Partie 38

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Point de vue de Maëva

-Tu as ton téléphone ?

-Oui grand chef, répond Charlotte à son époux en levant les yeux au ciel.

          Damien se retourne vers moi et place ses mains de part et d'autre de mon visage. Ses yeux verts me sondent intensément.

-Pas de bêtises.

          Je lui fais signe que j'ai compris d'un clignement de paupières. Je ne sais pas pourquoi il s'inquiète. Je suis avec Charlotte, un garde du corps armé nous accompagne et de toute façon j'ai une puce de localisation en moi. Quand bien même je voudrais m'en aller, je n'y arriverais pas, et je ne prendrai pas le risque de mettre en danger Alex.

           Il m'embrasse tendrement. Je déteste quand il fait ça, il est tellement plus simple de le haïr lorsqu'il se montre brutal ! Comment un homme aussi mauvais peut-il embrasser aussi bien ? Je mets rapidement un terme à nos au revoir avant d'y prendre goût et me tourne vers Charlotte pour lui dire que je suis prête. L'air triste et plaintif qui couvrait son visage disparaît immédiatement pour laisser place à la bonne humeur et la gaité. Elle dépose un rapide baiser sur les lèvres de Thomas et ouvre la porte d'entrée avant de se diriger d'un pas sautillant vers la voiture. Notre chauffeur et garde du corps est déjà installé, et il démarre dès que nos ceintures sont bouclées.

-Alors dis-moi, me demande Charlotte, tu imagines quel style de robe pour ta demoiselle d'honneur ?

-Je n'en sais rien, je réponds, un peu confuse.

-C'est à toi de choisir, c'est ta journée, elle doit être parfaite ! Mais j'ai quelques idées en tête si ça peut t'inspirer. Je me disais qu'une robe bustier pourrait faire l'affaire, comme ça je n'aurai pas du tout la même forme de haut que toi, mais aussi pourquoi pas...

            Nous papotons pendant tout le trajet. Charlotte est une vraie pipelette, et même si je suis plutôt réservée au départ, sa bonne humeur finit par me contaminer. Après sa robe, ce sont ses chaussures, ses boucles d'oreille, son maquillage et enfin sa coiffure qui font l'objet de notre analyse. Le conducteur qui était au départ très attentif a lâché le fil depuis un bon moment et semble s'ennuyer ferme. Au bout d'une demie-heure de route, Charlotte finit par s'écrier :

-Maïs c'est pas permis de vivre aussi loin d'un centre commercial !

-C'est pour ne pas que je m'en aille, j'explique avec un sourire triste.

-Pourquoi voudrais-tu t'en aller ? me demande-t-elle d'un air sincèrement étonné.
Damien est beau, attentionné, intelligent, riche...et il t'aime.

           Je me contente de secouer la tête. Elle ne m'a pas l'air informée des activités de son mari et de ses frères, et je refuse d'être celle qui lui enlèvera cette part d'innocence.

          Les quelques minutes qui nous séparent de notre destination s'écoulent en silence. Nous sommes à peine garés que Charlotte a détaché sa ceinture et ouvert sa portière. Elle s'extirpe de la voiture avec le même empressement qu'un prisonnier qui retrouve l'air libre et m'injonctive pour que je fasse de même. L'air mécontent de notre garde du corps me fait sourire et me pousse à me dépêcher pour l'obliger à suivre le mouvement. Nous rejoignons la galerie marchande d'un pas vif en commentant l'ensemble des magasins que nous dépassons. Charlotte semble finalement trouver une boutique à son goût et s'engage dedans en me tirant par la main.

          J'ai l'impression d'entrer dans un magasin de robes de princesses. Tous les vêtements brillent de mille feux et ont été dessinés spécialement pour les grandes occasions. Ma camarade se dirige vers une vendeuse et lui explique ce qu'elle cherche. Cette dernière se montre immédiatement très serviable et lui présente l'ensemble des pièces pouvant la combler. Chaque fois qu'une robe plaît à Charlotte, elle la met de côté pour l'essayer, si bien que la vendeuse se trouve rapidement avec des habits pleins les bras. Nous nous dirigeons finalement vers les cabines. Alors que la vendeuse nous installe, Charlotte repousse notre garde du corps qui semblait s'être fait un devoir de nous attendre devant le rideau.

-Ah non ! Ici, c'est réservé aux filles alors il va falloir attendre à l'entrée !

          Il grommelle mais ne proteste pas. Ma nouvelle complice remercie chaleureusement la vendeuse en lui disant qu'elle l'appellera en cas de problème, puis elle ferme le rideau sur elle et moi.

         Je m'attendais à ce qu'elle se mette d'emblée à ses essayages, mais ce n'est pas le cas. Lorsqu'elle se retourne vers moi, son air joyeux a disparu et a été remplacé par un air grave que je ne lui ai jamais vu.

-Enlève ton pull, m'intime-t-elle doucement mais fermement.

             Je me fige. Je ne porte qu'un gilet et un débardeur qui laisse transparaître les cicatrices hideuses qui parcourent mon dos. Je m'apprête à refuser, mais l'expression de pitié qui a réapparu sur son visage me pousse à m'exécuter lentement.

             Elle me contourne. Je sens son souffle sur ma nuque alors qu'elle observe l'étendue des dégâts.

-Je suis désolée, murmure-t-elle.

           Je me retourne vers elle sans comprendre.

-Ecoute-moi, continue-t-elle en m'attrapant par les épaules. Nous avons très peu de temps. Dans deux jours tu seras libre. Je suis désolée que tu aies à te marier, mais ça a été la seule opportunité d'attraper les trois frères ensemble. Je t'expliquerai les détails demain, tu vas voir que normalement...

-Non, je l'interromps.

             Je ne comprends rien. Tout s'embrouille dans ma tête. Son air amoureux lorsqu'elle regardait Thomas, les menaces de Damien, les tentatives de fuite, les coups...

-Maëva, tente-t-elle, je sais que ce n'est pas facile à digérer mais tu dois me faire confiance, je ne...

-Non, je répète, plus fort cette fois-ci. Qu'est-ce que tu attends de moi en faisant ça ? je crache, soudain furieuse. Tu n'es qu'un test. Un putain de test manigancé par Damien pour voir si je n'ai plus envie de m'enfuir !

            Une lueur sombre passe dans son regard.

-Tu crois que tu es la seule ? siffle-t-elle. Que j'aime Thomas et que je suis heureuse de porter son enfant ?

             Je reste sans rien dire, bouche bée. Pour tout dire...oui, je le pense. Les yeux de Charlotte s'embuent de larmes.

-Nous étions deux à avoir été enlevées par lui. Elle a essayé de s'échapper, et il l'a battue à mort devant moi. Alors je suis restée sage, en attendant l'opportunité de partir. Cela fait cinq ans que je patiente. L'arrivée d'Alex au service de Thomas a été un miracle. Il nous a fallu des mois pour monter un plan qui tienne la route et faire payer à ces trois monstres, et maintenant le moment est enfin venu. Alors il va falloir que tu me fasses confiance, parce que je ne te laisserai pas vivre pendant cinq ans ce que j'ai vécu !

           Pendant plusieurs secondes, je ne sais pas quoi faire. Je suis tentée de la croire, mais son comportement envers Thomas m'a montré que c'est une très bonne comédienne et qu'elle est tout à fait capable de m'entuber. Heureusement elle n'attend pas de réponse de ma part. Elle sèche ses larmes et se recompose un visage joyeux avant de sortir et de lancer devant la vendeuse éberluée :

-Je suis désolée, en fait aucune de ces robes de ne me plaît. Bonne journée !

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant