Partie 68

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Point de vue de Damien

           Ni une ni deux, je saute hors de mon lit et enfile à la hâte un jean et un sweat. Je sors de mon logement provisoire à toute vitesse en attrapant au passage la monnaie qu'il me reste. Par chance, un taxi stationne au bout de la rue. J'entre dans le véhicule et demande au chauffeur de me conduire à l'hôpital.

           Je n'ai eu aucune hésitation. Maëva est la seule chose qui ait encore de la valeur dans ma vie et si elle veut me parler alors c'est auprès d'elle que je dois être, peu importe à quel point la conversation que nous allons avoir m'effraie.

          Après une durée qui me semble interminable, nous arrivons enfin à destination. Je paye le taxi et le remercie avant de sortir.

           Pas question de passer par la porte principale, on ne me laisserait pas entrer. J'emprunte la porte de service. Ayana m'a envoyé le numéro de chambre de Maëva et il ne me faut que quelques minutes pour m'y rendre.

            Ce n'est qu'une fois que je suis devant la porte close que le doute m'envahit. Je suis essoufflé. Je remarque que mes mains tremblent, et pour cause : je suis complètement terrifié. La dernière de mes volontés est de blesser une nouvelle fois la femme que j'aime, mais qui me dit que ce n'est pas exactement ce que je m'apprête à faire ? Ne suis-je pas en train d'agir égoïstement en saisissant le prétexte qui s'est offert à moi pour revoir Maëva ? Est-ce vraiment l'aider que de venir ici ?

Ayana est son amie, me rappelle ma voix intérieure, et elle a insisté sur le fait que Maëva voulait te parler. Elle ne lui nuirait pas volontairement.

           J'avale ma salive et entre dans la pièce le plus discrètement possible avec la sensation de faire une erreur.

          Toutefois, mon hésitation fond comme neige au soleil lorsque je franchis le seuil de la porte. Maëva est en train de dormir dos à moi à un coin du lit. Je m'approche doucement. Elle est enroulée dans la couverture si bien que je ne vois que son visage, mais c'est largement suffisant pour constater sa maigreur. Il règne une atmosphère lourde dans la pièce et je comprends soudain pourquoi. Son enfant - notre enfant - n'a pas survécu.

           La douleur me frappe si soudainement que je tombe à genoux, le souffle coupé. J'ai tellement mal que je n'arrive même pas à pleurer. Les pensées se bousculent dans ma tête : la perte de ce qui m'est le plus cher au monde, l'injustice de la situation, l'horreur de ce que j'ai fait subir à la seule femme que j'aie aimé, les émotions que je refoule depuis mon enfance...

           Je n'ai pas conscience du temps que je passe ainsi, effondré au pied du lit, la tête entre les mains. Lorsque je la redresse enfin, ma décision est prise. Je me relève difficilement et m'allonge à côté de Maëva en faisant attention à ne pas la toucher.

-Je te demande pardon pour tout, je murmure.

          Même si je m'adresse à son dos et qu'elle ne m'entend certainement pas, j'inspire un grand coup avant de poursuivre,

-Je vais partir. Tu n'auras plus jamais à t'inquiéter de moi.

           Le silence envahit la pièce. Je devrais m'en aller, mais je ne peux pas m'empêcher de vouloir rester quelques instants pour graver une dernière fois l'image de Maëva dans ma mémoire. Une grande lassitude m'envahit soudain. Je ferme les yeux pour faire le vide dans mon esprit. Juste quelques secondes...

                                      ***

             Je suis réveillée par un poids sur mon torse. J'essaye de me redresser mais la pression d'un objet tranchant contre mon cou m'en empêche. Par réflexe je lève les deux mains paumes visibles en signe d'apaisement.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant