Tu es mon double

Nourriture

Bien que Harry et Drago fassent en sorte d'entourer Charles au mieux et de lui faire oublier sa culpabilité, l'adolescent avait parfois des moments où il broyait du noir. Il avait du mal à accepter la situation, il était totalement déchiré entre son identité - la seule dont il se souvenait - en tant que frère de Harry Potter et ce qu'il avait été autrefois - le monstre qui voulait tuer la personne la plus importante à ses yeux.

Il riait à une blague de Harry, ou il répondait à une de ses questions, et puis d'un coup, il prenait conscience du fait que sa présence même mettait Harry en danger. Il savait que Lucius avait passé des accords avec la plupart des Mangemorts qu'il pouvait être amené à côtoyer pour qu'ils soient en sécurité, mais il restait toujours la possibilité qu'un de ses anciens disciples un peu trop radical ne se décide à rendre hommage à son Maître en s'attaquant à Harry. Rien que cette idée lui donnait des cauchemars...

Les adolescents avaient rejoints Lucius et Narcissa pour le dîner, et le repas avait commencé parfaitement bien. Puis, d'un coup, Lucius avait fait un commentaire sur Sirius et sa fuite soudaine. Aussitôt, Harry s'était renfrogné et avait répondu que l'homme ne devait pas être un parrain si attentionné.

Le repas avait continué dans un silence tendu, et Charles avait baissé la tête, perdant toute bonne humeur. Il avait commencé à triturer sa nourriture d'un air absent du bout de sa fourchette.

Face au comportement étrange des adolescents, Narcissa fronça les sourcils. Elle était bien décidée à tirer cette histoire au clair, mais elle savait parfaitement qu'elle n'obtiendrait rien en attaquant de front.

*

Le repas ne traîna pas, il n'y avait aucune conversation et à l'instant même où il le put, Charles quitta la table, prétextant la fatigue. Harry grimaça un sourire et partit à sa suite, et Drago l'imita aussitôt après avoir embrassé sa mère.

Narcissa reposa ses couverts sur la table brusquement.

- Cette fois... J'en ai assez. D'abord Charles qui rentre de Poudlard avec l'air de porter le poids du monde sur les épaules, ensuite l'attitude stupide de Sirius et maintenant ce repas catastrophique !

Lucius haussa un sourcils interrogatif en direction de son épouse.

- Et tu vas faire quoi ? Les faire parler sous la contrainte ?

L'aristocrate plissa les yeux, l'air menaçant et Lucius leva les mains en l'air en signe de paix.

- Je te laisse régler ça.

Narcissa se leva et se dirigea d'un air décidé vers la cheminée. Elle jeta une poignée de poudre de cheminette dans l'âtre et se mit à genoux, avant de prononcer distinctement "Severus Rogue". L'instant d'après, elle exigeait d'un ton sec que celui-ci vienne au Manoir. Elle ne lui laissa visiblement pas le temps de protester puisqu'elle se releva immédiatement.

Il fallut moins d'une minute à Severus pour débarquer, l'air inquiet. Narcissa attaqua immédiatement.

- Qu'est-ce qui se passe avec les enfants Severus ?

Le maître des potions écarquilla brièvement les yeux avant de se reprendre.

- Charles va bien ?

Narcissa soupira et secoua la tête.

- Je suppose que tu vas aller t'enfermer dans sa chambre avec lui, et qu'une fois de plus nous ne saurons rien.

- Je...

- Nous en reparlerons plus tard, je suppose.

***

Severus entra dans la chambre des jumeaux Potter sans frapper. Il regarda les trois adolescents les uns après les autres, et soupira.

- Narcissa m'a appelé.

Harry se leva et entraîna Drago à sa suite après un long regard à son frère. Il salua Severus au passage avec un sourire triste. Puis après être sorti de la chambre, il ferma doucement la porte.

Severus s'approcha de Charles et s'assit près de lui sur son lit, posant son bras sur ses épaules. Charles soupira.

- Je vais avoir des problèmes ?

Severus renifla et leva les yeux au ciel.

- Pas vraiment. Narcissa était inquiète et elle a l'air plutôt décidée à démembrer Sirius ou même moi qu'à s'en prendre à l'un d'entre vous...

Charles se frotta les yeux, et il eut l'air soudain bien plus jeune. C'était peut être un morceau de l'âme d'un homme qui avait vécu longtemps, mais il était avant tout un adolescent torturé par ce qu'il était.

- J'ai peur de redevenir le monstre que... Que j'étais. Avant.

Le Maître des potions resta silencieux quelques instants, puis il soupira.

- L'avantage d'être aux ordres de Dumbledore comme un bon petit espion est que j'ai accès à un certain nombre d'informations. Il a parlé de... Voldemort. De son enfance. Il s'appelait Tom Jedusor comme tu le sais et sa mère est morte en le mettant au monde, à la porte d'un orphelinat. Il a grandi dans cet endroit, sans jamais être adopté. Très vite, il a montré qu'il était incapable d'avoir des amis, et... il effrayait les autres enfants. Puis il est entré à Poudlard où il était un excellent élève bien que trop solitaire. Il a assassiné a famille restante, les Gaunt ainsi que son père, Tom Jedusor Senior.

Severus s'interrompit un instant pour forcer Charles à lever les yeux pour le regarder.

- Tu n'es pas la même personne. Tu n'es pas seul, tu as Harry. Narcissa et Lucius pourraient tuer pour toi. Drago t'adore. Et moi... je ne laisserai rien ni personne te faire du mal. Tu as une famille Charles. Tu as des amis, également. Tu ne peux pas devenir mauvais parce que tu n'es pas seul, et que nous serons tous là pour t'aider si jamais tu venais à faire des erreurs.

- Tu ne peux pas savoir Severus ! Toi et Lucius, vous êtes venus à notre aide et pourtant vous avez la marque des Ténèbres ! Qui te dit que d'ici quelques années je ne deviendrais pas ce que j'étais avant ?

Severus hocha la tête, comme s'il donnait raison à l'adolescent.

- Bien. Je suppose que tu pourrais un jour en venir à torturer Miss Granger parce qu'elle est une sang-de-bourbe. Après tout... tu n'as aucun sentiment, n'est-ce-pas ?

Sous le coup de la colère, la magie de Charles devint étouffante, et ses yeux rougeoyèrent.

- Hermione a autant de valeur que n'importe quel sang-pur ! Tu n'as pas le droit de l'insulter de cette façon !

Loin de s'émouvoir de la colère du plus jeune, Severus ricana.

- Je suppose que ta réaction en dit long sur toi, Charles. Tu n'es pas Voldemort, tout simplement parce que lui n'aurait pas vu de problème à torturer quelqu'un. Et parce qu'il n'avait aucun ami proche, juste des... esclaves. C'est ce que nous étions, nous autres, Mangemorts. Des esclaves devant lui obéir aveuglément sous peine d'être tués.

Severus pressa l'épaule de Charles en se levant et sortit de la chambre sans un mot de plus, laissant l'adolescent perdu dans ses pensées, mais bien moins tendu qu'à son arrivée.

Prompt de demain : lapin