Point de vue de Maëva
-Allez vous faire foutre, je souffle, le cœur battant à tout rompre.
Il soupire.
Puis tout se passe si vite que j'ai à peine le temps de réagir. En quelques secondes il m'a arraché mon magasine des mains, a posé son genou en travers de mes jambes pour me maintenir assise, m'a penchée en avant et m'a attaché les poignets dans le dos avec un bout de corde. Je gesticule dans tous les sens mais il m'a prise par surprise et malgré tous mes efforts je suis rapidement immobilisée. Je sais ce qui va suivre et ça ne me plait pas, mais alors pas du tout. Alors qu'il se penche et rapproche le plateau de façon à pouvoir l'atteindre facilement, je profite du peu de liberté de mouvement que j'ai pour me débattre avec plus de force compte tenue de la faible énergie qu'il me reste. J'arrive à lui mettre un coup de genou dans le ventre mais il semble insensible à la douleur. Je l'insulte, aucune réaction. Il se penche de nouveau sur moi, m'écrasant de tout son poids. J'essaye de me débattre comme je peux mais rien à faire. Il place alors sa main autour ma gorge et commence à serrer. Au bout de quelques secondes, je suis obligée d'ouvrir la bouche pour respirer. Il en profite pour m'y enfoncer une cuillère, puis il pousse mon menton de telle sorte que ma tête part en arrière et, de sa main libre, me bouche le nez, si bien que je suis contrainte à avaler. Puis il recommence l'opération. J'ai beau lutter de mon mieux, je suis totalement soumise à sa poigne de fer, et ni mes gestes ni mes cris ne sont d'aucune utilité. Quand il estime que j'ai assez mangé, il attrape la bouteille d'eau posée sur le plateau et l'approche de mes lèvres. Je me débats de plus belle, mais il me maintient de nouveau le visage en arrière et enfonce le goulot dans ma bouche, puis me bouche le nez. Je balance ma tête dans tous les sens pour échapper à sa prise mais il me tient fermement et la douleur irradie dans mon visage. Je crache, j'étouffe, j'ai l'impression de me noyer, ma vision est brouillée par les larmes qui envahissent mes yeux. La pulsion de vie qui habite tout corps humain me force finalement à coopérer. Au bout de quelques minutes de torture, j'ai vidé la bouteille aux trois quarts. Il se relève alors, détache mes poignets et s'en va rapidement.
Je reste assise là où il m'a laissée, tremblante, sans force. Puis je me roule en boule et pleure toutes les larmes de mon corps. Je ne me suis jamais sentie aussi humiliée de ma vie. Je ne sais pas combien de temps je reste comme ça. Les images de mon échec tournent en boucle dans ma tête. Je suis condamnée à rester ici pour toujours, sans aucun espoir de sortie. Je ne peux même pas me tourner vers la mort comme moyen de délivrance, Damien a tout prévu pour me maintenir en vie aussi longtemps qu'il lui plaira de jouer avec moi. Le sentiment d'impuissance me ronge. Je ressasse ces pensées jusqu'à avoir épuisé mon stock de larmes puis je m'endors, éreintée.
***
Je me réveille en sursaut. Il fait beaucoup plus sombre dehors, je dois avoir dormi plusieurs heures. L'angoisse me serre immédiatement le ventre. Je n'ai aucun doute sur le fait que le jeune homme de ce midi va revenir, et la pensée de ce futur face-à-face me terrifie. Je me force à me calmer, à considérer mes options. A bien y réfléchir, il n'avait pas l'air si méchant. Peut-être que si je suscite sa pitié il me laissera tranquille ? Je me lève et fais les cent pas, essayant de trouver un plan plus solide, mais la peur qui me tord les boyaux m'empêche de réfléchir. J'ai l'impression que le temps passe beaucoup plus vite maintenant que je voudrais qu'il se fige.
Vers 19h15, j'éteins toutes les lumières et vais me coucher. Avec un peu de chance, s'il voit que je dors il me laissera tranquille pour ce soir. Quelques minutes plus tard, j'entends la porte s'ouvrir. Je ferme les paupières et m'efforce de ne plus bouger. Je l'entends poser son plateau et rentrer dans la chambre. Il reste immobile quelques instants, ce qui me laisse espérer qu'il va s'en aller. Je me trompe. Il se rapproche de moi, allume la lampe de chevet et me secoue doucement l'épaule.
-Mademoiselle ?
J'entrouvre les paupières. Il est agenouillé à mon chevet.
-Je vous apporte le dîner.
Il parle doucement, comme s'il voulait me rassurer. Il m'apparait très séduisant dans la pénombre, avec des lèvres pleines, des yeux clairs et des cheveux bruns en bataille. Je retiens mes larmes.
-Je vous remercie, mais je ne me sens pas très bien. Je pense que je vais passer mon tour ce soir, je réponds en m'efforçant de contrôler les tremblements de ma voix.
-Voulez-vous que je vous apporte des médicaments ?
-Non merci, j'ai juste besoin de repos.
Ce dialogue ressemble mot pour mot à celui que j'ai eu avec Chloé quelques jours plus tôt. Peut-être qu'il connaitra le même dénouement et qu'il va s'en aller ?
-Ecoutez, je suis désolé d'insister mais il faut que vous mangiez, au moins un peu, ensuite je vous laisse tranquille, promis, me dit-il, conciliant.
-S'il-vous-plait...je murmure alors que les larmes coulent sur mes joues. Il semble désolé tout à coup. Lorsqu'il reprend la parole, c'est sur un ton presque suppliant.
-Je vous assure que ce serait plus simple pour vous si vous y mettiez du vôtre.
-Vous ne comprenez pas, je sanglote.
Il baisse la tête. Lorsqu'il la relève, son regard est lointain. Il pousse un petit soupir et se lève. Avant que j'aie le temps de réagir, il a soulevé le drap qui me recouvrait, m'a pris dans ses bras et me traîne vers le salon. Je hurle, et me débats comme un beau diable mais il est bien plus fort et bien plus grand que moi, ce qui rend inutiles tous mes efforts. Il me place sur le canapé et m'attache les poignets dans le dos. Les larmes coulent franchement maintenant. J'essaye de lui parler, de la raisonner, mais il est insensible à mes supplications. Je revis exactement la même scène que quelques heures auparavant.
Lorsqu'il s'en va, j'ai les muscles qui brûlent et la gorge asséchée par mes cris et mes pleurs. Toutefois, je ne suis pas aussi abattue que ce midi. Quatre jours sont amplement suffisants, il faut juste que je trouve un moyen de me débarrasser de lui, et rapidement. La tache m'aurait semblée impossible s'il avait été un vieux criminel insensible et sans scrupules, mais cela me semble loin d'être le cas. De ce que j'ai vu, il est un minimum touché par ma situation, même s'il a pour devoir d'appliquer les ordres qu'il a reçus. Je mettrais ma main à couper qu'il n'approuve pas les méthodes employées. Peut-être qu'il ne sait même pas ce que j'ai subi. Par ailleurs, la proximité de nos âges est un avantage considérable. Un plan prend forme dans ma tête. Une fois que tous les détails sont rodés, je me fais couler un bain brûlant et m'autorise un long moment de détente avant d'aller me coucher.

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Je suis ton ombre
Romance-Je n'appartiens à personne, espèce de taré ! -Pour l'instant peut-être. Mais tu verras que tu finiras par être entièrement à moi. Corps et âme...susurre-t-il. Vois-tu, je trouve ça terriblement excitant de savoir que tu ne veux pas de moi mais que...