Carte postale 9 : Accrobranche

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Assise sur le rebord de la fenêtre, le soleil se lève, illuminant le ciel de milliers de nuances d'orange et de violet. L'air est frais et je frissonne avant d'enfiler à nouveau le pull de mon frère et de resserrer la capuche autour de mon visage. Je regarde la date sur la carte postale et ma gorge se serre : 17 septembre 2001. Un mois après le décès de notre père.

La carte est tâchée de terre marron clair, des empreintes de doigts la marque, je reconnais les miens et ceux de Kei, plus grands, nous avions neuf et onze ans, ce n'est pas un âge pour perdre son père. Y'a-t-il seulement un âge pour perdre son père ?

Je me lève pour attraper une photo de notre famille en août 1999, ma mère sourit, mon père se bat avec mon frère en riant, je les regarde les yeux brillants de joie. Mon frère et moi avions le regard de notre père, malin, félin, des yeux presque jaunes; le visage de notre mère, fin et long. Il était impossible pour qui que ce soit de ne pas penser que nous étions frère et sœur.

Je retourne l'image représentant un sentier dans la forêt et suis surprise de voir l'écriture de Kei au début :

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Je retourne l'image représentant un sentier dans la forêt et suis surprise de voir l'écriture de Kei au début :

"Bon vu que cette idiote de Rina ne veut pas écrire c'est moi qui le ferait. Aujourd'hui ça fait 1 mois. Un mois que tu nous as quitté papa. Alors j'ai voulu sortir la famille, car maintenant c'est moi l'homme de la maison ! Tu verras papa je vais les protéger, je donnerai tout pour Riri."

Son écriture s'arrête et la mienne reprend :

"Kei nous a amené à l'accrobranche, il a piqué une crise à maman parce qu'il voyait qu'elle allait passer la journée à pleurer. Il a dit que pleurer ne servait à rien et que l'on devait être heureux. D'avoir tous ces souvenirs avec papa, mais que l'on devait créer d'autres souvenirs tous ensembles. De toute façon, papa ne mourra que lorsque personne ne pensera à lui, ce qui n'arrivera jamais. Bref, on a fait la course avec Kei et...J'AI GAGNE ! C'est grâce à ma maman qui m'a encouragé ! On a beaucoup rit, Kei, c'est un génie, il est trop fort pour tout."

Les rayons du soleil caresse mon visage et je ferme les yeux, me plongeant dans le souvenir.

Souvenir

Le silence est roi dans la voiture tandis que nous quittons la maison, je sens la tristesse qui habite ma mère, le poids qu'elle porte sur ses épaules, le regard de Kei croise le mien, lui aussi a dû subitement vieillir pour que je ne sombre pas comme eux. Ses traits sont tirés, ses yeux cernés, son regard enfantin est plus dur qu'auparavant et pourtant, il me sourit et caresse mes cheveux avec tant de douceur.

Je passe mes bras autour de son corps et pose ma tête contre sa poitrine, écoutant battre son cœur, c'est doux, calme, régulier, la chaleur qu'il dégage me montre qu'il est bien en vie, à mes côtés. Mais son regard a quelque chose de mort. Je serre mon poing et me penche vers l'oreille de mon frère, je chuchote doucement :

"Aujourd'hui, c'est moi qui vais vous faire sourire tous les deux. Je vais être l'adulte."

Son regard se voile un instant, il soupire avec un faible sourire et colle ses lèvres à mon oreille à son tour :

"Je savais que t'étais maline mais de là à voir tout ça, je suis fier de toi Riri. Tu es une petite sœur fantastique. Ne t'inquiète pas pour moi, je suis heureux dès que je suis avec toi. Faisons rire maman aujourd'hui."

Je rougis et un petit rire m'échappe, nous frappons nos poings l'un contre l'autre sous le regard légèrement amusé de ma mère et je cris bien fort :

"Début de la mission des soldats Baji ! Maman tient toi prête !"

Nous arrivons quelques minutes plus tard sur un parking en terre, le soleil brille, un léger vent me fait frissonner. Je cours en direction de la cabane à l'entrée du parc et m'arrête avant, laissant passer mon frère et agrippant à lui. Je souffle doucement :

"J'ai peur des gens Kei."

Il pose sa main sur mon épaule et ma mère nous rejoint. Elle paye trois entrées, un moniteur vient nous expliquer le fonctionnement du harnais et les règles de sécurité avec les mousquetons puis il vérifie que nous avons tous compris.

Au vue de ma taille il conseille à ma mère de me laisser faire seulement les parcours vert et bleu, je lance un regard irrité à mon frère et maman étouffe un rire face à mon visage boudeur, je peste :

"Je vais arriver à faire les parcours pour les grands aussi !"

Nous nous élançons sur les câbles métalliques et les poutres suspendus en l'air, l'appréhension limite mes mouvements mais lorsque je vois mon frère se déplacer aisément j'oublis le vide et ma peur et je fonce. Nous glissons de tyrolienne en tyrolienne, riant à gorges déployées. Je m'efforce de faire la comique et dans leurs yeux la tristesse disparaît un peu. Après deux bonnes heures à tourner sur les circuits verts et bleus, mon frère me regarde et m'indique du doigt le panneau pour le circuit rouge. Je serre mon poing face à mon visage et court à toute vitesse :

"Maman, regarde comme je vais être forte ! Je vais aller encore plus vite que Kei !"

Je m'élance, accroche un mousquetons, puis l'autre, cours sur le câble, décroche, raccroche, décroche, raccroche, je saute de balançoires en balançoires, mon frère sur les talons. Décroche, raccroche, décroche, raccroche, je saute dans le vide pour atteindre le filet en face et grimpe à toute vitesse. Décroche, raccroche, décroche, raccroche, je prends une première tyrolienne puis emprunte une planche, une seconde tyrolienne, un filet tendu à l'horizontal, un vélo sur un câble tendu et face à moi se tient le dernier obstacle : un immense pont dont les planche sont largement espacées. Ma mère m'encourage en bas, les yeux brillants, je me retourne, mon frère pédale doucement sur le vélo, le visage rouge, la respiration courte. Je reprend ma respiration et commence à enjamber doucement les marches, son rire résonne derrière moi, il s'approche, faisant de grands pas :

"Aller Rina, aller ma puce, fonce, tu peux battre ton frère."

La voix de ma mère est enjouée, des larmes me montent aux yeux et je me mets à sauver rapidement de planche en planche, courant pour palier à la taille de mes jambes, décroche, raccroche, décroche, raccroche, je dévale l'échelle pour enfin arriver en bas et sauter dans les bras de ma mère. Elle me félicite et Kei me rejoints en râlant avant de me prendre dans ses bras et de me serrer contre lui.

"Rina, je sais pas comment je ferais sans toi, ton sourire, ta bonne humeur. Merci d'être là."

Je m'écarte de lui, ses traits sont moins tirés, comme s'il était redevenu enfant. Je souris malicieusement.

Fin du souvenir

Je sors une cigarette du paquet que j'ai trouvé dans la chambre de mon frère et la glisse entre mes lèvres, je craque le briquet devant la pointe et laisse la flamme lécher le bout du bâton de nicotine. Certains soirs il venait dans ma chambre pour fumer, je l'ai déjà vu faire des milliers de fois, je souffle, met la cigarette dans ma bouche et aspire, la fumée brûle ma gorge et je tousse mais recommence en voyant le nuage de fumée s'envoler.

"C'est donc ça qui te plaisait tant Kei ? Voir ton souffle se matérialiser, voir ces nuages sortir de ton corps et cette sensation doucereuse qui envahit mes veines. C'est doux, mais malsain et manipulateur. Je vais fumer un peu Keisuke, tu ne m'en voudras pas hein ?"

Volonté - Tokyo revengers x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant