Je suis ton ombre

Partie 63

Point de vue de Maëva

L'infirmière me tire le long du couloir en me reprochant de faire perdre un temps précieux à tout le monde, mais je suis trop sonnée pour l'écouter ou culpabiliser.

Ayana Je ne parviens toujours pas à croire qu'elle se soit finalement réveillée. Et qu'elle m'ait entendue ! Je ressentais bien une forme d'écoute de sa part mais jamais je n'aurais pu me douter qu'elle était effectivement attentive derrière ses paupières closes...

Nous arrivons à la porte de ma chambre. L'infirmière me pousse sans ménagement à l'intérieur et je me retrouve face à mon frère. Je m'apprête à lui raconter ce qu'il vient de se passer mais referme la bouche en voyant son air sérieux. J'en aurais presque oublié la situation dans laquelle je me suis fourrée.

Quelques secondes s'égrènent dans un profond silence.

-Le docteur n'était pas ravi de la façon dont tu lui as faussé compagnie, tente finalement de plaisanter Lucas.

-Qu'est-ce que tu veux ? je l'interromps dune voix tremblante en croisant les bras. Me faire changer d'avis ?

-Bien sûr que non, réplique-t-il, et je vois dans ses yeux que je l'ai blessé. Maëva, nous ne sommes pas en opposition. Tu n'es pas seule contre le reste du monde même si tu en as limpression. Ce n'est pas toi versus des méchants qui veulent te blesser davantage. Malgré leur maladresse, les gens autour de toi veulent t'aider – et moi le premier. Et avant tout je voudrais juste...comprendre.

Je soupire. Je sais bien au fond de moi qu'il a raison. Et surtout, les liens que j'ai tissés avec Ayana m'ont démontré qu'il était grand temps que je me décharge des certitudes qui pèsent sur ma conscience. Je dois la vérité à Lucas même si elle ne lui plaira pas.

Je vais m'assoir sur le lit à côté de lui et triture mes mains le temps de rassembler mon courage.

-J'ai besoin de garder cet enfant...je commence d'une voix mal assurée,...parce qu'il me rattache à Damien.

Je sens Lucas se crisper mes côtés alors j'enchaîne rapidement avant qu'il ne m'interrompe.

-Je sais que ça paraît incompréhensible mais d'une certaine façon il...il me manque. Il m'a arrachée à ma petite vie dadolescente lambda, et il ne suffit pas de me replonger là-dedans pour que tout redevienne comme avant. Je n'appartiens plus à cet univers-là. Ne pense pas que je fais preuve de mauvaise volonté et que je ne veux pas aller mieux, cest faux. Mais perdre cet enfant c'est comme me demander de rentrer dans un moule qui ne me correspond plus. Je ne pourrai pas guérir comme ça. Tout ce qui m'est arrivé fait partie de moi maintenant...C'est qui je suis, je ne veux pas l'effacer. Je ne saurais pas l'expliquer mais je sens que je dois construire sur ces expériences et non pas chercher à les enterrer.

Les yeux baissés, je retiens ma respiration en priant très fort pour que Lucas ne décide pas de m'envoyer en hôpital psychiatrique sur-le-champ. Un ange passe.

-Tu as conscience que cette grossesse risque d'être très difficile ? Et que rien ne garantit que tu arrives à son terme ? m'interroge enfin mon frère d'une voix douce mais ferme.

Je hoche lentement la tête en réprimant mes larmes avant de lever les yeux vers lui. Il me regarde d'un air un peu hagard et semble encore plus perdu que moi si cela est possible.

-Tu as raison, reprend-il doucement. Je ne te comprends pas. Je ne peux pas concevoir que tu ressentes autre chose que de la haine pour Damien. Mais qui suis-je pour te juger ou y changer quoi que ce soit ? La seule chose qui compte c'est que tu ailles mieux. Si tu veux garder cet enfant alors je serai là pour toi.