Partie 55

7.4K 434 41
                                    

Point de vue de Damien

               Je ferme tout doucement le placard en serrant contre moi le gâteau que je viens d'en sortir. Je me retourne et m'apprête à regagner ma chambre à pas de loup, tout fier de ma prise, mais la silhouette qui se tenait derrière moi me fait sursauter. Aussitôt, la frustration m'envahit : j'étais si près du but !

            La femme me surplombe, il est vrai que je suis assez petit pour mes sept ans. Elle s'agenouille. Je n'arrive pas à distinguer son visage nettement car il fait nuit noire, mais je devine qu'elle est très belle.

-Qu'est-ce que c'est que ça ? me demande-t-elle doucement.

-J'avais faim, je réponds, tout penaud. Tu vas me punir ?

              Un sourire vient éclairer ses joues roses.

-Non, ne t'inquiète pas.

             Je relâche mon souffle, soulagé.

-Et toi, pourquoi tu dors pas ?

-J'allais me balader, je n'arrive pas à dormir.

-Je peux venir avec toi ?

               Elle rit.

-Non, si tu veux devenir un grand garçon tu as besoin de sommeil, dit-elle avec tendresse en me caressant le visage.

                 Quelques secondes passent. Puis, un air joueur recouvre ses traits et elle se penche vers moi comme si elle allait me faire une confidence.

-Ce sera notre petit secret, d'accord ? chuchote-t-elle. Je ne t'ai pas vu, et tu ne m'as pas vue.

            Je secoue la tête avec enthousiasme. Pour une fois qu'on me traite comme un grand ! Elle se penche vers moi et m'embrasse sur le front avant de me serrer très fort dans ses bras au point de me faire mal. J'ai un mouvement de recul incontrôlé parce qu'elle ne fait jamais ça d'habitude, papa ne veut pas, mais c'est très agréable et je me laisse bien rapidement câliner.

-Prends soin de tes frères, glisse-t-elle dans mon cou. Sois un gentil garçon et tout ira bien. Je t'aime très fort.

              Je m'apprête à répondre mais la femme s'écarte de moi et son visage se dissout comme s'il tombait en poussière. J'essaye de le retenir mais il coule entre mes doigts comme du sable et je me mets à hurler

            Je me réveille en sursaut. Mon oreiller est couvert de sueur. J'attrape en vitesse le cahier que je laisse à côté de moi et me redresse pour y consigner les bribes qu'il me reste de mon rêve. Mais comme d'habitude, mes souvenirs s'étiolent à mesure que j'essaye de m'en rappeler, ne me laissant qu'une impression de déjà vu et de mal-être.

              Je prends ma tête entre mes mains. Dix-sept. Dix-sept jours que je suis ici et que je fais ce maudit rêve sans pouvoir comprendre sa signification et que je me réveille ainsi frustré. Seulement dix-sept jours, et pourtant la routine de la prison me tue déjà à petit feu.

                Je descends lentement l'échelle de mon lit. Jérémy est déjà levé et est devant le petit miroir de notre cellule en train de se désinfecter la joue. Je crois qu'il s'est fait battre de nouveau il y a quelques jours, mais il ne m'a rien dit. En réalité il ne m'a pas adressé la parole depuis mon arrivée même si je sens qu'il est moins tendu à mon approche. Nous sommes colocataires, rien de plus, exactement comme je le lui avais demandé.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant