Partie 35

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Point de vue de Maëva

-Je n'en peux plus, je sanglote en prenant mon visage dans mes mains.

-De quoi mon ange ? me demande Damien doucement en caressant mes cheveux.

-De ça, de la situation, de tout. Je suis prisonnière ici, prisonnière de toi. Je ne voulais pas de tout ça. Je ne veux pas me marier, encore moins avec toi. Je ne veux pas que des gens soient blessés, si tu savais à quel point je suis désolée pour ceux-là...Je veux juste être libre. Je veux vivre, normalement, et pouvoir faire mes propres choix. Je t'en supplie, laisse-moi partir...j'achève dans un sanglot.

Il passe ses bras autour de moi et me serre contre son torse. Blottie contre sa poitrine, je me laisse entièrement aller à ma tristesse. J'oublie à qui appartient ce corps, tout ce qui compte est que j'ai une chaleur humaine à laquelle me raccrocher.

-Tu sais très bien que je ne peux pas, répond-il avec une pointe de tristesse dans la voie. Je suis désolé, tu sais, reprend-il lorsque je commence à me calmer. J'aurais aimé ne pas en arriver là. J'aurais préféré te rencontrer, te séduire et que nous formions un couple normal. Mais tu l'as vu, je ne suis pas un homme normal. Je ne peux pas te laisser, Maëva, il en va de ma santé mentale. Je ne peux pas vivre sans toi. C'est tombé sur toi, je n'y peux rien. Crois-moi, j'aurais préféré rester seul et indépendant, mais la vie en a décidé autrement. Je t'ai rencontrée et maintenant je ne peux plus te lâcher. Je comprends ton sentiment d'injustice, tu sais, et si moi-même je me trouvais dans ta situation je ferais tout ce qui est en pouvoir pour regagner ma liberté. Mais c'est ton destin, ma belle, tu n'y peux rien, alors pourquoi n'essayes-tu pas d'en tirer le meilleur parti ? Essaye de me comprendre toi aussi. Je m'en veux terriblement de tout ce que je t'ai fait subir, mais je n'ai pas eu le choix.

Il marque un temps de silence. Quant à moi, je me sens juste égarée. Le destin...Je n'y ai jamais cru. Pour moi, chacun est maître de sa vie. Je ne crois pas une seule seconde que le fait que ma route et celle de Damien se soient croisées soit le résultat d'un quelconque fatalisme, et encore moins que ma destinée soit de rester à ses côtés pour toujours. Sa voix interrompt mes pensées.

-J'ai une question à te poser, et je voudrais que tu me répondes honnêtement.

Il passe l'index sous mon menton pour que je le regarde, ce que je fais. Pour la première fois depuis que je le connais, je vois le doute dans ses yeux.

-Quand tout allait bien, juste avant que tu n'essayes de t'en aller. Qu'est-ce que tu ressentais pour moi à ce moment-là ?

Sa question me prend de court. De la haine est la première réponse qui me vient en tête. Sale pervers psychopathe violeur, je t'aurais tué si j'en avais eu l'opportunité. Mais à bien y réfléchir, est-ce la vérité ? Ne l'ai-je pas perçu comme un homme charmant durant ces quelques jours ? D'ailleurs, je ne peux pas nier avoir pris du plaisir entre ses mains. Mais comment pourrais-je avoir pensé cela ! Avoir ressenti ces choses ! Il enlève, kidnappe, tue à sa guise. Quelle genre de fille suis-je pour voir mon jugement influencé par quelques cadeaux qu'il m'a fait et une once occasionnelle de tendresse ? Ou bien est-ce la captivité qui a fini par me rendre folle ?

            Ces pensées traversent mon esprit en un dixième de seconde, me faisant réaliser à quel point je suis perdue. Je ne sais même plus ce que je ressens, ni ce que je devrais ressentir. Deux petites voix se battent dans ma tête, et je ne sais plus qui de celle incarnant l'abandon pour une vie de luxe ou la résistance pour la liberté je dois écouter. Je décide de jouer la carte de la sincérité.

-Je n'en sais rien...Je...comment dire...tu étais gentil et attentionné, et puis tu es très beau, je ne peux pas nier tout ça. Mais cela n'effaçait pas et n'effacera jamais tout le reste. Tu m'as enlevée, frappée, violée. Je ne pourrai jamais te pardonner tout ça.

Un petit sourire vient illuminer son visage.

-Merci pour ta franchise.

Il marque une pause.

-Je ne peux pas effacer tout ce qui s'est passé ni annuler le mariage, mais je déteste te voir comme ça. Je ne suis peut-être pas le plus doué pour te le montrer, mais je t'aime. Je te l'ai déjà dit et je te le répète, je ne te ferai rien de mal si tu ne me donnes pas de raison de le faire. Je sais que ce n'est pas simple, mais essaye de mettre de côté le négatif. Donne-moi l'opportunité de tout recommencer à zéro.

-Je ne t'aimerai jamais, Damien, je chuchote. Je ne sais pas comment te le faire comprendre. Le mal que tu nous as fait à moi et à d'autres, c'est impardonnable...

Son regard s'enflamme et pendant une seconde j'ai peur d'être allée trop loin. Sa voix reste toutefois calme et douce lorsqu'il me répond, même si elle est plus ferme.

-Tu finiras par me pardonner avec le temps, je n'ai pas de doutes là-dessus. Et pour ce qui est de m'aimer, eh bien...cela viendra aussi. Je ferai en sorte que cela vienne.

Je me retourne pour lui présenter mon dos mais il me retient par l'épaule. Ses yeux verts me sondent douloureusement. Il reprend plus calmement.

-Laisse-moi une autre chance, s'il-te-plait. Ne me force pas à passer par la manière forte, je déteste ça. Je ne te demande pas grand-chose, juste de me laisser une nouvelle chance. Comme si nous venions seulement de nous rencontrer, qu'en penses-tu ? J'ai tellement d'amour à te donner, laisse-moi te rendre heureuse, je t'en prie...

Mes yeux se perdent dans le vide. Ce qu'il me demande a du sens, ce serait même la chose la plus intelligente à faire. Mais ma conscience ne me laisse pas tranquille. Espèce de lâche, tu ne vas pas capituler maintenant. La liberté n'a pas de prix Maëva, mieux vaut mourir livre que vivre prisonnière...ressasse-t-elle sous mon crâne.

-Tu me promets d'essayer, Maëva ? insiste-t-il.

Je secoue doucement la tête de haut en bas, mais je ne contrôle même pas ce que je fais. J'ai l'impression que mon corps a pris le contrôle sur mon esprit et a choisi la solution la moins douloureuse pour moi. La voix de la résistance hurle son désaccord dans ma tête en vain. Mais comment suis-je censée faire ? Je suis épuisée psychologiquement. La seule chose que je souhaite pour le moment est d'arrêter d'avoir l'impression de me débattre avec le monde entier. Et si cela signifie abandonner le combat face à Damien...alors il semblerait que c'est ce que mon esprit de survie a décidé de faire.

-Merci mon ange, chuchote-t-il.

Il rapproche son visage du mien mais s'arrête à quelques millimètres de celui-ci. Pour la première fois également, il cherche mon approbation du regard. Je la lui donne d'un battement de cils, et il vient poser ses lèvres sur les miennes. Son baiser est doux, rassurant. Il ne cherche pas à me plier à sa volonté, et c'est de moi-même que je m'ouvre à lui. Nous restons à nous embrasser ainsi de nombreuses minutes. Je me détache finalement de lui. Il me regarde avec émerveillement.

-Tu es magnifique, murmure-t-il.

Heureusement que la pénombre masque le rouge qui me monte aux joues. Il rigole et vient déposer un baiser sur celles-ci avant de me tirer contre lui. Je commence à m'endormir.

-Oh, une dernière chose ma belle. Mon frère aîné et sa femme arrivent demain, cela devrait te faire de la compagnie. Charlotte a seulement deux ans de plus que toi, je suis certain que vous vous entendrez très bien.

J'essaye de murmurer une réponse mais le sommeil m'emporte avant que j'aie réussi à la rendre intelligible.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant