Point de vue de Maëva
Je quitte en trombe la salle d'interrogatoire avant de remonter le couloir menant à la sortie à grandes enjambées. Je ne peux pas m'empêcher de regarder plusieurs fois derrière moi, persuadée qu'on va me rattraper. Mais personne n'en fait rien. Les gardiens me saluent gentiment en me voyant partir et l'un deux me lance même un « A bientôt ! » jovial. Je bafouille quelques syllabes et sort sans me retourner. Je parcours peut-être un kilomètre au pas de course avant de m'autoriser une pause. Je trouve un banc et m'assois pour reprendre mon souffle.
Je n'en reviens pas. C'est fait. Les papiers sont signés et Damien m'a donné sa parole. Il ne reviendra pas. Bien sûr je ne suis pas naïve, je sais très bien que rien ne l'empêcherait d'essayer de me retrouver une fois sorti de prison s'il en a envie. Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai l'intuition que ce ne sera pas le cas. Je l'ai blessé quelque part au-delà du supportable et je ne suis même pas sûre qu'il s'en remettra.
Et toi ? Est-ce que tu vas enfin ten remettre ? m'interroge ma conscience.
-Oui...je me murmure à moi-même. Je suis libérée, il n'y a plus aucune raison que je me sente mal...
Tu en es certaine ? continue la petite voix moqueuse. Alors pourquoi trembles-tu ? Tu sais que Damien avait raison. Tu t'es jouée de lui, tu lui as menti. Tu lui as enlevé son enfant.
Comme pour me rappeler de quoi je suis coupable, une douleur aiguë se fait ressentir dans mon bas-ventre. Je me penche pour essayer de la contenir et serre le plus fort possible mes paupières comme si cela pouvait faire taire mes pensées sombres.
-Arrête...arrête...je supplie, les larmes aux yeux.
Un coup de klaxon me sort de ma torpeur. Je me redresse et perçoit à travers mes yeux brouillés de larmes la voiture de Lucas. Je soupire profondément et les essuie d'un revers de la manche avant de me redresser.
Je suis une droguée. Accro à Damien. Et comme n'importe quel addict en manque de sa substance, je souffre. Le chemin va être long avant de retrouver la sérénité, mais je vais le parcourir. Il n'a eu que ce quil méritait, je dois m'en convaincre pour surmonter cette épreuve. Pour moi et toutes les personnes qu'il a blessées dans sa vie.
Je prends place aux côtés de mon frère en affichant une mine satisfaite.
-Alors ? me demande-t-il sans masquer son impatience.
-C'est signé, je lui réponds joyeusement.
Son visage se détend pour la première fois depuis des semaines et un sourire sincère vient éclairer ses traits. Il me serre brièvement dans ses bras avant de s'écarter et de reprendre un air sérieux.
-Je suis désolé de gâcher ce moment, mais autant se débarrasser des choses désagréables pour pouvoir vraiment fêter tout ça. L'hôpital m'a appelé, ils ont les résultats de tes analyses et ils veulent te voir.
Ma main s'est inconsciemment déposée sur mon ventre.
-Allons-y maintenant.
Lucas acquiesce et nous nous mettons en route vers la clinique. Une fois sur place, nous sommes directement amenés dans le cabinet du médecin qui a procédé à mes analyses. Celui-ci est assis à son bureau, une multitude de papiers étalés devant lui. Dès qu'il nous aperçoit, il retire ses lunettes et nous invite à prendre place. Un pli soucieux barre son front.
-Bonjour Mademoiselle, bonjour Monsieur. Je suis désolé de vous faire venir en urgence comme cela, mais j'ai pensé qu'il vaudrait mieux que vous soyez avertis dès que possible. Avant toute chose, je vous demanderai de ne pas vous affoler, les résultats ne sont pas fiables à 100% et nous devons...
-Docteur, je l'interromps. Je peux encaisser, dites-moi.
Il soupire et ancre ses yeux dans les miens.
-La clinique à laquelle j'avais envoyé vos résultats pense avoir trouvé une anomalie
-Est-ce que mon bébé va bien ?
-Oui...
Je me détends légèrement.
-...en tout cas pour le moment. Je tiens à vous repréciser que ces informations ne sont pas encore certaines, il ne s'agit pour le moment que de suspicions. Elles sont d'autant plus à prendre avec des pincettes que l'anomalie de grossesse qu'elles pourraient révéler est extrêmement rare, il y a donc très peu de chances pour que vous soyez concernée. Toutefois, par mesure de précaution, il est de mon devoir d'effacer toute ombre de doute. Il faut donc que j'envoie vos résultats à un établissement parisien plus qualifié dans ce domaine.
-Excusez-moi, interrompt Lucas. A quel niveau de gravité se situe l'anomalie dont nous parlons exactement ?
Le médecin me regarde avec un air désolé.
-Le genre d'anomalie suffisamment grave pour mettre en danger le foetus et la vie de la mère.
-Où est le meilleure hôpital pour s'occuper de ce genre de choses ?
-Eh bien, répond le médecin, décontenancé, en dehors de Paris, la clinique Sainte-Hélène à New York est la meilleure
-Alors inutile denvoyer les analyses ailleurs, annonce mon frère, nous irons directement là-bas.
Quant à moi je suis incapable de répondre. Je ne pense même plus à Damien ni à ce qui s'est passé quelques heures plus tôt. La seule chose qui compte en cet instant est la vie qui grandit en moi. Je l'ai haïe, marchandée, mais aujourd'hui je ne peux pas concevoir de la perdre, cela serait plus que ce que je pourrais supporter. Alors je relève les yeux vers Lucas et répète à mi-voix :
-Nous irons là-bas.

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Je suis ton ombre
Romantik-Je n'appartiens à personne, espèce de taré ! -Pour l'instant peut-être. Mais tu verras que tu finiras par être entièrement à moi. Corps et âme...susurre-t-il. Vois-tu, je trouve ça terriblement excitant de savoir que tu ne veux pas de moi mais que...