Tu es mon double

Cause perdue

A Poudlard, comme chaque semaine, les élèves se pressaient à la sortie de la salle de classe pour être plus rapidement en week-end. Leur professeur les regardait d'un œil noir, pressé de se débarrasser de la troupe de cornichons à qui il était obligé d'enseigner depuis sept longues années.

Après que Albus ait emmené les deux garçons trouvés chez les Potter, Severus avait fait profil bas face au Directeur. En sortant du bureau du vieux sorcier, sept ans plus tôt, il s'était précipité chez les Malefoy et avait résumé la situation à Lucius Malefoy.
Fort heureusement pour lui, Narcissa était à proximité et s'était indignée en apprenant que deux enfants magiques avaient été confiés à des moldus abusifs. Elle avait pressé son mari d'aider Severus à les chercher et Lucius avait obéi - comme toujours lorsque Narcissa voulait quelque chose.

Ainsi, chaque week-end depuis sept années, Severus et Lucius quadrillaient l'Angleterre moldue. Ils n'agissaient pas complètement au hasard : le Ministère enregistrait tous les accidents magiques venant d'enfants, ce qui leur permettait de trouver les nés-moldus. Jusqu'à leur onzième anniversaire, les enfants n'étaient pas approchés par les sorciers. Certain s'en étaient offusqués, mais le Ministère ne voulait pas interférer avec le monde moldu.
Lucius, de part son titre de Lord et son rôle actif au sein du Ministère, avait bien évidemment accès à ces archives. Il relevait donc toutes les adresses où des accidents magiques avaient été signalés, et les deux hommes visitaient chaque maison, espérant trouver les enfants disparus.

Jusqu'à présent, cependant, ils n'avaient rien. Ils étaient tombés une fois sur un enfant molesté, et ils étaient intervenus, se faisant passer pour les services sociaux moldus. Lucius, avec toute la morgue aristocratique qui le caractérisait avait prévenu les parents qu'au prochain incident, ils seraient privés de toute allocation et déférés devant la justice. La menace avait étonnamment bien fonctionné : Severus s'était senti obligé de vérifier à plusieurs reprises que le gosse allait bien et il avait été agréablement surpris des effets de leur intervention...

Lorsque sa salle de classe fut déserte, Severus prit le temps de ranger les chaudrons d'un geste de la main, et sortit à grands pas. Il arrivait dans le hall quand il fut intercepté par Dumbledore.
Face au sourire hypocrite du Directeur, Severus se tendit, regrettant de ne pas avoir utilisé la cheminée de ses appartements pour s'éclipser...
- Severus mon cher. J'aurais besoin de...
- Je suis pris ce week-end Albus. Je quittais justement Poudlard.
Un éclair de colère passa dans les yeux bleus et le vieil homme fronça les sourcils.
- Voyons, voyons mon garçon. Qu'est-ce qui peut bien être plus important que Poudlard ?
- Je ne suis qu'un simple professeur Albus. Je suis loin d'être marié à ce foutu château. De plus, moins je vois les élèves, mieux je me porte.

Albus allait répliquer - probablement glisser une menace sur la liberté de Severus - mais Minerva arriva, souriante.
- Albus ! Je vous cherchais justement ! Severus, je suppose que vous partiez ? Bon week-end mon cher.
Severus s'inclina, et reprit son chemin, tandis que Minerva entraînait Dumbledore à sa suite en lui parlant des toilettes des filles du troisième étage qui avaient une fois de plus explosé.

Lorsqu'il arriva au Manoir Malefoy, Lucius l'attendait. L'aristocrate avait le visage fermé, et Severus devina qu'il en avait assez de parcourir le pays en vain.
- Severus... Je crois qu'on devrait se rendre à l'évidence. C'est une cause perdue, ce vieux fou de Dumbledore a probablement fait quelque chose pour que les gosses disparaissent des radars...

Le Maître des potions pinça les lèvres, et fronça les sourcils.
- Alors quoi ? On laisse tomber ?
- Je... Je ne sais pas pourquoi tu t'accroches à ce point ! Sept ans que nous cherchons ces gamins en permanence, que nous ratissons le pays. Nous avons visité tellement de nés-moldus que je me demande encore s'il va rester de la place pour les petits sangs-purs...

Severus se laissa tomber sur un fauteuil et secoua la tête.
- Je ne peux pas abandonner Lucius. J'ai... j'ai promis à Lily de m'occuper des enfants qui étaient près d'elle. Je l'ai trahi une fois, je refuse de recommencer.

Narcissa, qui entrait dans la pièce, intervint après avoir entendu les mots de l'homme.
- Tu veux juste tenir une promesse faite à une morte, Severus ? C'est uniquement pour ça ?
Le maître des potions soupira et haussa les épaules.
- Je connaissais Pétunia Evans. Cette moldue était une peste de la pire espèce ! Quand elle a découvert que sa sœur était une sorcière, elle n'arrêtait plus de l'appeler "Monstre" ou "anormale". Je suis certain qu'elle n'est pas devenue plus ouverte d'esprit avec les années, surtout si elle a épousé un homme aussi... stupide qu'elle ! Tu imagines, deux enfants grandir dans ces conditions ? Rabaissés et humiliés en permanence ?

Lucius se gratta la gorge et fixa Severus.
- Deux enfants maltraités et désespérés. Jusqu'au jour où Dumbledore ira les chercher dans ses robes chatoyantes et leur offrira le monde magique sur un plateau. Il fait juste en sorte d'obtenir de parfaits pions, malléables à souhaits. Tu peux être certain qu'il contrôlera leurs amis et la maison dans laquelle ils seront répartis.
- Si ce sont les fils de James, ils seront à Gryffondor. Tous les Potter étaient à Gryffondor.
Narcissa gloussa joyeusement.
- Tous les Black étaient à Serpentard jusqu'à mon très cher cousin. Ne parie pas sur leur maison tant qu'ils ne sont pas passés sous le choixpeau...

Severus soupira.
- Peu importe. Pour leur bien être et pour le bien du monde magique, il faut les tirer des griffes de ces satanés moldus et de Dumbledore.
- Si on les retrouve, Severus, que feras-tu d'eux ? Deux jeunes enfants... Tu ne peux pas les emmener à Poudlard et tu ne peux pas quitter ton poste où tu iras tenir compagnie à Bellatrix à Azkaban avec les compliments du vieux fou...
Narcissa leva les yeux au ciel.
- Oh par Merlin, Lucius ! Ne sois pas idiot ! Ces deux enfants viendront vivre ici et Severus sera là le week-end et pendant les vacances ! Ça fera du bien à notre fils de se sociabiliser un peu. De toutes façons, la maison de Severus est sinistre à souhait, il ne peut pas y faire vivre de si jeunes enfants !

Les deux hommes échangèrent un regard et Lucius n'osa pas contredire Narcissa. Il marmonna vaguement, puis entraîna Severus à sa suite pour leur virée hebdomadaire au cœur du monde moldu...

Prompt de demain : Rêve de ténèbres