Rina, 13 ans se replonge dans ses souvenirs de famille via les cartes postales qu'elle écrivait enfant avec son frère de quelques années plus âgé.
Elle redécouvre leur complicité, les moments marquants de leur histoire mais également des parties de...
J'ouvre le frigo de la cuisine et en sort de la ciboule, un poireau et du filet de poulet. Je prend une gousse d'ail dans un pot sur le plan de travail ainsi qu'un large saladier, de la farine et du gros sel. J'enfonce deux écouteurs dans mes oreilles et laisse la musique me bercer.
Je laisse tomber la farine dans le saladier et dissout le sel dans un verre doseur plein d'eau puis je mélange à l'aide de baquettes pour former une pâte lisse que j'entoure dans du papier étirable et laisse reposer. Je découpe mes légumes et les lance dans la poêle huilée, je soupire en pensant à mon frère qui aidait mon père a préparer à manger tandis que ma mère me faisait réviser mes kanjis.
Une vingtaine de minutes plus tard, je sors de la cuisine en tenant deux bols brûlants entre mes mains. L'odeur de sauce soja et de légumes réveille ma mère qui sourit doucement à la vue du plat de nouilles udon.
Elle me tend une carte postale légèrement tordue en s'étirant alors que je lui pose le bol sur les jambes.
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"Kei m'a réveillé tôt ce matin parce qu'il a dit que je devais être la plus belle de l'école. Il m'a habillée et brossé les cheveux puis il m'a même donné mon bento, il a dit qu'il avait préparé tout seul avec maman hier soir. Il est vraiment trop fort. J'ai hâte de manger mon bento à midi."
"Les escaliers de l'école...
- Kei était si fier de t'accompagner le premier jours d'école. Il avait attendu que tu entres en classe avant rejoindre la sienne, il était arrivé en retard. "
Je coince une nouille entre mes baguettes et l'aspire bruyamment tout en appréciant le goût général de mon plat, je ferme les yeux, cherchant le souvenir qui se raccroche aux goûts qui embaument mes papilles, un frisson remonte le long de mon dos : c'était ce bento, celui que Kei m'avait fait.
Souvenir
"Dépêche Rina ! Met cette robe ! Avec des collants, il commence à faire froid.
- Kei, j'ai peur...
- De quoi Riri ?
- D'arriver dans une nouvelle classe au milieu de l'année, je vais pas avoir de copains ni de copines c'est sûr.
- Mais bien sûr que si ! T'es trop belle et intelligente ! Et puis t'es rigolote et gentille. Et s'ils veulent pas être tes copains je serai avec toi ! On mangera ensemble ce midi si tu veux !
- Oh oui Kei !
- Aller bouge toi."
Il pose sur mon lit les habits sélectionnés et part dans sa chambre pour s'habiller. Je le rejoins en bas et il me serre dans ses bras avant de me tendre mon bento. Notre mère nous tend une brioche et un verre de jus de fruit que nous avalons avant de l'embrasser, passer rapidement à la salle de bain et sortir en courant.
L'air est frais, mon frère pose sa veste sur mes épaules et recouvre mes cheveux de la capuche en silence quand il me voit frissonner. Je le regarde les yeux brillants, il me sourit, les mains dans les poches, ses cheveux mi-longs volant au rythme du vent.
"Quand je serai grande je me marierai avec toi Kei.
- Hein ? Mais on peut pas Rina. C'est interdit.
- Mais je t'aime."
Il rit en passant une main sur ses cheveux, ses canines pointue lui donnant un air presque félin.
"Moi aussi je t'aime, je serais toujours là pour toi."
Il me dépose devant ma salle, une fille blonde arrive vers moi :
"Waa, c'est ton frère ?
- Hm, oui.
- Il est beau ton frère"
Je rougis, Kei va plaire à toutes les filles qu'il va croiser, c'est sûr. Je grince des dents en m'asseyant à une table vide à la pensée qu'il ne passe plus autant de temps avec moi.
Le midi je rejoins mon frère dans la cour et le serre dans mes bras, je prends conscience qu'il ne restera pas toujours avec moi, que je ne serais plus sa princesse d'ici quelques années, une larme roule doucement sur ma joue. Dans l'incompréhension il me serre dans ses bras et dépose un bisou dans mes cheveux. Je mange en silence, posant quelques questions à mon frère sur le déroulement de ses cours. N'abordant pas le sujet de la fille de ce matin, je préfère graver chacun de ses traits dans ma mémoire.
L'après-midi se déroula sans encombre et je fais la rencontre de Toya, un garçon de ma classe très intelligent et timide comme moi.
En sortant des cours je raconte à Kei ma journée, il me regarde en souriant ravi que je me sois fait des amis. Il tient ma main tout le long du trajet, ne me lâchant pas du regard alors que mes yeux brillent lorsque je lui explique les devoirs que j'ai à faire pour le lendemain.
"Je vais t'aider ! Quand on rentre on s'y met et tu regarderas quand je fais mes devoirs aussi, pour être la plus intelligente !
- Et comme ça si je saute deux classes je serais avec toi !"
Il rit doucement, ses yeux brillent, je ne me lasserai jamais de rire avec lui.
Fin du souvenir
Mes yeux croisent ceux de ma mère, cette époque nous manque tant. Je regarde la date sur la carte et étouffe un sanglot : 16 août 1997. Deux ans pile avant le décès tragique de notre père. Je pose la carte avec les deux autres déjà lues et en attrape trois que j'amène avec moi dans ma chambre en silence.
Arpentant le couloir sombre, je laisse les larmes dévaler mes joues. J'ouvre la porte de ma chambre et me laisse tomber sur le lit sans allumer la lumière. Laissant l'obscurité m'engloutir, mon cœur se serre, une douleur irradie ma poitrine tandis que des images du visage souriant de mon père passent devant mes yeux. Je referme ma main sur un morceau de tissu décoré de deux yeux brodés par mon frère :
"Kei, j'ai besoin de toi..."
Je laisse mon visage tomber sur l'oreiller et reste immobile quelques minutes, ma respiration se calme et j'allume la lampe de chevet, observant les photos d'enfance de mon frère et moi. Son visage me fait toujours sourire. Je pose les carte sur les draps et me dirige vers la salle de bain pour me doucher.
J'entre, gênée, dans la chambre de mon frère pour y récupérer l'un de ses pulls larges et en ressort rapidement. Je m'allonge dans le lit et me recouvre des draps. Je fais glisser les cartes dans mes mains observant leurs couleurs vives.
