerie fine. Cela aurait été plus judicieux de ma part, cependant je ne fais rien comme mes congénères, c'est d'ailleurs ce qui me différencie des autres hommes. Malheureusement, je réalise avec un temps de retard, que l'idée qui me semblait jusque-là génialissime s'avère en fait être une énorme boulette.
Elle doit s'imaginer que... Oh bordel de Merde ! Me grondé-je sans savoir comment rectifier le tir. Roxanne doit être persuadée que je lui apporte une brosse à dents parce qu'elle a une hygiène dentaire douteuse. Or, ce n'est absolument pas le cas. Ses dents sont d'une blancheur éblouissante, son haleine est fraîche et mentholée à n'importe quel moment de la journée. À ce propos, il faudrait que je pense à lui demander son secret un de ces jours.

— Bonjour. Finit-elle par dire, brisant ainsi le silence qui pèse au-dessus de nos têtes. Je suis surprise de te voir, tu ne m'avais pas averti de ta visite.

— Euh... J'avais besoin de te parler assez urgemment.

— Tu ne pouvais pas mieux tomber. J'ai moi-même des choses à te dire.

Déverrouillant la porte d'entrée, Roxanne m'invite à la suivre à l'intérieur sans que je ne m'y oppose... pour une fois. Je la suis de près, essayant de cacher la brosse à dents dans ma poche de jeans, hélas, ma maladresse me fait défaut et malencontreusement je laisse tomber à terre l'objet qui l'intrigue depuis un petit moment. Ses yeux qui n'ont fait que scruter avec interrogation ce morceau de plastique se plissent lorsqu'elle le ramasse et me le rend sans rien dire. Evidemment, l'imbécile qui sommeille en moi, ne lui apporte aucune explication concernant cette fichue brosse à dents. À la place, je me contente de la serrer dans le creux de ma main et reprends ma marche à travers le salon pour mettre fin à ce malaise qui alourdit l'atmosphère. Roxanne me laisse seul, elle s'éclipse dans une autre pièce sans ajouter le moindre mot. Je suis stupéfié par son comportement, elle est distante et froide, je n'ai même pas eu le droit ou le temps de l'embrasser.
Que se passe-t-il ? Elle a dit qu'elle voulait me parler, mais de quoi ?  Elle souhaite peut-être mettre fin à notre idylle. Impossible, je fais fausse route, et puis si tel était le cas, je me battrais bec et ongles pour lui démontrer que je tiens à elle et à notre relation.
D'ailleurs, ma venue n'est pas anodine, je suis là pour...

— Me revoilà ! Je te sers quelque chose à boire ? Café, vin, bière...

— Rien pour le moment. Ce qui me ferait plaisir, ça serait de te serrer dans mes bras et t'offrir un baiser.

— Oh ! Avant toute chose, je suppose qu'il faut que je passe le test.

Quel test ? C'est quoi encore cette idiotie. Me demandé-je en cherchant au fin fond de ma mémoire de quoi elle me parle.

— Ne t'inquiète pas Léo, je viens de me brosser les dents, deux fois. Tu sais, tu n'avais pas besoin de venir avec une brosse à dents pour me faire comprendre que j'ai mauvaise haleine. Tu aurais simplement pu l'évoquer avec tact. Quand on est en couple, il faut se dire les choses, que cela puisse nous blesser ou pas. Enfin, ce n'est pas grave puisque maintenant je sais ce que tu penses de mon souffle. Dernière chose, avant de clore le sujet. J'ai un stock de brosse à dents dans la salle de bain, tu aurais dû ouvrir l'œil avant de vouloir m'en offrir une neuve.
À mon tour d'avoir la bouche grande ouverte, le regard étonné et l'absence de voix pour répliquer. Roxanne se méprend, cet "outil" était pour moi et non pour elle. Je voulais faire un pas en avant dans notre relation en apportant mon premier effet personnel chez elle, et voilà que tout tombe à l'eau.

— Ce n'est pas ce que tu crois Roxanne.  Laisse-moi t'expliquer. La supplié-je maladroitement en gesticulant de gauche à droite.

— Ce n'est pas nécessaire. Aux vues des circonstances, je vais pouvoir t'avouer quelque chose d'important moi aussi. Dit-elle en s'approchant près de mon oreille. Je t'ai piégé en beauté et tu n'as rien vu venir.

Comment ça piéger ? Qu'a-t-elle donc fait ?
Je ne comprends rien à rien et m'étonne de l'entendre rire comme une hyène, alors qu'il y a peine un instant, elle semblait si sérieuse et loin d'être d'humeur joyeuse.

— C'est quoi cette tête de chien battu. Se moque-t-elle en frictionnant vigoureusement sa main dans mes cheveux convenablement peignés. Je savais qu'elle ne m'était pas destinée, qu'elle était pour toi. Lorsque j'ai perçu ta gêne, je me suis dit que je tenais enfin ma vengeance et que cela serait jouissif de te voir ramer pour te dépatouiller de la situation.

— Tu... tu savais depuis le début.

Son hochement de tête et son sourire malicieux ne peuvent me contredire. Roxanne m'encercle de ses bras frêles, plonge ses yeux émeraude dans les miens, tout en approchant ses lèvres de ma bouche qui ne demande qu'à dévorer la sienne pour la punir de son espièglerie. Contre toute attente, elle dépose chastement ses lippes rosées aux commissures de mes lèvres et me pousse avec force en arrière, me faisant tomber fesses les premières sur le canapé. La créature cruelle et divine en profite pour venir se mettre à califourchon sur mes cuisses. Mes mains aventureuses s'arrêtent sur chacune de ces courbes, tandis que Roxanne remue du bassin.

— Alors monsieur Ortega, désirez-vous passer la nuit avec une charmante jeune femme qui se sent affreusement seule ou préférez-vous retrouver vos draps dépourvus de chaleur humaine ?

— Quelle question ! Tu crois que je suis venu jusqu'ici pour une visite de courtoisie. Je dors chez toi ce soir, si tu m'acceptes dans ton lit bien sûr. Tu sais, j'ai mis du temps à me décider, et aujourd'hui je suis fin prêt, enfin je pense, à franchir un cap.

— Je ne suis pas certaine de comprendre. Tu peux développer.

— Être avec toi n'est que du bonheur. Seulement mon passif me conjure d'être méfiant avec les femmes et même avec toi. J'ai peur qu'en passant toutes mes nuits en ta compagnie que ce soit ici ou chez moi, tu ne veuilles plus par la suite. Et pour le moment je ne veux pas et ne peux pas me projeter dans un futur lointain. Je sais que tu es déçue, j'essaie de faire des efforts, même si cela reste minime, mais comprends-moi. Laisse-moi encore un peu de temps pour que je puisse envisager notre relation bien plus sérieusement qu'elle ne l'est actuellement.

— Écoute bien ce que je vais te dire Léo. En aucun cas, je ne souhaite que tu te sentes obligé ou forcé à faire quelque chose qui te déplaît. Quand je t'ai proposé de dormir à la maison, c'était simplement pour profiter un peu plus de ta compagnie, de tes bras et aussi de ta chaleur. Je n'ai nullement voulu te mettre la pression. Je ne te demande pas d'emménager, ni de m'épouser et encore moins de fonder une famille dans l'immédiat, je souhaite simplement passer plus de temps avec toi puisque tu me manques quand tu es loin de moi. Et puis, je t'...

— Stop Roxanne ! N'en dis pas plus. S'il te plaît, ne fais pas cela. Ne gâche pas tout, pas maintenant. L'imploré-je en fixant son regard amouraché.
Trouve quelque chose à dire gros bêta pour la sortir de la panade. Et toi aussi par la même occasion. Me suggéré-je en me frottant la nuque innocemment afin qu'elle ne remarque pas de nouveau mon embarras.

— J'ai refusé l'offre de Colt.

— L'investisseur ?

— L'escroc, tu veux dire. Il voulait injecter quinze mille dollars dans mon projet à condition d'être actionnaire majoritaire. Il en va de soi que j'ai décliné sa proposition. J'en suis à me demander si je ne devrais pas tout abandonner. Je perds mon temps, et le temps c'est de l'argent.

— Tôt ou tard, ta salle de sport verra le jour. J'en suis certaine, puisque je crois en toi et en ton projet. Et si tu l'acceptes, je suis prête à investir une partie de mes économies pour t'aider.

— Non ! Je ne souhaite pas te mêler à cela. Si j'échoue, je ne veux pas que tu y laisses des plumes pour mes conneries. Je trouverai une autre solution Roxanne, ne t'en fais pas.

— D'accord, je n'insiste pas. Mais si tu changes d'avis, sache que je serai là. Pour changer de sujet, j'ai quelque chose à te demander. Voudrais-tu m'accompagner dimanche pour déjeuner chez mes parents ? Ma mère organise un repas pour l'anniversaire de Charles, l'associé de mon père. Nous serons en petit comité, il y aura ma sœur, mon frère, leurs conjoints, mes parents et bien entendu Charles et sa femme. Comme je te l'ai dit, je ne te force à rien et si tu ne te sens pas prêt à affronter à nouveau le dragon, je comprendrais.

Une seconde, il ne m'aura fallu qu'une petite seconde pour accepter d'être aux côtés de Roxanne et de ses proches. J'ai pris la décision d'être plus investi dans notre relation, alors quoi de mieux qu'un repas familial pour se jeter dans le grand bain.
Je profite de l'excès de confiance qui m'habite pour inviter Roxanne à une exposition de sculptures métalliques qui aura lieu demain soir dans un entrepôt délabré qu'un de mes amis organise. À contrecœur, elle m'informe qu'elle ne pourra pas être à mon bras puisqu'elle a une soirée de prévue avec ses amies. Tant pis. Ce sera pour une prochaine fois. À défaut d'être seul au beau milieu de ces amateurs d'art et de devoir repousser toutes les femelles en chaleur, je préfère encore accepter la proposition de West, c'est-à-dire une partie de poker avec ses collègues de travail.

— J'ai failli oublier, je dois repasser par chez moi pour m'occuper de Gigolo. Je dois le nourrir et le sortir avant de passer la nuit hors de la maison. Tu viens avec moi ou tu préfères m'attendre bien sagement sur le lit ?

— J'ai une bien meilleure idée. Je vais me joindre à toi, mais avant cela, laisse-moi me dévêtir intégralement.

— Dans ce cas Roxanne, garde tes bas et enfile une veste minimaliste pour que je puisse admirer à foison ton corps frissonnant de désir.
***
Une heure et demie plus tard, nous arrivons chez moi. Seul, j'aurai mis trente minutes pour y parvenir, sauf qu'une plantureuse jeune femme m'a aguiché durant tout le trajet et que je n'ai pu résister à l'envie de lui faire l'amour sur la banquette arrière de la voiture avant d'arrivée à bon port. Le silence règne lorsque j'ouvre la porte de la maison. Pas d'aboiements, pas de chien qui me saute dessus, cela n'inaugure rien de bon et se confirme lorsque je découvre le capharnaüm régnant dans le salon.

— Ô la vache ! S'exclame Roxanne abasourdi de découvrir à son tour le carnage qui se trouve dans la maison.

— Gigolo ! Hurlé-je à pleins poumons. Viens ici tout de suite !

Ce foutu cabot a pissé et déféqué un peu partout sur le sol. Il a bouffé mes beaux coussins et a déchiqueté le sac d'ordures que je devais mettre dans la poubelle.

— Gigolo ! Aux pieds !

Je repère le petit protagoniste caché derrière la bibliothèque. Les yeux doux qu'il me fait me font craquer et bien évidemment, je cesse de lui crier dessus. Une fois de plus, il sort grand gagnant de ce duel.

— Approche mon bébé. Ce n'est pas grave, ce n'est qu'une petite bêtise. Papa va tout nettoyer et après nous irons en balade.

Roxanne ricane dans mon dos, je me tourne vers elle et tente de la foudroyer d'un pseudo regard colérique, sauf qu'elle ne prend pas ma menace au sérieux et s'esclaffe de plus belle me faisant rire à mon tour.

— Tu comptes me filer un coup de main, ou tu préfères te bidonner en me regardant. Lui demandé-je en lui tendant du papier absorbant et un sac-poubelle pour qu'elle nettoie les dégâts avec moi.

— Tu rêves Léo, c'est ton chien pas le mien. Bredouille-t-elle en trouvant refuge devant la cheminée. Je vais profiter du feu pour me réchauffer. N'oublie pas que je suis totalement nue sous cette petite veste. Et tu devrais te dépêcher si tu veux profiter de moi ce soir.

— Dans ce cas, j'ai une requête à vous faire mademoiselle Harper... je vous propose de rester toute la nuit. Ce n'est non négociable !

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant