Partie 56

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Point de vue de Maëva

-Il faudra bien que tu t'éloignes de lui à un moment ou un autre !

-Cest trop risqué pour le moment Lucas !

Ma poitrine se sert devant la colère de mon frère. Ce genre de disputes entre lui et moi est devenu récurrent ces derniers jours et me fait chaque fois un peu plus de mal. Il veut agir, ce que je peux comprendre, mais refuse d'accepter le fait que je ne souhaite pas prendre de risques. J'enfouis ma tête entre mes mains.

-Je veux juste attendre le retour d'Alex avant de tenter quoi que ce soit, je murmure.

-Tu sais ce que je pense ? crache Lucas. Je pense que tu me mens, et que la seule chose que tu veux c'est passer du temps avec Damien. Tu es tellement sous sa coupe que tu ne te rends même pas compte qu'en restant en contact avec lui tu ne t'en sortiras jamais. Mais peut-être que c'est ça que tu désires au fond ?

Je reste bouche bée devant la cruauté de sa réponse.

-Je...Ce n'est pas...je balbutie tandis que les sanglots s'accumulent dans ma gorge.

-Tu devrais y aller. Il ne faudrait pas que ton mari t'attende, rétorque-t-il en appuyant bien le mot « mari » avant de quitter la pièce.

Je me force à me ressaisir et regarde ma montre. Lucas a raison, je suis déjà en retard. Je me prépare rapidement et quitte l'appartement. Reste forte. C'est la pression, c'est tout, il ne pensait pas ce qu'il a dit. J'ai beau me répéter ces phrases comme un mantra, les larmes coulent alors que je chemine jusqu'à la prison.

Je me sens seule et démunie. La douleur dans mon bas-ventre est omniprésente depuis cette histoire de test de grossesse, tantôt insupportable, tantôt inexistante. Je n'ai pas eu le courage d'en parler à mon frère par peur qu'il m'oblige à passer des examens médicaux. Le soutien que je recevais de lui a complètement disparu désormais, si bien que l'impression d'abandon est devenue ma meilleure amie.

Je sèche mes yeux en arrivant à l'entrée du pénitentiaire. Les gardiens qui me connaissent bien maintenant m'escortent jusqu'au lieu de visite avant de me laisser. Damien est déjà là en train de dessiner. Je m'avance lentement et prends place face à lui. Il ne m'adresse pas un regard. Je devrais être contente, pourtant cela ne fait qu'attiser ma tristesse.

Je sais que je suis responsable de cette situation. C'est moi qui ai cessé de lui parler. Moi qui ne lui rendais pas ses embrassades. Comment pourrais-je lui en vouloir d'avoir adapté son comportement au mien ? Il a arrêté de m'enlacer, puis de me parler, et enfin de me regarder. Je m'en suis réjouie au départ, mais maintenant...

Les larmes me montent de nouveau aux yeux. Je voudrais qu'il me communique sa chaleur. Qu'il mapporte son réconfort. Qu'il remarque mes yeux rougis, ma détresse, ma douleur. Qu'il me dise que tout ira bien et que quoi qu'il se passe il me protègera. Mais bien sûr cela est impossible.

J'inspire profondément pour me calmer. Une fois que jai réussi à tempérer mes émotions, je me concentre sur son dessin. Il s'agit d'un énième portrait de moi. Je me demande comment il parvient à reproduire mon visage si fidèlement sans même m'accorder un regard. Tout est retranscrit dans les moindres détails, des plis aux coins de mes yeux à mes grains de beauté. Il ne manque que la bouche pour que ma copie conforme soit couchée sur le papier.

Mes yeux remontent sur le visage de Damien. Il a les lèvres pincées et l'air concentré. Concentré ? Non...plutôt agacé. J'observe rapidement le manège de ses doigts pour comprendre qu'il n'est pas satisfait de son uvre. Le crayon virevolte entre ceux-ci, passant de la mine qui dessine le contour de mes lèvres à la gomme à l'autre extrémité qui vient effacer chaque trait à peine tracé.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant