Partie 10

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Point de vue de Maëva

         Fébrile. J'ai enfin fini. Ce qui était une simple brosse à dents est maintenant plus tranchant qu'un couteau de cuisine. Il n'y a plus qu'à.

J'ai enfilé les chaussures les plus « confortables » que j'ai trouvées. Il s'agit de pseudo baskets à talons comme celles qui étaient à la mode il y a quelques années. Pas optimal, je sais. Mais au moins les talons ne sont pas fins et elles sont fermées, ce qui me permettra de courir sans me blesser. Le plan est simple : sortir sans me faire repérer, m'enfoncer dans la forêt et trouver un moyen de quitter cette propriété, quitte à grimper aux arbres pour cela. Si je ne trouve rien, je rentrerai et je chercherai un téléphone mais je ne sais pas si la maison est vide, je ne ferai donc cela qu'en dernier recours. Je prie pour ne pas me faire rattraper. Je sais que je risque gros, Damien n'est pas du genre à laisser quelqu'un qui remet en cause ses ordres impunis -la cicatrice sur ma joue me le rappelle suffisamment.

Lorsqu'Alice entre en fin de matinée, mon sang ne fait qu'un tour. Elle s'avance, et j'en profite pour me placer devant la porte de sorte à lui bloquer l'accès. Elle ramasse le plateau et revient vers moi.

-Pardon, Mademoiselle.

Je secoue la tête de droite à gauche.

-Pose ça, Alice.

Ses sourcils se froncent, elle a compris que quelque chose cloche. Elle me fixe avec incompréhension sans bouger, mais je n'ai pas la patience d'attendre. D'un geste, je fais valser le plateau. Je me jette sur Alice et la retourne. Elle pousse un petit cri. Je lui attrape les bras et les immobilise dans son dos avant de la plaquer contre le mur à quelques centimètre du digicode. Elle essaye de se débattre mais j'avais raison, je suis bien plus forte qu'elle.

-Qu'est-ce que vous faites ? Lâchez-moi !

-Dis-moi le code.

-Non !

Je la maintiens d'une main et avec le poids de mon corps. De l'autre, je sors mon arme improvisée et viens la placer sur sa joue. Grâce à Damien, je sais que se retrouver dans ce genre de situation est terrifiant, mais je n'ai pas le choix. Les yeux d'Alice s'agrandissent et elle hoquette de stupeur et d'effroi.

-Alice, dis-moi le code. Je ne veux pas en arriver là, mais je te jure que je n'hésiterai pas à te blesser.

-9...4...3...7...dit-elle en sanglotant.

J'essaye immédiatement la combinaison. La porte se déverrouille. Je me reconcentre sur ma pauvre demoiselle de chambre.

-Et celui de la grande porte ?

Ses yeux s'agrandissent encore si cela est possible et ses pleurs redoublent. Sa bouche s'ouvre et se ferme sans prononcer un son. Les émotions se succèdent sur son visage : peur, hésitation, culpabilité... Je presse de plus en plus le surin sur son visage jusqu'à la faire craquer.

-D'accord, je vais vous le dire ! Mais s'il-vous-plait, ne me faites pas de mal...1...9...3...2...

-Alice, j'espère que tu ne me mens pas. Je te jure que si tu ne m'as pas dit la vérité je reviendrai te tuer. Tu m'as bien comprise ?

Elle hoche la tête de haut en bas en pleurant à chaudes larmes. Bon, je n'ai plus qu'à lui faire confiance. Je fouille rapidement ses poches pour voir si je peux trouver un téléphone mais il n'y en a pas. Je finis par la lâcher. Je la regarde une dernière fois en m'excusant intérieurement et j'ouvre la porte.

Je la referme rapidement derrière moi. Je traverse les couloirs sur la pointe des pieds. Je ne sais pas si Damien ou quelqu'un d'autre est ici, je suis donc sur mes gardes. Par chance, je ne croise personne et parvient jusqu'à la porte d'entrée sans encombres. Je retiens ma respiration en composant le code qu'Alice m'a donné et ne la relâche que lorsque la porte se déverrouille. L'air frais sur mon visage me fait un bien fou. Je ferme délicatement et me mets à courir vers la forêt. Vers la liberté.

Point de vue de Damien

Les vibrations de mon téléphone me surprennent, je n'attends de message de personne. Je me détourne de mon ordinateur en fronçant les sourcils avant de regarder l'écran. Il s'agit d'Alice. La colère m'envahit instantanément. Elle ne peut m'avoir contacté que pour une seule raison. Je lui ai ordonné de toujours avoir sur elle un cellulaire bien caché lorsqu'elle va voir Maëva pour qu'elle puisse me joindre en cas de problème. Et c'est ce qui s'est passé : « Elle a les codes ».

-Elle se moque de moi, je souffle.

De mon bureau au rez-de-chaussée, je ne l'ai pas entendue descendre, ni la porte s'ouvrir. Je me connecte au système de sécurité. A l'exception de ses appartements, l'ensemble des pièces de la maison sont surveillées par des caméras. Je fais défiler les pièces sans la trouver. Je finis finalement par la voir s'échapper du champ de la caméra située sur la terrasse en direction de la forêt. Je bous intérieurement et je dois me faire violence pour ne pas jeter tout ce qui est à ma portée contre les murs.

-Je vais la tuer, c'est pas possible...je crache entre mes dents serrées.

J'attrape le pistolet qui se trouve dans le tiroir de mon bureau et m'élance à sa poursuite. Je sors de la maison en trombe et cours vers la forêt. Au moment où je m'enfonce entre les arbres, je ralentis la cadence. Il n'y a aucune issue possible, elle est complètement piégée par l'enceinte. Il me semble entendre des bruissements, je me dirige donc dans cette direction.

-Maëva, je lance d'une voix forte, je sais que tu es là. Reviens maintenant et je te jure que je serai plus indulgent.

Pas un bruit. Je distingue maintenant le mur. Il faudrait que je pense à faire couper les arbres. La palissade n'est haute que de quelque mètres, et il serait facile de s'en servir pour passer de l'autre côté. Un sourire étire mes lèvres. Je viens d'apercevoir son ombre derrière l'un des troncs. Je m'arrête. Mon instinct de prédateur reprend le dessus, et je décide de m'amuser un peu. Après tout, rien de plus jouissif que d'être le chat lorsque l'on sait que la souris ne peut pas s'enfuir...

-Maëva, je crie dans sa direction. Je te laisse vingt secondes pour t'échapper. Vingt secondes...ensuite je t'attrape.

Je suis ton ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant