Partie 53

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Point de vue de Damien

              L'incident avec la jeune policière me sort rapidement de la tête tandis que je suis emmené jusqu'à la prison. Arrivé à la porte, je m'arrête quelques secondes et lève la tête pour embraser du regard la vieille bâtisse grisâtre qui va être ma demeure pour l'année à venir. Le policier qui me tient me secoue légèrement le bras pour me faire signe d'avancer, et nous entrons dans l'édifice.

             L'intérieur est encore plus laid et déprimant que l'extérieur si cela est possible. Tous les murs sont délavés et les locaux sont très nettement mal entretenus. Toutefois, je n'ai pas le temps de m'attarder sur ces détails. Le policier m'enlève les menottes et me laisse avec deux gardiens à la mine patibulaire qui me remettent un balluchon contenant quelques affaires de toilettes et des draps ainsi qu'un uniforme que je passe rapidement. Mes anciennes affaires me sont retirées pour être mises dans un casier, et après une fouille intégrale j'accède finalement à l'intérieur du pénitentiaire aux côtés d'un des deux gardiens.

              Celui-ci me balade le long de couloirs encore assez déserts et me fait passer devant quelques cellules où les détenus qui viennent visiblement de se réveiller me regardent comme si j'étais un lion en cage. Au détour d'une allée, il finit par s'arrêter et me désigne d'un geste vague la cellule la plus éloignée :

-Voilà, ton nouveau chez-toi.

             Trois types se tiennent à l'entrée sans que je puisse voir ce qui les as attirés par ici. Je m'approche en soupirant. Si je pouvais éviter de me faire des ennemis avant même d'être installé, cela m'arrangerait. Heureusement, je m'aperçois rapidement que ce n'est pas moi qui les intéresse.

            Ils encerclent un rouquin particulièrement jeune -aux alentours de l'âge de Maëva de ce que je peux voir- et qui semble terrifié. Ils l'ont probablement acculé là à l'abri des regards, si bien qu'il s'est retrouvé sans défense et hors de vue des gardiens. Je m'avance en maudissant intérieurement mon manque de chance.

            Lorsque j'arrive au seuil de la cellule, les trois gaillards se retournent. Deux d'entre eux interrogent silencieusement le troisième plus petit qui semble être le chef et qui me fixe méchamment. Je ne détourne pas le regard et il finit par faire un signe de menton à ses acolytes avant de s'en aller. Le jeune encore un peu secoué se redresse du mieux qu'il peut et bafouille :

-M...Merci...

-Bouge, je rétorque. Je ne suis pas là pour venir en aide à la veuve et l'orphelin.

             Je m'attends à ce qu'il file sans demander son reste, mais il se contente de se décaler le plus possible pour me laisser passer. Je le fixe d'un air interrogateur, surpris qu'il adopte une attitude de défi après ce qu'il vient de se passer, mais il éclaire rapidement ma lanterne :

-Je...C'est ma cellule aussi, bredouille-t-il.

-C'est pas vrai, je grommelle avant de m'avancer dans la pièce où je vais passer mes 365 prochains jours.

            Il y a en réalité peu de choses à voir. Deux lits superposés dont celui du haut inoccupé, des WC, un pauvre lavabo, quelques étagères constituent l'ensemble du mobilier. Et ces éternels murs gris qui n'ont pas fini de me foutre le cafard. Je ressens un pincement au cur en réalisant que l'année à venir va sûrement être plus compliquée que ce à quoi je m'attendais, surtout que je commence déjà à ressentir la solitude et le manque de repères.

-J'ai pris la couchette du bas, mais c'est parce que j'étais tout seul. Mais maintenant... enfin, ce que je veux dire c'est que je peux vous la laisser si vous voulez. Ou pas ? Parce que ça dépend des gens, il y en a qui préfèrent...

-Comment t'appelles-tu ? j'interromps mon nouveau colocataire en me retournant vivement.

-J...Jérémy.

-Eh bien, Jérémy, nous allons mettre les choses au clair maintenant pour éviter tout malentendu. Je ne suis pas ton ami. Ni ta mère. Ni ton ennemi, à part si tu me cherches. Alors ce que je veux avant tout, c'est que tu me foutes la paix. Et pour répondre à ta question, tu peux garder ton lit. Est-ce que c'est clair ?

           Il hoche la tête d'un air apeuré avant de se détourner de moi. Je monte mes draps sur le matelas supérieur et fais mon lit hargneusement avant de m'allonger dessus, essoufflé. Je suis d'une humeur massacrante. Le sentiment d'appréhension qui écrase ma poitrine me donne l'impression d'être redevenu un enfant effrayé, et je déteste ça. Pour la première fois depuis que je la connais, je me surprends à souhaiter que Maëva vienne me réconforter. Je presse mes paupières en grognant. Je ne peux pas me laisser aller à de telles pensées, c'est à cause d'elle si je suis ici ! Que penserait-elle de moi si elle me voyait dans cet état de faiblesse ? De mon autorité ? Non, je ne peux pas vouloir qu'elle me console. Et pourtant...
                                       ***
                                                                                               
             La journée s'écoule avec une lenteur infernale. Décidément, il va falloir que je me fasse à l'ennui. Je m'assois seul à la cantine le midi. Je vois bien Jérémy qui hésite à se joindre à moi mais je l'ignore et il finit finalement par tourner les talons. Seule bonne nouvelle de la matinée, j'aperçois l'homme que j'ai demandé à mon avocat de débaucher en tenue de gardien. Mais je ne peux pas aller lui parler comme ça, et je dois ronger mon frein avant de trouver l'occasion adéquate pour aller lui parler.

                 Heureusement, celle-ci se présente quelques heures plus tard alors que j'ai enfin la possibilité d'aller me dégourdir les jambes dans la cour qu'il surveille. Pendant que les autres marchent ou commencent un jeu de ballon, je m'approche de lui et m'appuie dos au mur à ses côtés.

-David, je murmure.

-Damien.

-Tu as fait vite, je te remercie.

-Ton avocat a été assez...convaincant, ricane-t-il.

          Je lâche un sourire. Je connais David depuis des années, et j'étais certain qu'il ne résisterait pas aux sirènes d'une belle somme d'argent.

-Alors, poursuit-il à voix basse en se tournant vers moi, pourquoi tu tenais à ce que je sois là ? Tu comptes t'échapper ?

-Pas maintenant.

-Et tu penses sincèrement que ta belle va t'attendre tout ce temps ?

-Elle n'aura pas le choix, je crache entre mes dents serrées.

-Vraiment ?

           Je me tourne vers David et constate qu'il me regarde d'un air préoccupé. Je relâche mes épaules et souffle un coup avant de répondre.

-Cest ce qu'elle doit croire. Tant qu'elle pense que sa famille est en danger, elle m'obéira.

-Eh bien, je ne t'ai jamais vu comme ça, soupire mon compagnon. J'espère qu'elle en vaut la peine au moins.

-Tu n'as pas idée, je murmure tandis que mon esprit se met à voguer vers elle.

-En tout cas, tiens-moi au courant si je peux faire quelque chose.

                Je hoche distraitement la tête alors que David s'éloigne. Jamais je ne me suis senti si perdu de ma vie. Une seule chose est certaine : je deviendrais fou sans Maëva, je deviendrais fou...

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Hello tout le monde !

Je reviens ennnnfiiiinnnn avec un chapitre tout frais ! Désolée pour l'absence, normalement ça ne devrait pas se reproduire. En tout cas merci pour vos petits mots ça m'a vraiment beaucoup touchée <3

Je vous souhaite une bonne lecture et à bientôt pour la suite !

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant