「𝟝𝟡」Qui es-tu, Aloïs Rosier ?

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"Poussez Madame, poussez !"

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"Poussez Madame, poussez !"

La chambre d'accouchement était à la fois immense et étroite. D'une largeur semblable à un salon du château de Versailles, la pièce voyait trôner contre son mur gauche un grand lit à baldaquin orné d'or et de rideaux de velours où étaient entassées d'épais oreillers, couvertures et draps de soie. Le lit était si grand que les sages-femmes durent grimper dessus pour assister Mathilde qui donnait la vie à Aloïs. 

Vêtue d'une robe en coton blanc remontée jusqu'au ventre, Mathilde avait percé la housse du matelas avec ses longs ongles à présent encrés dans l'éponge. Ses longs cheveux blonds collaient à ses joues humides et à son cou ruisselant de sueur pour finalement se coucher à leur tour sur le drap trempé. Épuisée, la jeune mère murmurait de silencieuses prières en fixant le plafond blanc, implorant Merlin ou quiconque veuille bien l'entendre de terminer au plus vite le travail entamé depuis bientôt quatre heures, quatre longues heures que l'orage gronde dangereusement dehors. 

Depuis huit heures du matin, les douces éclaircies du mois de juin ont laissé placé à une pluie diluvienne et grêleuse qui menaçait chaque seconde d'éclater les nombreux vitraux éclairant la pièce d'une cataclysmique lumière grise. Ici et là, les sages-femmes pouvaient apercevoir les employés du manoir débarrasser la terrasse au cas où une tornade se préparerait tandis que Mathilde hurlait à la mort. Ses cris étaient devenus si insoutenables que la sage-femme en chef dût congédier une jeune stagiaire effrayée par ses hurlements. Dans les cuisines, non loin du salon où Jean-Louis a emmené ses filles de peur que les hurlements de leur mère ne les effraie, un poste de radio évoquait "une météo inexplicable pour un mois de juin, un phénomène que les scientifiques ne parviennent pas à expliquer".

Un éclair aveuglant apparaissait à chaque cri de Mathilde et la tempête se déchainait un peu plus chaque minute. Faible, son pouls diminuait dangereusement et elle ne parvint plus à maintenir les jambes écartées au point où Chantal et une sage-femme durent lui tenir les genoux. Deux autres accoucheuses encourageaient la jeune mère à pousser, leurs douces paroles s'étouffant dans l'atmosphère pesante de la chambre. "Il faut faire vite" murmura l'une d'entre elles à sa collègue, "la mère fait une hémorragie".

Les grêlons se firent plus gros et l'orage plus grondant, si bien qu'une tension sans précédent s'empara de la chambre d'accouchement. Trop fatiguée pour continuer à pousser, Mathilde était devenue livide et n'avait pour seule source de fraîcheur que la serviette humide que Chantal lui appliquait sur le front en reprenant les prières de sa patronne. Après quatre heures de travail, l'enfant tant attendu pointa le bout de son crâne blond et chevelu, poussant les sages-femmes à hurler des encouragements à la mère qui hurla une dernière fois. Le tonnerre devint assourdissant et un éclair vint rompre une dizaine d'arbres dans la cour du manoir. 

Unutma ✞  𝚃𝚘𝚖 𝙹𝚎𝚍𝚞𝚜𝚘𝚛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant