Tu es mon double

Six choses impossibles à faire depuis le petit déjeuner

Après la soirée ratée le jour de la coupe du monde de Quidditch, le reste des vacances avait été terriblement calme. Visiblement, pour les Aurors, il y avait un fossé entre intervenir dans un camping moldu et s'inviter aux portes du Manoir Malefoy.
L'influence de Dumbledore restait assez limitée, et Lucius pouvait compter sur sa réputation et ses soutiens pour le protéger de la folie du Directeur de Poudlard. Sans compter que le Ministre ne cautionnerait jamais l'intrusion des Aurors chez lui, au risque de se mettre à dos la plupart des Sang-pur siégeant au Magenmagot.

Cependant, Lucius comptait bien prendre sa revanche sur le vieux sorcier, pour lui faire regretter ses manigances. Personne ne s'en prenait impunément à la famille Malefoy après tout.

Malgré leur sortie avortée les trois enfants avaient adoré le match de Quidditch, et ils en avaient longuement parlé, des étoiles dans les yeux. Et les vacances avaient suivi leur cours, tranquillement, pleines de rires et de bonne humeur. Des vacances idéales aux yeux des enfants, rythmées par les visites de Severus et les facéties de Sirius.

Le jour du départ pour Poudlard, Severus était arrivé à l'aube, sous prétexte de s'assurer que tout allait bien. Personne n'avait été dupe bien évidemment, se doutant que Severus était là pour voir les enfants avant le départ, profiter de leur complicité avant de devoir reprendre le rôle de sévère professeur.

Il était donc tranquillement installé à la table des Malefoy, prenant un copieux petit déjeuner en compagnie de ses amis, attendant le réveil des enfants.
Charles fut le premier à arriver, suivi de peu par Drago. Les deux garçons s'installèrent et commencèrent à manger de bon appétit, ravi de voir Severus, bien qu'un peu tristes de quitter le Manoir pour une nouvelle année. Ils se plaisaient pourtant à Poudlard, et une part d'eux était impatiente de retrouver leurs amis.

Harry arriva peu après, traînant les pieds, les cheveux plus en bataille que jamais, baillant et se frottant les yeux. Avec un grognement fatigué, il se laissa tomber sur la chaise près de Severus, et il se blottit contre le professeur austère sans un mot.
Comme celui-ci, stupéfait, restait figé par la surprise, Harry gigota pour s'installer plus confortablement, collé contre Severus, à moitié grimpé sur ses genoux, la joue collée contre le torse de l'homme. Décidant visiblement qu'il était parfaitement positionné, le jeune garçon émit un petit soupir d'aise.

Face à l'air choqué de Severus, Charles gloussa, amusé.
- Harry n'est pas du matin... Se réveiller est l'une des six choses impossibles à faire depuis le petit déjeuner... Tant qu'il n'a pas sa dose de sucre, il dort debout.

Narcissa sourit largement, se délectant de l'air stupéfait de l'ancien Mangemort, tandis que Sirius semblait jaloux de voir son filleul aussi câlin avec son ancien rival.
Severus soupira et se détendit légèrement, avant de passer une main hésitante dans la tignasse du garçon.

Le gamin ronronna légèrement avant de se blottir un peu plus contre le Maître des potions. Ignorant les sourires moqueurs autour de la table - autant pour Harry que pour sa gêne évidente - il se pencha légèrement.

- Harry ? Tu ne prends pas ton petit déjeuner ?

Le garçon entrouvrit les yeux, avant de soupirer et de se câliner un peu plus.
- J'ai pas envie.
Lucius émit un léger rire, tandis que Severus ne pouvait s'empêcher de sourire. Il commença à frotter doucement le dos du brun, amusé mais aussi ému.

Il n'avait jamais été aussi proche d'enfants comme il l'était de Harry et Charles. Il avait côtoyé Drago depuis la naissance, puisqu'il était son filleul, mais il ne s'était jamais senti aussi lié à lui que des jumeaux Potter.
Même découvrir que Charles était potentiellement le Mage Noir qui avait mis le pays à feu et à sang, celui qui l'avait marqué et réduit en esclavage, qui avait tué son seul amour n'avait pas remis en cause son affection pour lui. Et Harry n'était plus seulement le fils de James. Il était un garçon perdu, auquel il s'était attaché.

Il savait que les deux enfants l'appréciaient, et qu'ils aimaient passer du temps avec lui. Il avait vaguement pensé qu'ils suivaient Drago, ou qu'ils se comportaient ainsi parce qu'il était un ami proche de la famille Malefoy.
Il s'était dit qu'ils étaient bêtement reconnaissants, parce que c'était lui qui avait été les chercher dans le monde moldu en compagnie de Lucius, et qu'il les avait sorti d'une famille abusive.

Il n'avait jamais pensé que les deux garçons puissent sincèrement l'apprécier. Or Harry lui montrait à cet instant à quel point il lui portait une confiance aveugle.
Charles était à côté de lui, et ne semblait pas surpris de voir Harry blotti contre lui, comme si c'était une évidence, comme s'ils en avaient déjà parlé ensemble.

Severus repoussa ses émotions pour réveiller en douceur le garçon. Quand Harry fut assis à peu près normalement près de lui, il lui tendit un bol de chocolat au lait, amusé de voir le brun l'attraper à tâtons pour le boire à grandes gorgées.
Une fois son petit déjeuner avalé, Harry releva la tête vers Severus, les joues un peu rouge et une large moustache chocolatée sur le visage pour offrir un sourire lumineux à son professeur.

Le Maître des potions grogna - faussement - et essuya avec douceur le visage du garçon. Harry ne sembla pas se soucier de l'air fermé de l'homme et il le remercia avec un large sourire avant de se lever d'un bond pour aller s'habiller.
Charles se leva lui aussi et enlaça Severus avec force, spontanément, à la plus grande surprise de l'homme. C'était la première fois que le jeune garçon montrait aussi ouvertement son attachement devant témoins sans la moindre hésitation, et le Maître des potions apprécia l'initiative.

Au moment de rejoindre Harry, Charles lui murmura quelques mots à l'oreille.
- Tu sais, Harry et moi on aurait adoré avoir un père comme toi.

Severus resta figé, stupéfait, le cœur battant la chamade alors que Charles partait en courant. Il secoua la tête doucement, essayant de reprendre pied, sous le regard narquois de Lucius. Son vieil ami semblait deviner qu'il était ému même sans avoir entendu les mots de l'enfant, mais il ne dit pas un mot.
Alors qu'il terminait sa tasse de thé, prêt à retourner à Poudlard pour une nouvelle année, Severus se jura qu'il donnerait sa vie pour que les jumeaux soient en sécurité. Rien d'autre n'avait d'importance désormais.

Prompt de demain : Pierres cachées