Tu es mon double

L'amour de l'espion

Au début, Severus avait eu du mal à croire aux mots de Harry. Ou de croire que Charles pourrait partager le même avis - surtout alors qu'il savait qui il était en réalité.

Cependant, en voyant les deux adolescents rechercher de plus en plus sa présence, il dut se faire à l'idée qu'il représentait réellement une référence parentale pour eux. Aussi bien que pour le fils de James Potter - son bourreau d'autrefois - que pour celui qui fut dans une autre vie le pire mage noir des temps modernes.

Il ne savait pas vraiment lequel des deux le surprenait le plus. Le fils Potter ou Voldemort. Cependant Severus ne protestait que pour la forme. Il avait appris à connaître les enfants, les avait vu grandir, et s'était attaché malgré lui. Au départ, c'était en souvenir de Lily, l'unique amour de l'espion.
Il s'était longtemps persuadé qu'il passait du temps avec eux parce que Harry avait les yeux de sa mère, une façon pour lui de se rassurer, incapable de faire face à ses sentiments.

Il avait cessé de prétendre qu'il le faisait pour Lily uniquement au fur et à mesure du temps qui passait. Il aimait converser avec Harry, et brasser des potions avec Charles. Il aimait les regarder voler sur leurs balais, riant aux éclats.
Il s'inquiétait pour eux, pour leur avenir. Il s'inquiétait de ce que Dumbledore prévoyait pour eux, et brûlait de les retirer du monde magique pour les protéger de ce vieux manipulateur.

Autrefois il était devenu espion par obligation, sous la pression de Dumbledore, puisque c'était l'unique façon d'obtenir une protection pour Lily. Cependant son sacrifice avait été vain puisque sa jolie Lily avait été tuée, impitoyablement. Et lui avait été piégé par Dumbledore, obligé de se soumettre pour éviter de terminer à Azkaban.
Pour les enfants cependant, il espionnait Dumbledore avec joie, pour s'assurer de leur sécurité. Il était prêt à prendre tous les risques, et même à se sacrifier s'il avait la certitude qu'ils seraient libre de grandir en paix.

Souvent, Harry venait s'installer près de lui pour l'observer brasser des potions, restant silencieux la plupart du temps. Parfois, il lui demandait de lui parler de sa mère, lorsque Charles arrivait. Les deux adolescents l'écoutaient avidement, attentifs, les yeux brillants d'émotion.
- J'ai rencontré Lily dans le monde moldu. Si ma mère était sorcière, mon père était moldu. Votre mère... était née-de-moldus. Mais elle était si... jolie... La première fois que je l'ai vu, j'ai cru qu'elle était une fée.

Les garçons riaient, essayant de deviner à quoi ressemblait leur mère enfant pour que leur si stoïque professeur ne la confonde avec une fée.
- Lily a immédiatement compris que ma vie de famille n'était pas... la meilleure qui soit. Elle faisait en sorte de m'apporter de quoi manger, et elle me soignait quand mon père était... ivre et qu'il me frappait.

Lorsque Charles avait entendu pour la première fois que Severus avait également été un enfant malheureux, à cause d'un moldu, il avait serré les poings de colère, ses yeux prenant des reflets rouges. Son cœur s'était empli de haine envers les moldus, mais Severus avait continué de parler de leur mère, la petite moldue rousse qui venait chaque jour s'occuper de son ami.
Et Charles s'était calmé, comprenant peu à peu que tous les moldus n'étaient pas aussi mauvais que le père de Severus ou que leur oncle.
- Un jour, je lui ai montré la magie. Je crois que je l'aimais déjà, même si je l'appelais amie. Elle aurait pu me demander n'importe quoi, et je l'aurais fait. Pour elle. Je lui ai offert une fleur que j'avais fait apparaître et... ses yeux brillaient comme des émeraudes. Elle était fascinée par la magie. Et puis un jour, elle est arrivée au parc où nous nous retrouvions. Je ne l'avais jamais vu si joyeuse. Elle venait de recevoir sa lettre de Poudlard.

Severus avait souri, perdu dans ses souvenirs, alors que les deux adolescents le regardaient fascinés.
- Elle a aimé le chemin de Traverse. Elle a aimé le Poudlard Express. Mais quand elle a vu Poudlard... Elle était si heureuse d'être une sorcière. Le choixpeau l'a envoyé à Gryffondor, et moi à Serpentard. J'étais dévasté, car nos deux maisons étaient ennemies, mais elle m'a juré que ça ne changerait rien. Je pensais qu'elle se laisserait convaincre par ses camarades de maison, mais... Lily pouvait être têtue. Elle ne m'a jamais repoussé. Elle se disputait sans arrêt avec votre père et avec Sirius pour qu'ils... me laissent en paix.

A ce moment de son récit, Severus devenait plus mélancolique, prouvant aux garçons que sa scolarité n'avait pas été si joyeuse que ça. Harry était soulagé d'apprendre que sa mère avait vraiment tenu à Severus, même si elle ne l'avait pas aimé de façon romantique.
- Mes camarades de maison m'en voulaient de fréquenter une Gryffondor, alors je l'ai repoussé. Je... J'ai profité d'une farce cruelle et humiliante de plus des Maraudeurs pour l'insulter, irrémédiablement. Elle ne m'a jamais pardonné... Je n'ai pas eu le temps de m'excuser. Je suis devenu Mangemort, puis elle est morte.

Plongé dans le passé, parfois, Severus ricanait.
- Lily était une fée. Une fée de douceur et de gentillesse, mais elle ne se laissait pas faire non plus. Ses colères étaient dévastatrices. Un vrai tempérament de feu.

Face au regard fasciné des garçons, il ne pouvait s'empêcher de continuer, au sujet du caractère de Lily.
- Aussi douce soit-elle, Lily ne supportait pas l'injustice. Elle partait du principe que tout les sorciers étaient égaux quelques soient leur origine.

Un jour, Charles s'était penché vers lui, attentif.
- Comment ça ?
- Elle disait que Sang pur ou sang-mêlé, nous étions tous des sorciers.
- Pourtant, elle s'est mariée avec un sang-pur.

Severus avait acquiescé.
- James Potter était un sang-pur oui. Et ils avaient un ami loup-garou. Sans comptait que Lily me traitait de la même façon alors que je suis un sang-mêlé.
Charles avait hoché la tête, lèvres pincées.
- Elle était une sorcière puissante ?
- Oui. Elle excellait dans beaucoup de domaines, et sa curiosité naturelle lui permettait d'être très bonne élève.
- Dans ce cas je suppose que l'origine ne détermine pas qui sont les bons sorciers ou non.

Et Severus souriait, heureux de voir que Charles comprenait et ne répétait pas les erreurs du passé.

Prompt de demain : Insensible