Tu es mon double

Vérité coupable

Même s'il détestait danser et être au centre de l'attention, Harry se rendit rapidement compte qu'il passait une excellente soirée pendant le bal de Noël. Luna était joyeuse et souriante, et il appréciait l'écouter parler de joncheruines et de ronflacks cornus comme si tout ça avait un sens pour elle.
Ils dansèrent la danse obligatoire d'ouverture - Harry découvrit qu'il était tout à fait capable de se mouvoir sans écraser impitoyablement les pieds de sa partenaire - avant de s'installer dans un coin de la salle pour discuter, alors que leurs amis allaient et venaient pour échanger quelques mots avec eux.

Ginny était accompagnée d'un Gryffondor plus vieux et même si elle dansait presque à chaque morceau de musique, elle ne quittait pas Harry du regard. Charles et Drago eurent la satisfaction de voir que Harry ne leva à aucun moment les yeux vers elle.

Le jeune homme fut heureux cependant de retrouver son dortoir, avec la certitude que le lendemain il prendrait le Poudlard Express pour passer les vacances au Manoir Malefoy.

*

C'est avec les yeux brillants et une excitation certaine que Harry se leva le lendemain. Et c'est d'un bon pas qu'il rejoignit la petite gare de Pré-au-Lard entre Charles et Drago. A cet instant, il oubliait le tournoi des trois sorciers et le danger possible que représentait Dumbledore.

Le trajet fut à la fois interminable et bien trop court. Il se déroula dans les rires et la bonne humeur, mêlant les maisons.

*

Les deux frères retrouvèrent avec plaisir le Manoir Malefoy. Harry salua les parents de Drago avec un large sourire, alors que Charles se laissait aller à se blottir dans les bras de Narcissa, comme si une présence maternelle lui avait manqué pendant ces mois à Poudlard. Sirius, quand à lui, les attira dans une étreinte collective qui les fit glousser.

Ils racontèrent à tour de rôle ce qui s'était passé depuis la rentrée, même si Lucius avait été tenu scrupuleusement au courant par Severus. Et c'est trois adolescents exténués qui finirent par rejoindre leurs chambres respectives pour une nuit bien méritée.

Le lendemain, Harry surveillait l'arrivée de Severus avec impatience. Même s'il avait reporté à Charles la conversation qu'il avait surprise entre leur professeur et Remus Lupin, il voulait parler seul à seul avec l'homme.

Lorsqu'enfin Severus arriva au Manoir, il jeta un regard suspicieux en direction de Harry qui semblait sur les nerfs. Il prit le temps de saluer ses amis, et d'échanger quelques mots avec Lucius. Les deux hommes essayaient de savoir ce que serait la dernière tâche du tournoi des trois sorciers, pour protéger au mieux Harry.
Sans compter que malgré son enquête minutieuse, Severus n'avait pas été en mesure d'identifier qui avait glissé le nom de l'adolescent dans la coupe de feu. Il suspectait Dumbeldore, puisqu'il était l'homme qui avait géré les protections autour de l'objet enchanté. Cependant, il ne parvenait pas à comprendre quel était le but du Directeur de Poudlard.

De son côté, Lucius avait utilisé ses contacts au Ministère pour essayer d'en savoir plus. Les juges de la compétition, aussi bien Croupton que Verpey restaient muets, visiblement satisfaits d'eux-mêmes.
Il ne restait donc aux deux amis que de se montrer extrêmement prudents et d'assurer les arrières du gamin qu'ils avaient juré de protéger.

Finalement, Severus laissa Lucius et sourit en voyant Harry venir vers lui un air décidé sur le visage. Un bref instant, il se demanda si l'adolescent avait une idée de qui était réellement son jumeau, puis il repoussa rapidement cette pensée au fond de son esprit. Il aimait Charles autant que Harry, et son identité dans une autre vie lui importait peu.

Le jeune homme perdit toute son assurance à son approche et il hésita un instant.
- Severus ?
Avec un soupir, le maître des potions lui fit signe de le suivre et l'entraîna à sa suite en direction de son laboratoire de potions, installé généreusement par Lucius. En voyant la nervosité du gamin il abandonna l'idée de l'asticoter un peu, et il lui fit signe de s'installer.

Harry obéit, nerveux, et se tortilla nerveusement avant d'oser commencer à parler, sans pour autant lever les yeux vers l'homme devant lui.
- Est-ce que... je veux dire... Tu connaissais bien ma mère ?
Severus retint son souffle un instant et ferma les yeux douloureusement, assailli par des souvenirs déplaisants. Cependant, il s'était juré de ne jamais mentir à Harry ou Charles, et il répondit sincèrement.
- Oui. Nous sommes entré à Poudlard la même année.
- C'est tout ?
- Elle était mon amie Harry. Avant que nous ne... avant que je ne me montre stupide et qu'elle soit fâchée contre moi.

Harry fronça les sourcils, et leva les yeux vers Severus. Ce dernier se troubla un instant face aux yeux verts. Les yeux de Lily. Puis, le jeune homme se mordilla la lèvre avant de continuer.
- Le jour de la seconde tâche, j'ai entendu quelque chose. J'étais parti me changer et... Lupin se moquait de toi.

Severus se crispa, mais il ne semblait pas y avoir de jugement dans les yeux de Harry. Juste des questions. Avec une grimace amère, il répondit.
- J'ai connu ta mère lorsque nous étions enfants. Et nous étions amis avant d'arriver à Poudlard. Au début, nous avons essayé de rester amis même si elle était à Gryffondor et moi à Serpentard. Ton père, Sirius et Lupin formaient un groupe d'amis qui passaient leur temps à faire de stupides plaisanteries. Sans cesse.
- C'est pour ça que tu n'aimes pas Sirius ?
- Oui.
- Et ensuite ?
- Après une... plaisanterie particulièrement cruelle, ta mère est venue à mon secours. J'étais humilié, et furieux. Et je l'ai insulté. Nous nous sommes brouillés et lorsqu'elle a commencé à fréquenter ton père, je n'ai pas tenté de me faire pardonner. J'aurais probablement dû oublier ma fierté mais...

Harry le fixa calmement, se rappelant des mots de Lupin.
- Mais tu l'aimais n'est-ce pas ?
Severus ferma les yeux et hocha la tête, s'attendant à être rejeté. Il marmonna quelques mots, et le jeune homme ne put saisir que "vérité coupable". Il aurait dû faire confiance à Harry cependant, comme il aurait dû faire confiance à Lily pour le pardonner des années plus tôt.
L'adolescent s'approcha de lui et lui posa la main sur l'épaule.
- J'aurais été heureux que tu sois mon père. Et Charles aussi tu sais. Il le pensait sincèrement quand il te l'a dit.

Puis, sans un mot de plus, laissant Severus se remettre de ses émotions, l'adolescent sortit doucement de la pièce, apaisé par les explications du Maître des potions.