Rina - Carte postale 13.1 : Nagoya

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Je me tourne une énième fois dans mon lit en rouspetant avant de taper sur l'écran de mon téléphone pour voir l'heure : 02h47, une parfaite nuit d'insomnie, pile comme je les aime.
Je me redresse dans mes draps, les paroles de la psychiatre tournent en boucle dans mes pensées : "Depuis quand es-tu dépressive ?" Quelle question, comme si je savais depuis quand je suis triste, vide, morte à l'intérieur...bien sûr que je le sais. J'abats mes poings sur mon matelas en étouffant un grognement de colère.

Je fini par allumer la lampe de chevet et la lettre écrite de ma main qui suit celle de mon frère sur les gangs. L'enveloppe porte le nom de mon frère, le papier est gondolé mes larmes sont tombées sur cette lettre. Mais je passe mon temps à pleurer c'est fou...
Je l'ouvre et grimace en voyant la date : 3 mai 2005.
J'avais commencé le collège depuis un mois.

"Salut Kei,

J'aurai jamais pu imaginer qu'être loin de toi comme ça me ferait si mal. Savoir qu'en sortant des cours je vais juste retourner dans la chambre d'internat, avec mes voisines bruyantes qui rient comme des poules. Les draps sentent la lessive du collège, j'ai pas le droit de mettre de photos sur les murs ou sur les meubles, pas le droit de mettre d'habits personnels en dehors du week-end.

Je me rend compte à quel point tu m'as donné goût à la liberté, à quel point tu m'as appris à me battre pour elle.
Du coup, le week-end dernier je suis allée me faire tatouer. J'ai fais un faux mot de maman, j'ai pris mes économies et je suis allée dans un salon de tatouages.
J'ai parlé au tatoueur de nous : une âme dans deux corps, deux cœurs qui veillent l'un sur l'autre, cette liberté qui guide ta vie, qui illumine la mienne. Il a beaucoup aimé mon envie et on a passé l'aprem à dessiner des idées, des dizaines, des centaines. Et finalement, sur les coups de 18h je me suis allongée, je lui ai tendu mon bras et il a commencé.
J'ai maintenant sur bras nos deux silhouettes dont les cœurs sont reliés par un fil rouge et les âmes, représentées par deux moitiés de flamme bleue.

(Nda : je vais vous faire un visuel du tatouage dans les prochains jours ;)

Quand je suis rentrée à l'internat, en retard et tatouée ça été une scène phénoménale, ils ont voulu appeler maman, qui n'a jamais répondu et finalement je n'ai eu aucune conséquence.

Comme ça, je nous ai dans la peau. Pour toujours.

Merci Kei, pour tout ce que tu m'as toujours apporté sans que je m'en rende compte. Tu as fait de moi la petite femme que je suis. Je suis fière d'être moi, fière d'être ta sœur.

Je t'aime, à bientôt,

Ta Rina."

Je caresse doucement le dessin encré dans ma peau, le bleu clair des flammes de nos âmes est hypnotique. Je soupire en me rappelant la fin de cette semaine de collège où je m'étais sentie vivante et libre.

Souvenir

Je sors du dernier cours en m'étirant, dévoilant le tatouage tout frais sur mon avant bras. Les murmures s'élèvent dans le couloir tandis que j'attrape ma valise et sors du bâtiment en souriant.
Je suis largement en avance sur mon train et décide de déambuler dans la ville jusqu'à arriver au salon de tatouage. Je passe la porte :

"Bonjouuur.

- Oh ! Salut Rina ! Comment se passe ta cicatrisation ?

- Impeccable. Je vois que vous avez des percings, vous en faites aussi ?

- Yep !

- Je...

- M'en dis pas plus, suis-moi !"

Je laisse ma valise dans un coin, le tatoueur me demande où est-ce que je veux réaliser les percings, je lui indique le cartilage haut de mon oreille gauche, il sort son matériel.

15 minutes plus tard je sors en courant, l'oreille percée de deux trous et un train à rattraper.

Arrivée à Tokyo sur les coups de 21h, Keisuke est venu m'accueillir à la gare. Il m'observe de loin et sa mâchoire se décroche petit à petit :

"Un tatouage et deux percings ? Mais...c'est nous ? Riri, c'est nous ?"

Je hoche doucement la tête avec un sourire, ses yeux se chargent de larmes de joie tandis qu'il m'entoure de ses bras et observe de plus près les traits fins qui ornent désormais mon bras. Il passe doucement son doigt dessus, fasciné :

"C'est toi qui a eu l'idée de ce dessin ? De toute la symbolique ?

- Oui, le tatoueur m'a aidé à harmoniser le tout mais je lui ai exposé ce que je voulais.

- J'adore, je... j'ai même pas les mots, à quel point c'est beau, ça me touche. Je t'aime tellement."

Cela faisait un mois que nous ne nous étions pas retrouvés de cette manière : seuls, heureux. Nous restons dans la gare durant de longues minutes qui passent à une vitesse ahurissante.
Puis finalement, je monte derrière lui sur sa moto, j'entoure sa taille, inspire son odeur, mon corps se détend : il est là avec moi après le manque, la tristesse et les remords, nous sommes là.

Arrivés chez nous ma mère avait faillit tomber dans les pommes face à mon tatouage et avait du s'asseoir en voyant mon oreille fraîchement percée. Tandis que je monte dans ma chambre pour me coucher elle m'appelle :

"Même si je suis encore un peu sous le choc, le tatouage est magnifique Rina. C'est très beau, le dessin et le message.

- Merci Maman, dors bien !

- Ne vous couchez pas trop tard, je vous entend rire jusqu'à minuit passé bien trop souvent..."

Je ris tandis qu'elle se force à me faire une tête énervée.
Ma mère n'a jamais été celle qui s'énervait, elle a toujours eu du mal à ne pas rire face à nos bêtises.

Je me douche et rejoint mon frère dans sa chambre.

"Tu sais que tu m'as vraiment manqué quand même sale gosse.

- Toi aussi Kei.

- Tu te souviens, quand, il y a quelques années je t'ai demandé d'attendre avant que je puisse tout te raconter ?

- Oui.

- Le moment est presque venu. Soit encore un peu patiente.

- J'attendrai, ne t'en fais pas."

Il ébouriffe mes cheveux :

"Tu veux bien dormir avec moi Riri ?"

Pour toute réponse je me glisse dans ses bras. Son cœur bat vite, il est crispé, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter :

"Ça va Kei ?

- Attend encore un peu, s'il te plait."

Sa voix est teintée de tristesse, pour la première fois je me sens impuissante face aux émotions de mon frère. Pour la première fois, je pleurais pour lui tandis qu'il me serre contre son torse.
Pour la première fois, j'avais peur pour mon frère.

Fin du souvenir

Je relève la manche de mon pull et sourit à l'idée qui éclot dans mes pensées : et si j'allais rajouter une oeuvre sur cette peau si blanche ?
J'attrape une feuille de papier et un crayon et commence les croquis, froissant et jetant ceux qui n'arrivent pas à exprimer suffisamment cette noirceur qui me broie.

Volonté - Tokyo revengers x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant