Partie 51

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Point de vue de Damien

On m'a remis les menottes dès la sortie de la salle de procès. Heureusement que Maëva était déjà partie, je n'aurais pas supporté qu'elle me voie en position de faiblesse. Pas après avoir écopé d'une putain d'année de prison sans sursis.

J'avais tout planifié. Tout. Etait. Parfait. Parfait putain ! J'avais tout prévu, calculé, soupesé, et ce depuis des mois ! Tout sauf ça. Comment aurais-je pu deviner que son avocat serait le client à qui j'ai vendu de la dogue la seule et unique fois de ma vie où j'ai dû dépanné Victor ? C'était impossible. Purement et simplement impossible. Je ne peux en vouloir à personne d'avoir pu omettre cette éventualité, pas même à mon avocat. Il n'est responsable de rien, et un an est peu cher payé pour ce détail oublié qui m'aurait facilement coûté la condamnation pour vingt à vingt-cinq années dans un procès « normal ». Non, je ne peux pas le blâmer pour ne pas avoir réussi à me garder loin des barreaux. En revanche, il faudra qu'il m'aide à trouver une solution pour me sortir de ce pétrin. Hors de question que je reste un an sans pouvoir la toucher.

Maëva... Je n'aurais pas supporté de voir l'air de soulagement couvrir son visage en comprenant qu'elle aurait un an de répit. D'autant plus que ce ne sera pas le cas. Il est majeur que je garde le contrôle sur ses actions jusqu'à ce que je trouve une issue.
Heureusement que j'ai eu le temps d'écrire ce mot et de demander à mon avocat de le lui apporter avant d'être ramené au poste de police où je vais passer la nuit.

Je ne peux penser à rien d'autre qu'à elle tandis que je suis emmené hors du Palais de Justice. Au tremblement dans sa voix quand elle a compris que c'était moi au bout du fil. A son air paniqué alors qu'elle ne pouvait s'empêcher de me regarder de l'autre côté de la salle il y a à peine quelques heures. Dire qu'il va falloir que j'attende quarante-huit heures avant de pouvoir de nouveau la dévorer du regard...

Le retour au poste de police est rapide. En moins d'un quart d'heure, je suis de retour à la porte de ma cellule provisoire. Un policier enlève mes menottes puis ferme la grille derrière moi après que j'aie avancé de quelques pas dans la pièce. Je vais m'assoir sur le fin matelas qui longe l'un des murs et pose ma tête contre la paroi.

Je ne sais même pas quelle émotion m'habite actuellement. La rage ? L'abattement ? La frustration ? Sûrement les trois. Une chose est sûre, j'ai besoin de repos pour pouvoir réfléchir à tête froide à mon prochain mouvement.

Si je suis honnête avec moi-même, la situation est loin d'être à mon avantage. Je n'ai pas de nouvelles ni de mes frères, ni d'aucun de mes hommes – et donc aucune manière de garder Maëva sous surveillance, d'autant qu'elle est désormais protégée par son minable de frère. Par ailleurs, il me sera très compliqué de contacter des renforts depuis la prison étant donné que mes activités vont faire l'objet d'un nombre incalculable d'enquêtes dans les mois à venir. La seule chose sous mon contrôle est mon compte en banque, et le nom d'une connaissance que je dois absolument convaincre de s'engager comme gardien de prison dans l'endroit où je vais être transféré afin de garder un contact avec l'extérieur. Les choses s'agenceront ensuite progressivement, il n'y a rien que je puisse faire de plus pour le moment.

Une fois parvenu à ces conclusions, je m'allonge et ferme les yeux dans l'espoir de trouver le sommeil. Je vide mon esprit de toutes les pensées qui l'ont occupé dans la journée et me concentre pour imaginer le cadre dans lequel je voudrais être et oublier celui dans lequel je suis. C'est finalement blotti contre Maëva en songe, une main sur sa hanche et mon nez dans sa chevelure que je tombe dans les bras de Morphée.

                                      ***

Le bruit métallique de coups donnés contre les barreaux de ma cellule me parvient difficilement. Je me retourne en grognant mais ils réitèrent avec plus d'agressivité, me faisant comprendre que c'est maintenant qu'il faut que je me réveille. Je me redresse en passant une main dans mes cheveux défaits, les yeux plissés.

-On décale dans dix minutes, m'informe le policier qui m'a réveillé avec tant d'amabilité. Vous avez de la visite.

Effectivement, je vois mon avocat à ses côtés, aussi bien habillé et imposant que la veille. Désormais bien alerte, je me lève et vais à sa rencontre.

-Bonjour, me salue-t-il avec son habituel sourire carnassier.

Je lui réponds d'un signe du menton. Il n'est pas là simplement pour prendre de mes nouvelles, je le sais bien.

-Je venais simplement m'assurer que notre accord n'est pas remis en cause par ce léger...contre-temps, poursuit-il d'un air mielleux sans passer par quatre chemins.

-Presque, je réponds. Vous avez de quoi écrire ?

Il sort un calepin et un stylo de sa poche avant de me les tendre. Je griffonne rapidement un nom sur l'une des pages avant de les lui rendre.

-Je veux que vous trouviez ce type et que vous le débauchiez pour qu'il vienne travailler là où je vais. Peu importe ce qu'il fait actuellement, je le paierai le double. Vous aurez votre chèque lorsque je l'aurai en face de moi.

Il hoche sèchement la tête pour me signifier qu'il a compris et range ses affaires dans la poche intérieure de sa veste.

-J'espère ne jamais vous revoir, me lance-t-il d'un ton détaché.

Et sur ces mots, il tourne les talons sans m'accorder un regard supplémentaire.
Le policier qui s'était éloigné pour nous laisser un peu d'intimité réapparait dans mon champ de vision. Il ouvre la grille puis me fait signe d'avancer avant de me repasser les menottes. Je me laisse faire puis le laisse me conduire docilement à l'extérieur du commissariat où un fourgon nous attend. La prison a beau être toute proche, j'ai l'impression que les mesures de sécurité sont appliquées avec un zèle excessif. J'entre à l'arrière et mon accompagnateur attache les menottes au véhicule avant de refermer. Je suis désormais seul avec une jeune policière.

                Je la dévisage tandis que le moteur démarre. Elle doit à peine avoir la vingtaine, une novice. Quelle idée de la laisser seule avec un criminel? Je ne compte pas la blesser, mais plus d'un n'auraient pas hésité une seule seconde pour tenter de recouvrer leur liberté ou de profiter d'un dernier moment en compagnie d'un membre de la gente féminine.

            Si sa présence ici est étrange, son attitude l'est encore plus. Elle s'est installée le plus près possible de la sortie, pourtant tout dans sa posture respire l'assurance. Ses mains sont tranquillement posées sur ses cuisses, elle n'a pas peur. Ses yeux bleus clair en particulier me scrutent sans une once de gêne avec une lueur particulière. Le véhicule démarre sans que ni elle ni moi ne détournions le regard.

-Elle vous le rendra au centuple, finit-elle par lâcher après quelques minutes passées à nous observer en chiens de faïence.

-Pardon ?

-Cette fille que vous avez enlevée. Peu importe le mal que vous lui avez fait, vous allez souffrir infiniment plus.

Je reste béat devant son insolence et cherche en vain quelque chose à répliquer mais le véhicule s'arrête, signe que nous sommes arrivés. Elle se lève alors avec la rapidité d'un félin et sort de la camionnette avant de s'évanouir dans la nature comme si elle n'avait jamais existé, me laissant seul avec cette sombre prophétie.

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Hello tout le monde !
Petit sondage très rapide : voudriez-voir avoir le point de vue de Lucas (le frère de Maëva) ?
Dites-moi en commentaires !
Gros bisouxxx <3

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant