Chapitre 26. Léo

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Deux semaines plus tard

— Sérieusement ! Elle a accepté de te revoir après ce que tu as fait au club. S'ébahit West.

— Cela t'en bouche un coin. Pas vrai crétin !

Mon ami me scrute avec étonnement alors que je lui certifie que Roxanne a pardonné l'écart de conduite que j'ai eu envers elle, il y a de cela plusieurs semaines.

— On a mis les choses à plat, afin de repartir sur des bases saines.

— Tu m'en vois ravi. Et donc, tu la recroises ou retrouves quand ta charmante brunette ?

— Ce soir. Répondis-je alors que je continue de repasser ma chemise blanche sous l'œil avisé de West qui se marre de me voir accomplir cette tâche si délicate.

— Tu sors le grand jeu Ortega. Tu comptes déjà la demander en mariage ?

Mais quel con ! Il n'y a rien d'officiel entre nous. Ce n'est pas parce que nous avons passé une seule et unique nuit ensemble que cela fait de nous un couple prêt à passer devant monsieur le maire.

— Ferme ton robinet à conneries et arrête de déblatérer n'importe quoi. Rends-toi plutôt utile et apporte-moi la nappe qui se trouve derrière toi. Il faut que je la défroisse afin que le rendu soit irréprochable.
— Tu sors le grand jeu avec ton dîner aux chandelles ! S'exclame-t-il en me tapant sur l'épaule, toi, tu veux t'envoyer en l'air ce soir !

— Pff, ce n'est qu'un repas entre amis.

— Naturellement. Donc pourquoi fais-tu bouffer ton meilleur pote dans de la vaisselle jetable quand tu l'invites ? Je sais, ne réponds pas ! Je n'ai pas de beaux nichons à palper comme ton superbe avion de chasse, mais je dispose de deux grosses boules à malaxer si cela t'intéresse.

— Enfoiré ! Articulé-je avec difficulté alors qu'un rire franc s'étouffe au fond de ma gorge.

— Je te laisse tranquille Casanova. J'ai rendez-vous avec une obsédée qui se fera un plaisir de m'éponger les cerises. Attrape ! Dit-il avant de partir comme un voleur.  Tu risques d'en avoir besoin.

Un préservatif... vraiment ?
S'il savait le stock qu'il me reste à épuiser, je suis certain qu'il en tomberait à la renverse et viendrait me taxer à la moindre occasion.
West étant parti, je m'empresse de tout remettre en ordre, rien ne doit traîner, et j'avoue qu'avec Gigolo à la maison, plus rien n'est à sa place. Tout ce qu'il peut trouver lui sert pour s'amuser. Mes chaussettes, mes boxers, ma brosse à cheveux, la télécommande et j'en passe, sont ses jouets préférés. J'ai beau lui acheter un tas de trucs, rien ne le satisfait plus que mes effets personnels. Profitant d'un instant de répit, je file vérifier que le repas ne brûle pas. Je goûte une fois de plus la sauce qui est succulente et éteins la cuisinière. Roxanne sera là d'une seconde à l'autre et je ne souhaite pas qu'elle me trouve avec le tablier autour de la taille, ça ferait négligé. Je m'en débarrasse et pars me prélasser sur le canapé, un verre de vin à la main en attendant que la sonnette retentisse. Vingt heures quinze et toujours personne. J'angoisse et me demande si elle n'a pas eu un empêchement de dernière minute, ou pire encore, si elle ne m'a pas posé un lapin. Las d'attendre, je fais les cent pas dans le salon, dans la cuisine, puis dans la chambre en consultant mon téléphone sans arrêt pour vérifier l'heure qui défile. Je désespère et pense à tout débarrasser lorsqu'à vingt heures cinquante, le carillon résonne. Je cours, me précipite comme un dératé à la porte et ouvre à la volée.

— Enfin ! Je pensais que tu...

Mon cerveau ne fait qu'un tour lorsque j'aperçois l'intrus qui me sourit sur le seuil de ma maison, comme si de rien n'était. Dix ans sans voir sa gueule et je ne m'en portais pas plus mal. Je sais qu'il revient pour me pourrir l'existence comme par le passé. Seulement, j'ai bien grandi depuis le temps et je ne suis plus le gentil Léo. Il a réussi une fois à me briser, mais certainement pas deux !

— Salut... Ça fait un bail frangin.

— Qu'est-ce que tu fous ici Garrett ? Rétorqué-je en serrant les dents. Tu peux repartir et ne jamais revenir !

— C'est comme ça qu'on accueille la famille ?

Je vois rouge, même noir tant mes pensées s'obscurcissent de haine. Je n'ai qu'une envie, lui faire ravaler son sourire hypocrite en lui écrasant mon poing sur la gueule. Par chance, le rayon de soleil qui illumine mon côté sombre sort de son véhicule, plus belle que jamais. Roxanne porte une sublime robe jaune qui s'accorde à la perfection avec son teint couleur miel.

— Je vois que ce n'est pas le bon moment. Je repasserai. Tu attends du monde à ce que je constate.

Le traitre fait alors demi-tour pour retourner à sa voiture.
Oublie mon existence Garrett ! Je ne suis plus ton frère, ni un membre de la famille Ortega. Vous êtes tous morts à mes yeux.

Roxanne s'avance sur le gravier, alors qu'elle est chaussée d'escarpins vertigineux. Je me demande comment elle fait, ainsi que toutes les autres femmes pour tenir en équilibre sur des tiges si fines et si hautes sans se casser une jambe, voire même les deux.

— Bonsoir Léo. Je te prie d'excuser mon retard. J'ai été retenue au bureau.

— Ce n'est rien. Le principal est que tu sois là. Entre je te prie, il fait plus chaud à l'intérieur. Lui conseillé-je alors que j'observe la voiture de Garrett s'éloigner.

— Je n'ai pas fait fuir ton ami j'espère ?

— Qui ?

— L'homme qui était avec toi quand je suis arrivée.

Oh non ! Si tu savais Roxanne. Garrett est loin d'être mon compère. Ton apparition m'a empêché de faire une énorme connerie. Je n'aurai supporté plus longtemps sa présence sans avoir envie de lui faire la peau.

— Ce n'était pas un ami, je t'en parlerai le moment venu.

— Comme tu voudras. Tu m'offres un petit remontant.
Je l'invite à s'asseoir, lui verse un verre de vin et trinque à l'amitié. Nous conversons sans se soucier du temps qui file. Elle me conte sa journée oppressante, alors que je lui confie que la mienne n'a pas été aussi trépidante.

— Tu as des projets professionnels ?

— Quelques pistes. Ne te moque pas, mais j'aimerai ouvrir une salle de sport. J'ai repéré le local idéal, je suis encore dans les négociations, donc rien de concret pour l'instant. Le propriétaire est une teigne et son prix de vente est un peu mirobolant, d'autant plus qu'il y a beaucoup de travaux à prévoir pour tout remettre en état.

— Et il y a aussi le coût des machines, ce n'est pas donné si je ne me trompe.

— Tu as raison. Toutes mes économies vont y passées, je serai dans l'obligation de démarcher des banques ou des investisseurs pour m'octroyer une aide financière, même si cela ne m'enchante guère. Je veux réaliser ce projet avec mes propres moyens.

— Je comprends. Cependant, demander un coup de pouce est parfois nécessaire.

— Je le conçois. Enfin, pour le moment rien n'est signé et je n'ai pas envie de me prendre la tête avec ça. On passe à table. Lui proposé-je pour clore le débat.

Après le dîner, je propose à Roxanne de m'accompagner sur la terrasse pour que Gigolo puisse se dégourdir les pattes et faire ses besoins dans le jardin. Elle accepte sans rechigner.
La fraîcheur de la nuit s'est installée, les températures presque négatives ne font rien pour arranger la chair de poule qui a élu domicile sur ses bras dénudés. En homme galant et prévenant, je lui apporte un plaid pour qu'elle recouvre son corps frigorifié par le froid. Le ciel sombre est dégagé, pas un seul nuage pour déranger les milliers d'étoiles qui scintillent dans cette voûte céleste, que tant de poètes, de rêveurs et d'amoureux aiment contempler et cela durant des heures sans s'apercevoir que la nuit à laisser à l'aube le temps de s'installer. Je sors une cigarette de ma poche, l'allume et laisse les voluptés de la fumée disparaître dans les airs.  Le silence nous accompagne sans que cela ne nous pose problème, au contraire, j'apprécie ce moment de quiétude alors que je l'observe à la dérobée. Ses cheveux fouettent au gré du vent, laissant planer dans l'air l'odeur de jasmin qui s'en émane. Les prunelles émeraude de Roxanne brillent de mille feux, elles contiennent bien plus de constellations que la voie lactée en dénombre. Sa bouche qu'elle pourlèche du bout de la langue, est la tentation incarnée pour le repenti que je suis devenu. Elle est de loin la plus belle femme qu'il m'a été donné de rencontrer. Nous retournons à l'intérieur puisque le temps hivernal nous happe dans sa froideur. Roxanne m'informe qu'elle doit partir à regret.

— Je me lève tôt demain.

— Tu ne veux pas boire un dernier verre ?

Déclinant mon offre, elle me remercie pour l'invitation et me félicite une fois de plus pour mes talents de cuisiner. Un sentiment étrange me serre la poitrine lorsqu'elle récupère son sac et qu'elle franchit le pas de la porte. La voir s'éloigner me fend le cœur, sans réfléchir une seconde de plus, je me lance :

— Reste ! J'ai fait l'erreur de te laisser partir une fois sans te rattraper alors que j'aurai dû le faire. Aujourd'hui, il est impensable que je réitère cette bêtise. Je souhaite que tu passes la nuit avec moi, et bien d'autres encore. Je ne peux rien te promettre Roxanne, tout ceci est nouveau pour moi et j'admets que ça m'effraie. Je veux seulement qu'on essaie de construire quelque chose ensemble si tu es d'accord. Je te préviens, je risque de commettre des erreurs puisque je n'y connais rien en histoire d'amour et d'ailleurs je compte sur toi pour me réprimander quand tu le jugeras nécessaire. Je t'apprécie Roxanne, vraiment ! Je ne sais pas si c'est des sentiments amoureux que j'éprouve pour toi, mais il est clair que ce que je ressens à ton égard est très fort. Laisse-moi une chance de te prouver que je ne suis pas qu'un connard prétentieux et arrogant. Je suis un homme blessé, et qui pour se relever a dû se forger une carapace. Je t'en conjure, je ferai tout pour tenter de te rendre heureuse si tu l'acceptes.

Hésitant, je réduis la distance qui nous sépare, intercepte une de ses mèches rebelles que j'enroule autour de mon doigt et attends qu'elle dise ou qu'elle fasse quoi que ce soit.

— Je... c'est si soudain. Murmure-t-elle du bout des lèvres. Léo tu es... tellement imprévisible que tout ceci me paraît presque trop beau pour être vrai. Prouve-moi que je ne suis pas folle d'y croire.

Je l'attire contre moi, plaque son corps tremblotant contre la porte et m'empare de sa bouche esquisse pour conclure ce pacte. Le mouvement délicat de nos langues qui s'entremêlent est un plaisir auquel je m'abandonne sans me soucier des risques que je prends à ouvrir mon cœur à une femme pour la seconde fois de ma vie. Roxanne est mon pansement, elle répare mon organe vital blessé par les affres du passé, cependant, elle devra être téméraire pour que ma guérison soit totale et cela ne sera pas chose aisée.

The soul of desireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant