Je suis ton ombre

Partie 5

Point de vue de Damien

Ses beaux yeux verts se posent sur ma main tendue. Elle se mord les lèvres, et je peux presque voir les rouages de son cerveau tourner. Je sais qu'elle n'a pas envie de me suivre, encore moins habillée comme je le lui imposé. Mais je sais aussi que la curiosité, et surtout l'espoir de trouver un moyen de s'échapper prendront le dessus.

Ce qu'elle ignore en revanche, c'est que toutes ses tentatives de fuite seront vaines. Cela fait trop longtemps que je la veux. Si longtemps...Combien de journées ai-je passé à fantasmer sur elle ? Sur son corps parfait, son sourire éclatant, son tempérament de lionne ?  Combien de fois ai-je rêvé de la pendre dans mes bras, de la bercer, d'embrasser chaque parcelle de sa peau...Désormais ce ne sont plus des songes. Elle est là, à portée de moi. Et même si elle ne le sait pas encore, elle ne partira pas. J'ai envisagé tous les scénarios possibles, tout anticipé pour qu'elle reste avec moi. Et de toute façon, je serai suffisamment sévère pour lui faire passer l'envie de me fausser compagnie si besoin est.

Elle lève son regard vers moi. J'y lis encore de la peur, mais beaucoup moins que lorsque je lui ai parlé plus tôt dans la journée.

-Je peux marcher toute seule, me dit-elle sèchement.

Ce caractère...Je tends mon bras en souriant pour l'inviter à me précéder. Elle passe devant moi avec une démarche hésitante, et j'en profite pour l'observer. La combinaison des talons hauts et de la robe courte met en valeur ses jambes minces. J'ai bien entendu fait exprès de choisir des habits moulants qui font ressortir ses courbes. Je ne permettrais pas qu'elle sorte comme ça, mais ici je suis le seul à pouvoir profiter de son corps.

Je la suis de près, et au bout de quelques pas, comme je le pensais, elle manque de tomber. Je la rattrape par la taille avant que sa cheville ne se torde complètement et la redresse.

-On dirait bien que non, je lui réponds, moqueur.

Ses joues sont cramoisies. Elle essaye de se dégager mais je lui attrape fermement le bras et l'entraine vers la porte, si bien qu'elle n'a d'autre choix que de me suivre pour ne pas tomber. Je compose le code en prenant garde à ce qu'elle ne le voie pas, puis sort de ses appartements.

Point de vue de Maëva

Je le déteste. Je mettrais ma main à couper qu'il a fait exprès de me donner ces chaussures pour que j'aie besoin de son aide pour marcher. J'ai l'impression que ma peau brûle à l'endroit où il me tient et je dois lutter pour ne pas lui mettre de gifle. Mais cette sortie de ma chambre constitue peut-être une de mes seules chances de trouver un moyen de m'échapper, alors je ravale mon dégoût et je le suis.

Nous empruntons un couloir, puis un second. Cet endroit est immense. J'ai l'impression d'être dans une sorte de manoir moderne. Nous arrivons finalement à un grand escalier qui me semble être en marbre.

Avant que j'aie le temps de réagir, Damien a placé une de ses mains dans mon dos et l'autre sous mes genoux et m'a prise dans ses bras. Je me débats pour qu'il me lâche, mais il enfonce ses ongles au creux de mes omoplates, ce qui me fait gémir de douleur.

-Arrête de gigoter, dit-il, et je sens l'agacement pointer dans sa voix.

Je lui obéis, ne voulant pas affronter sa colère maintenant. Nous descendons deux étages. Il me redépose enfin au sol, mais replace son bras sous le mien pour me soutenir. De l'autre main, il remet une mèche de cheveux derrière mon oreille.

-C'est normal que tu te sentes perdue, dit-il d'un ton enjoué. Ne t'inquiète pas, cela passera rapidement.

Je serai partie avant d'avoir pris mes marques ici, connard, pensé-je. Il me fait visiter plusieurs pièces. Bureau, salle de jeu, bibliothèque et j'en passe. Je suis estomaquée par la taille de cette maison. Qui aurait assez d'argent pour pouvoir se payer une telle propriété ?

Nous passons à plusieurs reprises devant la porte principale. Elle est grande, imposante, majestueuse. Fermée, surtout. Un digicode semblable à celui dans ma chambre semble l'ouvrir. Le seul barrage entre moi et la liberté. Je réfléchis aux différentes manières de me procurer le code mais Damien interrompt mes réflexions.

-N'y pense même pas.

A croire qu'il lit dans mes pensées. Il raffermit sa prise sur mon bras et m'entraîne vers une cuisine immense qui n'est séparée du salon que par un bar. Derrière le plan de travail, une jeune fille portant un long tablier blanc s'active à couper des légumes.

-Maëva, je te présente Alice. Tu peux t'adresser à elle s'il te manque quoi que ce soit. Alice, voici Maëva, mon...invitée.

Alice, qui s'est retournée, m'adresse un sourire gentil. De visage elle me parait légèrement plus âgés que moi, mais son corps menu et sa petite taille me laissent des doutes. En tout cas, elle pourra sûrement m'aider une fois qu'elle saura...

-Inutile de te préciser que si tu lui demandes de l'aide pour t'échapper j'en serai immédiatement averti, chuchote Damien dans mon oreille, me ramenant encore une fois à la réalité.

Mon cœur se serre légèrement, mais je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort, mon ravisseur continue sa visite. Il m'emmène à l'arrière de la maison. Il ouvre une porte, et j'aperçois le ciel bleu ainsi qu'une piscine. Il me tire légèrement pour m'inviter à le suivre. Je n'en reviens pas, il me laisse vraiment sortir !

-J'espère que nous aurons l'occasion d'en profiter bientôt, susurre-t-il, mais je ne l'écoute pas.

Je ne parviens pas à voir la totalité de l'espace sur lequel s'étend la propriété. Ce que je vois très bien, par contre, c'est le mur haut de plusieurs mètres qui l'entoure. Le seul endroit où il disparait de ma vue est à l'orée de ce qui me semble être un bout de forêt, mais je me doute qu'il en fait le tour par-derrière.

Mon cœur sombre. Bien sûr que cela ne dérange pas Damien de me faire sortir. Il a tout prévu. Je ne partirai jamais d'ici.