Partie 2

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Point de vue de Maëva

J'ai la tête lourde. Je suis allongée dans ce qui me semble être mon lit, mais je n'ai aucun souvenir de la fin de ma soirée. J'essaye de me concentrer. Les dernières choses dont je me souviens sont la musique, moi sortant de la maison, ma conversation avec Lucas au téléphone, la voix de ma Ben qui me parle, puis le vide. Attendez une seconde. Je ne suis pas dans ma chambre.

Mes yeux sont toujours fermés, mais je commence à prendre conscience de ce qui se passe autour de moi. J'ai l'impression de tanguer, comme si j'étais dans une voiture ? J'entends également des voix d'hommes mais je ne saisis pas leurs paroles. La panique commence à me gagner alors que je me concentre sur mon corps. Je sens quelque chose sur ma bouche qui m'empêche de respirer correctement. Mes poignets sont ramenés dans mon dos. J'essaye de les remuer mais ils sont attachés fermement par ce qui me semble être une corde. Mon cœur commence à accélérer et mon souffle s'alourdit alors que je réalise que je suis en train de me faire enlever. Néanmoins, mon instinct me souffle de rester tranquille. Mes ravisseurs sont probablement dangereux, et il est tout à mon avantage de les laisser penser que je suis encore inconsciente.

La curiosité me pousse toutefois à soulever avec prudence une paupière. Il fait nuit noire maintenant. Je suis effectivement allongée sur la banquette arrière d'une voiture. A l'avant, je perçois deux hommes mais il fait trop sombre pour que je distingue leurs visages. Ils sont silencieux depuis un moment. Il me semble que nous roulons vite, mais de là où je me situe je ne peux pas voir de panneaux et je n'ai aucune idée de combien de temps j'ai été inconsciente, je n'ai donc aucun indice de l'endroit où je suis.

Je referme les yeux avant que l'on remarque que je suis éveillée et m'efforce de contrôler la peur qui m'envahit lentement. Je dois réfléchir. Que ferait Lucas à ma place ? Je déplace mes poignets le plus discrètement possible et les passe dans la poche de mon short. Mon couteau est encore là ! Je mets plusieurs minutes simplement à le sortir et à le placer entre mes deux mains, lame contre la corde. Puis je me mets à la limer, lentement, en m'efforçant de rester au même endroit. Je me coupe plusieurs fois au cours du processus, mais c'est bien le cadet de mes soucis.

La voix d'un des deux hommes me fait sursauter. Je me fige immédiatement et me concentre sur ce qu'il dit pour glaner la moindre information susceptible de m'aider.

-Combien déjà ?

-Deux mille, répond l'autre.

-Putain, on en aurait pu en avoir le double facile au marché noir.

-Possible. Mais pas envie d'énerver le boss.

Du mouvement côté passager. Je devine que l'homme s'est retournée pour m'observer lorsqu'il reprend la parole.

-Bordel, il lui a injecté quelle quantité pour qu'elle pionce comme ça ?

-En même temps t'as vu sa carrure ? Normal qu'elle soit assommée, ricane son acolyte.

Un temps de silence.

-Cest vrai qu'elle est bien foutue. Tu m'étonnes que le boss la veuille que pour lui.

-Tu déconnes ou quoi, elle est trop bien gaulée ! En plus elle est mineure ! Il se met bien...

Je sers les dents en entendant ces propos. Pour qui se prennent-ils à me juger comme ça ? Je raffermis ma prise sur le couteau. Hors de question que je me laisse faire. S'ils pensent que je vais tranquillement me laisser emmener chez ce « boss », ils se trompent lourdement. Profitant du fait qu'ils soient concentrés sur leur discussion, je continue à couper la corde. Soudain, un téléphone sonne.

-Ah, en parlant du loup, dit l'un des deux hommes. Allo ? Oui...non..non, aucun souci. Il l'a endormie et il l'a amenée comme prévu. Elle dort encore. Oui...quoi ? Non, on a fait gaffe, personne a rien vu. Le frangin non plus. Euh...dans quinze minutes je dirais. Ouais, quinze minutes. A tout à l'heure.

Le silence retombe dans la voiture. Après quelques efforts, je parviens enfin à libérer mes poignets et un sentiment de victoire vient repousser légèrement la peur qui m'habite. Il ne me reste plus qu'à attendre la bonne occasion pour attaquer. Je replace la corde de telle sorte qu'on ne puisse pas voir qu'elle est tranchée et place le couteau entre mes deux paumes serrées. Puis j'attends.

Au bout de quelques minutes, la voiture prend un virage et s'arrête quelques instants plus tard. J'entends les deux hommes détacher leurs ceintures et sortir. Puis la portière près de ma tête s'ouvre et je suis violement tirée hors du véhicule et jetée sur l'épaule d'un deux. En se retournant pour refermer la porte, ma tête heurte la voiture et je ne peux retenir un gémissement de douleur. L'homme m'entend.

-La Belle au Bois Dormant est réveillée à ce que je vois ! Parfait, tu vas pouvoir marcher comme une grande.

Et il me lâche. Je m'écroule lourdement au sol. J'ouvre enfin mes yeux et lui lance mon plus beau regard noir, mais il a pour seul effet de le faire rire.

-Allez, debout poulette.

Je me redresse difficilement et tente de m'échapper mais il me saisit durement par l'épaule et m'immobilise sans difficultés. L'autre qui s'était éloigné revient vers nous, alerté par le bruit.

-Putain, mais qu'est-ce que tu fous ? crie-t-il à son partenaire en voyant que du sang coule de ma tempe. On était pas censés la toucher !

-On s'en fout, on dira qu'elle a essayé de se barrer.

L'autre ne répond rien. Je sers le couteau entre mes mains. Je blesserais bien celui qui me tient, mais tant que l'autre est dans le coin je n'ai aucune chance, je serais trop rapidement maîtrisée. Je suis en train de réfléchir à un moyen de les séparer lorsqu'une voiture noire arrive et se gare juste à côté de nous. Un homme sort et s'avance. A l'aura charismatique qu'il dégage, je devine immédiatement qu'il s'agit du « boss » dont parlaient les deux hommes tout à l'heure. Et de celui qui est censé m'embarquer, accessoirement. Il s'arrête devant nous.

-Bonsoir.

Les deux hommes grommellent une réponse. Le « boss » tend une enveloppe à celui qui ne me tient pas.

-Pour le déplacement.

Puis il vient se placer devant moi. L'obscurité m'empêche de le percevoir clairement, mais je vois très bien son sourire éclatant. Il me fixe pendant quelques secondes qui semblent durer des heures, et je soutiens son regard.

-Vous avez vérifié qu'elle n'est pas armée ? demande-t-il, toujours en souriant, son regard plongé dans le mien.

Mince, comment le sait-il ? L'adrénaline monte lentement dans mon corps. Les deux hommes marmonnent quelque chose d'incompréhensible. Cest maintenant ou jamais. En moins de deux secondes, j'ai séparé mes poignets, je me suis dégagée de l'étreinte de celui qui me retenait et je lui ai enfoncé le couteau dans le ventre. J'entends l'autre crier. Je n'ai même pas le temps de dégager l'arme que le « boss » ma tiré en arrière. Pour la deuxième fois dans la même soirée je sens une aiguille s'enfoncer dans mon cou tandis qu'il me chuchote à l'oreille :

-Tout doux, tigresse...

Puis le noir.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant