Tu es mon double

Une chance

Le lendemain matin, lorsque Harry et Charles se réveillèrent, ils échangèrent un sourire. Après leur enfance catastrophique, ils n'avaient pas eu l'occasion d'avoir beaucoup de joie.
Cependant en quelques jours, leur vie avait radicalement changé. Ils avaient encore du mal à s'habituer à ne plus vivre dans la peur permanente de prendre un coup, à l'habitude de manger à leur faim, sans se presser ou se cacher. Le plus étrange était d'avoir une chambre immense rien que pour eux, et un lit confortable. Ils pourraient même avoir une chambre chacun s'ils le voulaient !

Ils pouvaient lire autant qu'ils le voulaient, ils n'avaient plus de corvées. Et ils se surprenaient à sourire de plus en plus souvent.
Les deux frères chahutèrent gentiment quelques instants avant de se lever. Ils étaient toujours très silencieux : des années de conditionnement ne pouvaient pas être oubliés en un claquement de doigts.

Narcissa leur avait demandé de se doucher le matin en se levant et de s'habiller, avant de descendre pour le petit déjeuner. Ils n'avaient jamais omis cette simple consigne, désireux de plaire à leur bienfaitrice.
Comme chaque matin, ils apprécièrent la douche chaude, parce que c'était un plaisir qu'ils n'avaient pas connu avant d'arriver chez les Malefoy. Leur tante avait l'habitude de leur laisser de l'eau froide, en disant avec une joie mauvaise que les monstres comme eux ne méritaient pas mieux.

Une fois prêts, ils rejoignirent la salle à manger pour prendre leur petit déjeuner. Narcissa était installée, buvant un thé. Un garçon de leur âge environ - peut être un peu plus vieux parce qu'il était plus grand qu'eux - était près d'elle, discutant joyeusement, tout souriant.
En le voyant, il était évident qu'ils étaient devant le fils des Malefoy, la couleur de ses cheveux ne laissait pas place au doute.

Les deux garçons, hésitants, échangèrent un rapide regard, se demandant comment agir. Maintenant que l'héritier était de retour, ils craignaient d'être écartés.

L'héritier Malefoy en question avait vu les deux garçons entrer et s'arrêter en le voyant. Il les ignora avec soin, décidant qu'il ne voulait pas d'eux chez lui.
Sa mère lui avait parlé de ces deux gosses qu'elle voulait sauver, et il n'y voyait aucune objection. Elle lui avait également demandé d'être agréable avec eux. Cependant, elle ne lui avait pas demandé de les accepter.

Du coin de l'oeil il les observa. Ils étaient petits et maigres. Mis à part les yeux verts incroyables de l'un d'entre eux - cachés derrière de hideuses lunettes - ils étaient tout ce qu'il y avait de plus ordinaire.

Narcissa sentit leur présence, puisqu'elle se retourna avec un large sourire.
- Harry ! Charles ! Vous avez bien dormi les garçons ?
Harry hocha la tête pour eux deux, avec un mince sourire timide. L'aristocrate ne s'en formalisa pas, et leur fit signe d'approcher et de s'installer.
- Les garçons, je vous présente mon fils Drago.

Charles le dévisagea avec attention, décidant visiblement de se montrer prudent avec ce nouveau venu. Tous les deux ils avaient été habitués à subir leur cousin, et ils n'accordaient pas leur confiance si facilement.

Toute la matinée, Harry et Charles étaient resté collés l'un à l'autre, sans chercher à se rapprocher de Drago. Ils l'évitaient avec soin, se suffisant l'un à l'autre.

Drago, pour sa part, était terriblement jaloux. Sa mère semblait en admiration devant les deux garçons aux cheveux noirs. Son père leur avait souri, alors qu'il était si impassible habituellement. Même son parrain Severus les regardait avec un air étrange, et leur parlait avec douceur.
Le garçon espérait qu'ils allaient enfin partir de chez lui, pour que sa vie reprenne comme avant. Avant que deux gamins perdus ne soient récupérés par ses parents comme une portée de chatons à demi noyés.

Le repas de midi se déroula dans une ambiance tendue. Severus était resté pour le repas, et les adultes parlaient entre eux, alors que les enfants restaient totalement silencieux,  le nez plongé dans leurs assiettes respectives.

A la fin du repas, Narcissa soupira et les envoya se changer pour aller jouer dehors. Elle ne voulait pas obliger son fils à apprécier les deux garçons, mais elle espérait que les trois garçons pourraient s'entendre. Jouer ensemble dans le parc immense du Manoir ne pourrait que rapprocher les garçons à son avis.

Ils montèrent à l'étage, et Drago les ignora, se dépêchant de se changer. Lorsqu'il sortit de sa chambre, il passa devant la porte de la chambre donnée aux jumeaux, et jeta un coup d'œil curieux en notant qu'elle n'était pas fermée.

Harry était de dos, face à son frère, torse nu. Ils murmuraient et Drago n'entendait pas leur conversation. Cependant, même s'ils avaient hurlé, il n'aurait pas fait attention aux mots. Il était choqué par ce qu'il voyait.

Le dos de Harry était couvert de marques, plus ou moins profondes. Le blondinet cligna des yeux et s'éloigna rapidement lorsque le brun enfila un sweat - qu'il reconnut comme étant l'un des siens devenu bien trop petit.
Les sourcils froncés, Drago se rendit à l'extérieur, réfléchissant à la situation. Il n'était pas stupide, et il était capable d'additionner les indices pour comprendre que ses parents avaient recueilli deux enfants battus. Il savait maintenant pourquoi tout le monde autour d'eux se montrait si doux et ça expliquait également le mutisme et la discrétion des garçons.
Il avait conscience qu'il verrait probablement d'autres signes prouvant qu'ils avaient vécu une vie malheureuse à mille lieues de son enfance dorée.

Drago soupira. Il allait leur donner une chance. Il ne les traiterait pas comme du cristal, mais il ferait le premier pas vers eux.  Son père et sa mère avaient suffisamment dit que tous les enfants étaient précieux, et il avait parfaitement intégré cette maxime.
Lorsque Harry et Charles arrivèrent, il marcha vers eux à grands pas. Il nota leur geste de recul et la tension dans leur corps, et son cœur se serra malgré lui. Cependant, il fit comme s'il n'avait rien vu et se posta devant eux, les mains sur les hanches.
- Vous avez déjà vu des licornes ?

Charles se plaça légèrement devant Harry, et Drago comprit à quel point ils se protégeaient mutuellement. Il attendit la réponse, un sourcil levé, parfaitement sérieux. Harry ouvrit de grands yeux stupéfaits.
- De vraies licornes ?
Drago leur offrit un clin d'œil malicieux et leur fit signe de le suivre. Après une hésitation, les jumeaux lui emboîtèrent le pas, méfiants encore, mais plus détendus qu'au début de la journée.

Dans le salon du Manoir, Narcissa regardait par la fenêtre et soupira de soulagement.
- J'avais peur de la réaction de Drago, mais... Il me rend fière de lui à cet instant. Finalement, peut être que ces gosses auront une chance de retrouver une vie normale et d'être heureux s'ils arrivent à se lier à d'autres enfants...

Prompt de demain : embranchement