Partie 25

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Point de vue de Maëva

            Je suis réveillée par la lumière qui entre à flots dans la chambre. Je regarde la pendule. 8h34. Parfait. Je file me préparer. Je prends une douche, puis essaye tous les parfums à ma disposition jusqu'à trouver celui que je veux, un parfum très frais. J'enfile une chemise de nuit blanche qui tombe jusqu'au sol. Elle me colle au corps sans être provocante. Elle a beau être très simple, je la trouve magnifique. Je me maquille très légèrement. Au bout de quelques minutes, je m'observe dans la glace pour voir le résultat.

La robe me va parfaitement. Elle me donne un air de martyre romaine, air qui est renforcé par le contraste entre ma peau pâle et mes cheveux sombres. Mes yeux légèrement rougis et cernés me donnent l'air plus jeune. Ajoutez mes lèvres et mes joues rosées au tableau et le tour est joué. C'est exactement comme ça que je veux qu'il me voie. Comme l'adolescente innocente qui a été arrachée à sa vie et qui ne mérite pas le cauchemar qu'elle vit depuis quelques semaines.

Satisfaite du résultat, je vais m'assoir sur le canapé, le dos droit, les mains croisées sur mes genoux, la tête baissée. Et je l'attends.

Quelques minutes plus tard, il entre. Je reste immobile. Il reste un long moment sur le seuil, puis vient poser le petit-déjeuner en face de moi et prend place à mes côtés en silence. Un ange passe. Il finit par prendre la parole, toujours d'une voix douce.

-Je vous assure que je préfèrerais ne pas avoir recours...

-Vous n'en aurez pas besoin, je le coupe doucement, le visage toujours baissé.

        Puis, lentement, je tends ma main tremblante vers le plateau pour le tirer vers moi. J'attrape le verre de jus de fruit et le porte à mes lèvres en me concentrant pour ne rien renverser, puis je le vide à moitié. C'est plus dur que ce que je pensais. J'ai beau savoir que c'est un passage obligé, provisoire, je ne peux m'empêcher de vivre ce moment comme un échec cuisant. Je sens les larmes me monter aux yeux et la colère m'envahir alors que je grignote une tartine. Calme-toi, ne gâche pas tout maintenant...Mais même en sachant que ce n'est pas judicieux, c'est plus fort que moi, j'ai toujours été trop impétueuse. La pression dans ma poitrine grandit encore et encore. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assise sur ce canapé. La haine m'envahit, haine contre tout et tout le monde mais en ce moment elle est concentrée sur cet homme à côté de moi qui n'a pas lâché un mot depuis tout à l'heure et qui m'observe, un bon petit toutou qui se contente d'appliquer les ordres sans avoir l'intelligence de questionner leur moralité...

           Je fais valser le plateau qui s'écrase sur le sol dans un fracas assourdissant. Je me suis levée sans m'en rendre compte. Je me retourne vers lui. Il n'a pas bougé et me regarde avec un air interrogatif, ce qui ne fait qu'attiser ma rage.

-Vous savez ce que vous faites là ?! Pourquoi vous jouez la femme de chambre ?! Ou bien vous vous contentez d'appliquer sans vous questionner parce que vous n'avez ni le courage ni l'intelligence de le faire ?!

-Je...

-Taisez-vous !

             Il s'était levé et approché de moi mais il s'arrête net. Je me prends la tête entre les mains et m'efforce de respirer fortement pour ne pas vriller totalement. Lorsque je me sens plus apaisée, je fixe mon regard droit dans le sien avant de reprendre d'une voix froide.

-J'ai 18 ans. Oui, vous avez bien entendu. L'homme pour qui vous travaillez m'a enlevée, enfermée de force. Il m'a violée. J'avais une famille, des amis, de bons résultats scolaires, des projets. J'étais heureuse...Et voilà où je suis. Il m'a tout enlevé. Et vous, vous êtes complice de ce qui se passe ici. Vous me dégoûtez. Allez-vous-en.

J'ai débité ces quelques phrases sans reprendre ma respiration et quand je m'arrête j'ai le souffle court. Il n'a pas détourné le regard de toute ma petite tirade, me fixant intensément. Il s'apprête à dire quelque chose puis se ravise et à ma grande surprise part sans se retourner.

Et moi je reste plantée là comme une idiote. Toute ma colère m'a quittée et je me sens vide. Non, vide n'est pas le mot. Au fur et à mesure que je reprends mes esprits, je m'aperçois que je me sens légère, cette peur qui est omniprésente depuis mon arrivée ici m'a enfin quittée. Mettre des mots sur ce qui m'est arrivé m'a donné une force nouvelle. Je sais maintenant que je serai capable de lui tenir tête, parce que je sais que quoi qu'il arrive, quoi qu'il me fasse, je suis droite dans mes bottes. Je me sens terriblement puissante tout à coup. Je ne laisserai pas Damien gagner. Je vais me battre, et je sortirai d'ici, quand bien même je dois le tuer pour ça.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant