Partie 60

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Point de vue de Maëva

-Regarde Perle, dis-je en tendant la feuille comme si elle pouvait la voir à travers ses paupières baissées.

Perle, c'est le surnom que j'ai donné à ma nouvelle amie toujours endormie. Cela semble très enfantin mais après tout je ne connais pas son nom. Et puis, cela lui va bien. Ses cheveux, ses traits fins, tout en elle me fait penser à quelque chose de précieux. De plus, sans même que je m'y attende, je me suis attachée à elle. Cest devenue ma confidente, celle à qui je raconte ma vie, mes peurs mes doutes. Elle au moins ne me juge pas. Je n'ai pas droit à ses regards courroucés ni à des réprimandes. Rien qu'à un silence que je sens compatissant. Et cest tout ce que je demande.

-Tu vois, là, cest ses jambes et ses bras..., je murmure dune voix émue.

Il y a quelques heures à peine j'ai passé ma première échographie. Elle intervient tout juste au bout d'un trimestre de grossesse et vient clôturer mes examens médicaux.

-...et ici, c'est son cur. Il est minuscule, c'est incroyable ! C'est tellement beau...

Une main posée religieusement sur le ventre, je souris comme une idiote devant l'échographie. Puis mon regard se pose sur un détail de la photo, et je redeviens triste.

***

-Qu'est-ce que c'est ce point noir, ici ? je demande en pointant une tache sur lécran.

-Oh ça...c'est la raison pour laquelle vous faites ces examens, me répond la sage-femme.

-C'est-à-dire ? intervient Lucas.

-Nous pensons qu'il pourrait s'agir d'une anomalie génétique. Ce n'est encore qu'une probabilité mais cela compliquerait considérablement la grossesse.

Ma bulle d'inconscience éclate sur-le-champ. Il est hors de question que quoi que ce soit arrive à cet enfant. Je ne le supporterais tout simplement pas, il est la seule chose qui m'empêche de sombrer dans la dépression. Et je l'aime. Ces cellules qui se développent en moi depuis quelques semaines à peine, pour une raison qui m'échappe totalement, je les aime plus que tout au monde. Je ne renoncerai jamais à cet enfant.

-Quand vous parlez de complications, que voulez-vous dire exactement ? poursuit mon frère.

-Eh bien, cela dépend vraiment des résultats de nos analyses, mais cela pourrait aller jusquà une mise à terme de la grossesse dans le pire des scénarios.

-Quand aurons-nous ces résultats ?

-Je dirais entre deux et trois semaines. En attendant nous allons commercer un léger traitement préventif

***

Je cligne des yeux pour chasser les larmes qui montent.

-Je crois que je suis folle, je confesse. Je n'arrive pas à aller mieux. Je lui ai promis que je prendrais soin de son enfant mais même ça je suis incapable de le faire. Je me sens si vide, si seule...Et le pire cest que je sais pourquoi...

Les larmes se mettent à couler sur mes joues.

-...Damien me manque.

Sans que je puisse expliquer pourquoi, je me sens mieux dès que la phrase a franchi mes lèvres. Comme si on m'enlevait un poids de la poitrine. Je n'avais encore jamais mis de mots sur cette réalité alors que c'est la source du problème, il ne sert plus à rien de le nier maintenant. Je ne sais pas quand ni comment j'ai pu développer des sentiments pour Damien, ce qui est sûr cest que le savoir loin me fait mal.

-C'est à ça que ressemble un chagrin d'amour alors ? j'interroge Perle une fois ma crise passée. Et moi qui trouvais que mes amis en faisaient des tonnes quand ils rompaient. Ça mapprendra.

Je laisse quelques secondes s'écouler puis me tourne vers elle.

-Il va falloir te réveiller à un moment tu sais ? je lui dis doucement. Il y a de belles choses qui t'attendent là dehors. Et puis...j'aimerais beaucoup te rencontrer, Perle.

Point de vue de Damien

J'ai la tête lourde, je la sens tomber en avant...je me redresse dans un sursaut. Ne t'endors pas ! Dès que je ferme les paupières, les cauchemars m'assaillent. Je n'ai trouvé qu'une seule solution pour les éviter : dormir le moins possible. Mais il est vrai qu'au bout de trois jours, cela devient laborieux...Le seul avantage à cette situation est qu'elle mempêche de penser à Maëva ainsi qu'à ce que m'a dit David -et à la part manifeste de vérité dans ses propos.

Assis directement au sol dos au mur, je ne peux empêcher mes yeux de se fermer encore une fois.

-Tu devrais dormir.

Je suis debout en moins de temps qu'il nen faut pour le dire. Exactement dans la même position que celle dans laquelle j'étais il y a quelques secondes se trouve la petite policière blonde qui m'a emmené jusquà la prison, sauf qu'elle porte cette fois-ci une tenue de gardienne.

-Depuis quand es-tu là ? je lui demande, adoptant moi aussi le tutoiement.

-Tu sais que tu ne pourras pas rester éternellement éveillé, riposte-t-elle en me regardant droit dans les yeux.

Sa présence me déconcerte. Je ne l'ai pas entendue entrer dans la cellule. Et je n'ai pas oublié notre dernière rencontre, ni la prophétie qu'elle m'a faite. Elle est restée assise avec désinvolture ce qui me met encore plus mal à laise. Jai beau la dominer physiquement, dans ses prunelles bleu clair jai l'impression de n'être qu'un gamin impuissant.

Sa tête se penche sur le côté tandis qu'elle me dévisage avec intérêt.

-Tu as enfin compris ?

-Compris quoi ?

-Ce que tu devais faire.

Mon manque de réponse vaut autant quun « non » simple et clair. Elle soupire et se lève.

-Tu dois te reposer.

J'ai un mouvement de recul involontaire. Elle ne sait pas ce que c'est que de revivre la séparation avec Maëva toutes les nuits.

-Je sais que cest dur, dit-elle comme si elle avait lu dans mes pensées. Mais crois-moi, cest important. Tu y es presque.

J'ignore de quoi elle parle. Elle se dirige vers mon lit mal fait et soulève la couverture avant de se tourner une nouvelle fois vers moi. Je ne sais pas pourquoi mais je me sens attiré vers elle tout à coup. Sans que jen aie conscience une force me met en action et me pousse à aller me coucher. Je suis si fatigué...

-Demain ce sera plus clair, promet-elle. Demain tu sauras quoi faire.

Mes paupières se ferment.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant