Partie 39

10.2K 519 34
                                    

Point de vue de Maëva

              Jour J. Deux mots, cinq lettres qui ne me laissent aucun repos. Ils rebondissent dans ma tête depuis ce matin, chassant toutes les autres pensées. Jour J. Lorsque je ferme les yeux, ils s'impriment sur ma rétine. Je ne suis pas triste, ni énervée. Je n'ai même pas peur. Je me sens juste vide. Morte à l'intérieur.

           Après être sortis du magasin de robes hier, Charlotte a adopté exactement la même attitude qu'avant d'y être entrée. J'ai essayé de faire de même, mais son annonce choc pesait sur ma loquacité. Une fois rentrés, j'ai prétexté une grande fatigue pour pouvoir me coucher rapidement. Damien me l'a concédé et m'a rapidement expliqué le déroulé de la journée avant de me laisser. La cérémonie se déroulera en soirée, dans un petit village à proximité dont il connaît le maire. Je ne le verrai pas de la journée avant ce moment. Durant celle-ci, la maison sera préparée pour accueillir la réception nocturne. Les invités, essentiellement des membres de sa famille ou des compagnons d'affaires, me sont tous inconnus et partiront à l'aube. Je lui ai demandé qui m'accompagnerait jusqu'à l'autel. À ma grande surprise, il m'a répondu que ce serait Alex. « Pour le symbole, m'a-t-il expliqué, je veux que ce soit lui qui te conduise à l'endroit où tu prononceras les mots qui te feront mienne pour toujours ». Je me suis contentée d'hocher docilement la tête. Il sera bientôt libre, courage.

              J'ai avalé un somnifère et dormi. Je me suis réveillé seule. Je me suis levée comme un zombie et me suis habillée. J'ai attendu. Vide. Les heures passaient lentement. J'ai mangé, et attendu de nouveau. En milieu d'après-midi, Chloé est venu me chercher. Je l'ai suivie jusqu'à la voiture aux vitres teintées qui nous attendait dans l'allée. Je suis montée. Le chauffeur a démarré. Nous avons roulé jusqu'à atteindre la salle des fêtes du village où j'allais me perdre volontairement. On m'a conduite jusqu'à une pièce située à l'arrière. On m'a habillée, coiffée et maquillée pendant une durée interminable. Quelqu'un m'a conseillé de ne pas pleurer pour ne pas ruiner mon maquillage. Puis on m'a laissé seule de nouveau.

           J'attends depuis au moins une heure. Je ne suis séparée que d'un mur de la salle de fête, si bien que j'entends le brouhaha que font les invités lorsqu'ils arrivent enfin. Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvre. Alex apparaît dans l'embrasure. Je le regarde sans le voir. Il a mis un costume qui lui va à merveille, et son visage est presqu'entièrement guéri. Il me fait un petit sourire triste.

-Il est l'heure d'y aller.

           Je me lève et m'approche de lui tel un automate. Son air triste s'accentue. J'ai l'impression de lui devoir des excuses, alors j'ouvre la bouche pour les lui présenter mais les mots refusent de sortir. Il semble comprendre mon silence et une expression bienveillante couvre son visage. Il me prend délicatement le bras et me conduit jusqu'à la porte de la salle des fêtes qui est close. Les invités sont silencieux désormais. La musique commence. Les portes s'ouvrent lentement.

-Fais confiance à Charlotte, me glisse précipitamment Alex à l'oreille.

             L'information parvient difficilement à mon cerveau embrumé, mais il est trop tard pour y réfléchir. J'avance le long de l'allée en prenant garde à ne pas tomber. Les regards de dizaines de personnes m'accompagnent, mais je n'y prête pas attention. Rien n'a d'importance.

          J'arrive sans encombre jusqu'à Damien qui se résume à une silhouette à mes yeux. L'étreinte sur mon avant-bras disparaît, la musique s'arrête. La voix du maire s'élève mais je ne l'écoute pas. Les phrases s'enchaînent sans qu'elles aient de sens. Je perçois quelques mots tels que respect, fidélité, amour...mais ils ne veulent rien dire. La voix me berce. Mes yeux hagards se posent sur le buste du maire. Sa cravate est de travers. Je fronce les sourcils. Pourquoi n'a-t-il pas pris le temps de se regarder dans un miroir pour voir si elle était bien mise avant de venir ? Je pourrais la lui remettre correctement, cela ne prendrait que quelques secondes. Oh et puis zut. De toute façon, j'ai toujours préféré les nœuds papillons aux cravates...

-Mademoiselle ?

-Pardon ? je bredouille.

            Il m'adresse un sourire paternel.

-Voulez-vous prendre Monsieur pour époux ?

            Sa question me tire soudainement de ma torpeur. Je me tourne vers Damien et l'observe pour la première fois depuis que je suis entrée. Il est magnifique dans son costume. Il me regarde comme si j'étais là plus belle chose au monde, ce qui soudainement me met mal à l'aise. Tout le monde peut le voir me dévisager de cette manière. Tout le monde...

              Je me retourne lentement. La salle est pleine à craquer d'inconnus qui me regardent fixement et qui -je le comprends avec une lucidité percutante- n'attendent de moi qu'une chose : que j'accepte de prendre mon ravisseur pour époux. Une assemblée de vautours prêts à se jeter sur moi et à me déchiqueter si je déçois leurs espérances.  Mes jambes se mettent à trembler. Je n'en serai jamais capable. Je ne veux qu'une chose, quitter cet endroit et ne jamais y revenir.

              Soudain, mon regard croise celui d'Alex au premier rang. Il me fixe tendrement et m'adresse un signe de tête encourageant. Je ne peux pas le laisser tomber. Après tout, c'est de ma faute s'il est dans cette situation, il est de mon devoir de l'en sortir. Cette pensée me donne le courage nécessaire pour me tourner vers le maire et énoncer à mi-voix :

-Oui, je le veux.

            Les alliances sont amenées par Thomas et Charlotte. Damien prend la mienne puis saisit ma main pour me la passer. Ce n'est que lorsqu'il force mes doigts à se déplier que je réalise à quel point je suis crispée. Je lui enfile ensuite rapidement la sienne en tremblant.

-Vous pouvez embrasser la mariée ! s'écrie le maire, visiblement aux anges.

         Celui qui est désormais mon époux et que j'avais évité de regarder en face jusque-là glisse un doigt sous mon menton pour me forcer à lever la tête vers lui. Ses yeux verts plongent dans les miens et me paralysent. J'y lis de l'amour, mais surtout une lueur victorieuse qui me donne envie de prendre mes jambes à mon cou.

-Corps et âme, murmure-t-il en référence à la promesse qu'il m'a faite à mon arrivée dans sa maison.

        Puis il passe son autre main sur ma nuque et m'attire à lui pour m'embrasser avec assurance, scellant ainsi nos destins pour toujours.
________________________________
Bonjour tout le monde !
J'espère que vous avez passé de bonnes fêtes, je vous souhaite à tous un joyeux Noël avec un peu de retard !!
Gros bisouxxxx à tous <3

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant