Partie 22

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Point de vue de Maëva

          Lorsque je me réveille, à mon grand soulagement, Damien est déjà parti. Je m'enfonce un peu plus sous la couette. J'ai cogité toute la nuit, pesant les pour et les contre de la décision que j'ai finalement décidé de prendre. Enfermée ici, je pense que la vie n'a plus rien à m'apporter, et savoir que je vais y mettre fin me soulage.

          Je ne supporte plus cette situation. Je préfère mourir plutôt que le voir de nouveau. Il ne me laissera jamais partir, il me l'a dit, et je sais qu'il tiendra cette promesse. Et quand bien même je quittais cet enfer, quel avenir pour moi ? Damien me retrouvera où que j'aille à cause de ce fichu implant, et je suis sûre qu'il n'hésitera pas à blesser mes proches pour me garder. Sans penser au nombre de psychothérapies que je devrais suivre pour espérer surmonter les troubles psychologiques que je développe ici...Et même ces thérapies ne serviraient à rien vu la honte que je ressens en ce moment. C'est exactement ça. Je me sens sale et honteuse. Sale d'avoir été touchée contre mon gré, et honteuse d'y avoir pris du plaisir. Quelle genre de folle suis-je pour avoir pu aimer me faire violer ?  Et pire, est-ce que cela se reproduira s'il recommence ?

             Certainement pas. J'ai sept jours pour mettre un terme à ce cauchemar. Sept jours pour trouver un moyen de me tuer. Cette pensée me rassure, je me sens libre pour la première fois depuis qu'il m'a arrachée à ma vie. Je profite de ma solitude pour rester quelques instants de plus au lit puis je décide de me lever pour étudier mes options.

Je fais le tour de l'appartement, à la recherche d'une idée pour mettre fin à mes jours. Je le savais déjà depuis que j'ai cherché le moyen de trouver Alice, il n'y a aucun objet tranchant ici. Aucun couteau ou autre ustensile de cuisine, aucune paire de ciseau ou même de pince à épiler. Même les cintres dans les penderies sont fixés au meuble et arrondis. En revanche, ce que je n'avais jamais remarqué est que c'est aussi le cas de tous les meubles qui m'entourent : ils ont tous des formes curvilignes, je ne peux me cogner nulle part, du moins pas assez fort pour espérer me blesser. Je ne peux pas non plus les déplacer : les chaises,  les tables, le canapé, tout est fixé au sol. Toutes les vitres sont trop épaisses pour être brisées. Après une heure d'exploration minutieuse, je commence à me décourager. J'ai l'impression que Damien a anticipé mon idée et a tout mis en œuvre pour que je ne puisse pas la réaliser, ce qui est sûrement le cas. L'abattement commence à m'envahir, lorsque j'entends la porte se déverrouiller.

-Bonjour Mademoiselle, je vous apporte le petit-déjeuner !

           Chloé entre, un plateau dans les bras, et le pose sur la table du salon.

-Merci, Chloé.

-Bon appétit Mademoiselle !

Je me jette sur le plateau avec l'espoir fou d'y trouver un couteau plus tranchant que d'habitude. Il y en a bien un, mais il est tellement peu effilé qu'il ne me servira à rien.
Je le jette à travers la pièce, frustrée. Je vais m'assoir sur le lit et me prend la tête entre les mains, essayant de me calmer pour pouvoir réfléchir. Je ne peux pas passer le restant de mes jours enfermée ici à sa merci. Mon ventre gargouille, me rappelant que je n'ai rien avalé depuis douze heures. Mon ventre gargouille. Je me redresse. Est-ce que sept jours suffiront ? Certainement pas pour mourir de faim, mais de soif ? De toute façon c'est ma seule option, autant tenter le tout pour le tout. Je me sens immédiatement plus sereine, tout n'est pas encore perdu.

           Le reste de la matinée passe rapidement. Vers 12h30, Chloé vient m'apporter le déjeuner. Voyant que je n'ai pas touché au plateau qu'elle m'a apportée plus tôt elle me demande, soucieuse :

-Vous n'avez pas mangé Mademoiselle ?

-Non, j'avais l'estomac noué, je réponds avec un petit sourire contrit.

-Je comprends, c'est le départ de Monsieur qui vous bouleverse ! Ne vous en faites pas, il sera de retour avant que vous ne vous en rendiez compte ! me dit-elle gentiment.

         Bien sûr, pensé-je ironiquement. Elle repart en emportant le plateau du petit-déjeuner. Je décide de faire une sieste.

A mon réveil Chloé est penchée au-dessus de moi.

-Mademoiselle, vous n'avez rien mangé ! me gronde-t-elle.

-Chloé, je ne me sens pas très bien. Je mangerai quand j'irai mieux.

-Vous avez mal quelque part ? Vous avez besoin de médicaments ?

-Non merci, j'ai juste besoin de tranquillité, réponds-je en me cachant sous la couette.

         Elle n'insiste pas et s'en va, mais je la sens contrariée.

           Je me lève quelques minutes plus tard. Les premiers effets de la faim et de la soif commencent à se faire ressentir, j'occupe donc mon esprit du mieux possible pour passer outre. En fin d'après-midi, je m'installe devant la baie vitrée pour dessiner. J'en profite pour laisser mon esprit vagabonder, et me mets à penser à mes parents. Malgré nos différends, savoir que je ne les reverrai pas m'attriste. Et Lucas... Ils doivent certainement penser que j'ai fugué. C'est probablement mieux ainsi. Je souris en pensant à la réaction de Damien lorsqu'il rentrera de son voyage. Il ne sera pas content, c'est le moins que l'on puisse dire. Cette pensée me remplit de joie. Lui qui est persuadé de pouvoir me contrôler à sa guise, il ne peut pas m'enlever ma volonté de mourir. La mort ne m'a jamais effrayée. Je n'ai jamais voulu vivre vieille. La mort est tellement plus belle, plus romantique lorsqu'elle conserve la beauté éternelle de la jeunesse...

Le bruit de la porte qui s'ouvre me tire de mes pensées. Je regarde la pendule, il est déjà 19h30. Chloé entre, la tête baissée, accompagnée de son fidèle plateau. Elle est toute pâle et fuit mon regard lorsqu'elle m'adresse la parole.

- J'ai eu Monsieur au téléphone, il insiste pour que vous avaliez quelque chose.

              Mon cœur manque un battement. Il est déjà au courant. En y réfléchissant ce n'est pas étonnant, il veut se tenir informé de tous mes comportements anormaux. Je suis d'ailleurs surprise qu'il n'ait pas installé de caméras dans l'appartement.

-Et...commence Chloé d'une toute petite voix.

-Et quoi ? je la presse, le cœur au bord des lèvres.

-Et il me demande de vous dire que vous ne devriez pas le provoquer, lâche-t-elle avant de partir rapidement, le regard toujours baissé.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant