Partie 11

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Point de vue de Maëva

-20...

    Mince, mince, mince. Je réfléchis à toute vitesse. Je sais qu'il m'a vue. Il s'attend probablement à ce que j'essaye de regagner la maison mais je suis entourée, il me rattraperait en quelques secondes à peine. Ma seule option est de grimper. Cinq mètres, vingt secondes plus le temps qu'il lui faudra pour me rattraper, c'est jouable.

    Il me faut une demi-seconde pour aboutir à cette conclusion et je commence immédiatement mon ascension. Je m'accroche à la moindre branche que je trouve, me griffant les bras et les jambes sur l'écorce au passage. Heureusement, j'ai trouvé un arbre avec des branches basses qui se laisse facilement escalader, et je monte rapidement.

-3...2...

    J'y suis presque, il ne reste à prendre appui que sur une seule branche. Je tends la main pour l'atteindre lorsque le coup de feu retentit.

    Une douleur sans nom irradie dans ma cuisse. Elle me fait perdre l'équilibre et je tombe. Les branches ont beau ralentir ma chute, je suis anéantie par la souffrance lorsque je heurte le sol. Je mords mon poing de toutes mes forces pour m'empêcher de crier. Je baisse les yeux sur ma jambe mais les détourne rapidement en voyant la quantité de sang qui est en train d'en couler. Ce n'est pas le moment de tourner de l'œil, va-t'en ! me crie mon instinct de survie. Je fais appel à mes dernières forces pour me traîner sur les coudes, mais j'ai bien conscience que mes efforts sont inutiles. Il ne faut que quelques secondes avant que l'ombre de Damien ne me surplombe. Je n'arrive plus à avancer, j'ai bien trop mal. Il s'agenouille à côté de moi et me caresse les cheveux. Il me parle mais je ne saisis pas le sens de ses paroles, je me sens partir...

***

    Bip...bip...

    J'ouvre doucement les yeux. Pourquoi tout est si blanc autour de moi ? J'essaye de me redresser mais une vive douleur dans la jambe m'en empêche. Je n'ai le temps d'apercevoir qu'une silhouette d'homme mais je vois tout comme à travers un brouillard. Je tends le bras et réalise que je suis sous perfusion. Les événements récents me reviennent lentement. La forêt, Damien, le coup de feu...Il faut que je m'en aille...J'essaye de retirer l'aiguille de mon bras mais l'homme s'approche de moi avant que j'y parvienne.

-Il faut que vous vous reposiez Mademoiselle, dit-il d'une voix qui me semble venir de très loin.

    Je me concentre sur son visage. Ce n'est pas celui de Damien. L'information parvient à mon cerveau et je chuchote :

-Il...il m'a enlevée...

    Il me regarde sans avoir l'air de comprendre.

-Il faut que...vous m'aidiez...je reprends plus fort. Il m'a...kidnappée...

-Vous êtes fatiguée, Mademoiselle. Je vais augmenter la dose, finit-il comme pour lui-même.

-Non, vous ne comprenez pas...Je ne...

    Je n'ai pas le temps d'achever ma phrase. Une fatigue immense m'envahit et je ne parviens plus à garder mes paupières ouvertes.

***

Point de vue de Damien

    Elle commence à remuer doucement. Je me détends légèrement. Cela fait deux jours que je suis à son chevet. Je n'ai pas visé d'artère et le médecin m'a assuré qu'elle était désormais hors de danger, mais sa sieste prolongée commençait à m'inquiéter. Elle essaye de s'étirer, mais j'ai attaché l'un de ses poignets au lit. Je ne suis pas avec elle à longueur de journée, et je ne veux pas prendre le risque qu'elle rouvre sa blessure – volontairement ou non.

     Elle prend conscience que sa liberté de mouvement est contrainte et ouvre les yeux en fronçant les sourcils. Elle essaye de se redresser mais pousse un gémissement à cause de sa jambe. Elle s'arrête immédiatement lorsqu'elle m'aperçoit, mais elle ne peut effacer la grimace de douleur qui défigure ses traits.

-Le médecin m'a prescrit de te remettre sous morphine lorsque tu te réveillerais.

    Une lueur d'espoir passe dans son regard.

-Tu crois que tu la mérites ? je lui demande d'une voix dure.

    Elle disparait aussitôt.

-Malgré ce que je t'ai dit tu as menacé Alice, tu es sortie de la maison sans ma permission, tu as essayé de t'en aller, je poursuis. Et même après tout ça tu as demandé de l'aide au médecin pour t'enfuir. Alors je répète ma question : tu crois que tu la mérites ?

    Sa réaction est tout sauf celle à laquelle je m'attendais.

-Tu vends de la drogue, tu es un proxénète, crache-t-elle. Tu as arraché je ne sais pas combien de personnes à leur vie dont moi. Tu m'as tiré dessus. Pour toutes ces choses tu mériterais de pourrir en prison à vie. Et pour quoi veux-tu me punir ? Pour avoir essayé d'échapper aux griffes d'un psychopathe qui m'a enlevé tout ce que j'avais ? Va te faire foutre !

    Elle débite tout ça d'un seul trait, une lueur de défi dans les yeux. Et cela ne me plait pas du tout. Je sens la colère affluer en moi. Je prends sur moi pour repousser mon envie de la frapper et me contente d'appuyer sur sa jambe bandée. Elle pousse un gémissement de douleur en essayant de se dégager mais je la tiens fermement. Je place mon autre main autour de son cou délicat. Je serre jusqu'à l'entendre hoqueter et me penche à son oreille pour lui murmurer :

- Tu devrais faire attention, trésor. Tu as dû voir que je ne supporte pas que mon autorité soit remise en question. Je t'ai déjà prévenue et je te le répète, si tu me désobéis je deviendrai ton pire cauchemar. Et le fait que tu me plaises n'y changera rien, au contraire. J'ai toujours eu un faible pour les rebelles...Rien de plus divertissant que de les voir se débattre de toutes leurs forces avant de céder...

Son visage crispé est parcouru d'un frissonnement.

-Oh, et une dernière chose. Ce n'est pas parce que tu ne connais pas le même sort que les autres filles que je compte t'épargner sur le plan sexuel. Et plus tu joues avec mes nerfs, plus tu me fais perdre patience...

    Je la lâche et sors de sa chambre avant qu'elle ne me réponde. Elle me met hors de moi. Quand comprendra-t-elle qu'il faut qu'elle arrête de lutter ? Je suis furieux lorsque j'arrive dans mon bureau. Etant donné l'état de choc dans lequel j'ai trouvé Alice, je n'ai eu d'autre choix que de la renvoyer et je dois maintenant trouver une autre demoiselle de chambre à ma belle captive. Heureusement, je ne manque pas de contacts et ma nouvelle recrue est déjà là, assise, en train de m'attendre.

    Je m'assois dans mon fauteuil en soupirant pour me calmer. Je la dévisage. Elle est très jeune, plutôt mignonne. Elle aurait pu m'intéresser avant, mais depuis que j'ai rencontré Maëva je n'ai d'yeux que pour elle. Cette fille est devenue une réelle obsession.

-Ton nom ? je lui demande sans m'embarrasser de formalités.

-Chloé.

-Tu sais pourquoi tu es là ?

-Votre frère m'a dit que vous aviez besoin d'une demoiselle de chambre pour une certaine Maëva.

-Pas que. Il faut que tu saches qu'elle va essayer de s'enfuir. J'ai besoin de quelqu'un prête à la blesser pour l'en empêcher. Elle essaiera de t'amadouer. Je veux que tu me rapportes tout, le moindre de ses faits et gestes. Je ne veux pas mettre de caméras dans ses appartements, j'attends donc de toi que tu sois mes yeux et mes oreilles. C'est clair ?

-Comme de l'eau de roche.

-Parfait. Tu commences aujourd'hui.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant