Rina - Carte postale 10.1 : Kei au collège

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Je regarde la boîte contenant les autres cartes postales, le goût de la cigarette irradie ma gorge, je m'arrête un instant avant de secouer la tête et de repartir. Les souvenirs sont doux et douloureux, ils remplissent mon coeur de joie avant de le broyer lorsque je me souviens qu'il ne sera plus jamais là.

Je n'ai pas lu de cartes durant plusieurs jours. Je passe mon temps dans ma chambre, allongée dans mon lit ou dans le jardin à faire un peu de sport pour ne pas devenir rachitique et inquiéter ma mère plus qu'actuellement.

Il est 01h37, je suis accoudée au rebord de la fenêtre, une cigarette coincée entre mes doigts. De doux coups résonnent contre le bois de la porte, j'invite ma mère a entrer, elle tient dans ses mains 9 lettres, 5 de la main de mon frère et 4 de la mienne. Je ne savais pas qu'il m'en avait écrit. Ses yeux croisent timidement les miens, elle me tend les lettres :
"Il voulait que tu les lises. J'ai pris les tiennes, pour que tu te souviennes des années."
Je hoche la tête, mes doigts se referment sur les papiers, elle ressort en me souriant doucement. Je regarde les dates et les trie, la première lettre est la mienne, elle date de l'entrée au collège de mon frère : avril 2002.

J'ouvre la lettre, une photo de mon frère en uniforme de son établissement scolaire tombe sur le parquet en bois de ma chambre.

J'ouvre la lettre, une photo de mon frère en uniforme de son établissement scolaire tombe sur le parquet en bois de ma chambre

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Je me souviens du moment exact où j'avais pris cette photo.

Souvenir

Keisuke et moi avons passé la majeure partie des grandes vacances sans nous voir, lui trop occupé avec ses amis, moi trop concentrée à préparer ma dernière année de primaire pour être prise dans un bon collège l'année suivante.

Je sors de l'école en traînant des pieds. Un bruit de moto me fait lever les yeux, mon frère est arrêté à côté du portail. Il descend de sa moto pour sortir de sous la selle mon casque Baji 2 inchangé depuis mon enfance.
Il me le tend en souriant, sans aucune parole. Je grimpe derrière lui après qu'il ai fermé le casque sous ma gorge.
Je croise les regards choqués des parents des élèves de ma classe et leur tire la langue.

Ce moment à deux que nous partageons est le premier depuis de longs mois. Mon frère roule, en silence durant une vingtaine de minutes avant de s'arrêter au bord d'une route, nous marchons pour finalement arriver en haut d'une colline surplombant la forêt et le quartier.

Le soleil se couche doucement, embrasant le ciel de couleurs cuivrées.
Je tourne le visage vers celui de Keisuke, étudiant son profil, son visage qui devient adulte avec le temps, ses cheveux qui ont beaucoup poussé. Je sors mon téléphone et le prend en photo. Il me sourit avant de me prendre dans ses bras.

Une boule se forme dans ma gorge, je retiens difficilement mes larmes, un sourire déformé apparaît sur mon visage enfouit dans son cou, j'articule difficilement :

"Tu m'as manqué Kei.

- Toi aussi princesse, toi aussi."

Il me tend un écouteur et enfonce l'autre dans son oreille, nos regards ne se lâchent pas, il attrape mes mains pour me forcer à me lever. Et lance mon corps en l'air avant de me faire tournoyer dans ses bras, malgré ses 14 ans sa musculature s'est fortement développée par la pratique des arts martiaux dans le dojo des Sano.

Mes bras entourent son cou, nous restons au sommet de cette colline, tournant sur nous même, mes jambes entourant la taille de mon frère. Profitant de chaque seconde que nous vivons ensemble, de chaque parcelle de son corps proche du mien, de chaque inspiration mélangeant nos souffles.

Keisuke m'écarte légèrement de lui en souriant :
"Quand tu seras grande je te raconterai pleins de choses que tu ne peux pas encore comprendre. Promets-moi d'attendre un peu, encore quelques années.

- Hm, ok, promis. De toute façon, ma vie sans toi ça n'existe pas."

Fin du souvenir

Mes yeux se ferment, laissant de nouvelles larmes dévaler mes joues.

Je les essuie d'un revers de manche et ouvre fébrilement le papier recouvert de mon écriture :

"Hey Kei,

Tu m'as demandé de t'attendre aujourd'hui mais...je ne vais jamais me rappeler tout ce que j'aurais à te dire dans quelques années. Du coup je vais écrire des lettres, comme les cartes postales que l'on écrivait enfants. Tu t'en souviens ?

Bref, me voilà enfin en dernière année de primaire et toi...après avoir brisé le cœur de maman en redoublant te voilà en première année de collège !
Félicitations !

Ton uniforme te va très bien, et waw ! Ce que tu es devenu musclé !

Je dois t'avouer que j'ai eu peur ces dernières vacances, de te perdre, de perdre l'étincelle qui brillait entre nous lorsque nous étions enfants.
Perdre cette petite chose qui fait que nous sommes Keisuke et Rina Baji, que nos présences attirent l'attention sur nous, que nous sommes une boule d'énergie, que nous sommes les soleils de nos vies.

Mais ce regard, que nous échangeons, il ne sera jamais perdu. J'en suis maintenant persuadée.

Ah, tu m'appelles, bon j'y vais, tu me demandes de l'aide pour tes devoirs...
J'arrive c'est bon ! Roh ce que tu peux être lourd par moments...

Ça fait 2 heures, pendant 2 put... longues heures j'ai du t'aider. Sérieusement Kei, tu vas en cours ?

Bref, je m'appelle Rina Baji, j'ai 10 ans et mon frère est entré au collège.

J'ai hâte d'être plus âgée pour que tu me racontes tout Kei...
Aller à bientôt,
Salut.

Oui, je t'aime.

Rina."

Je me souviens avoir donné cette lettre à ma mère après l'avoir écrite pour qu'elle la remette à mon frère dans quelques semaines.

Les tremblements s'emparent de mon corps en me remémorant les derniers mois de notre relation : nous ne nous parlions que très rarement, nous étions devenus étrangers, j'avais peur de revenir vers lui, je ne me suis jamais excusée face à lui de cette distance que j'avais créé. Un nouveau sentiment fait disparaître la tristesse qui inonde habituellement mon cœur : la colère, le dégoût de ma propre personne. Mon poing s'abat violemment sur le mur, je sens mon estomac se révulser.

Tout est de ma faute, sa mort, la distance entre nous, la maturité dont il avait du faire preuve après la mort de notre père, la fatigue qu'il accumulait pour aider ma mère. J'ai fait des dernières années de sa vie un enfer, sans jamais m'en excuser, car je savais que j'étais sa princesse.

Ma mère entre en trombe dans ma chambre. Ses yeux s'écarquillent : sa fille se tient face à un mur, la main bleuie par le coup qu'elle vient de porter, le visage déformé par les remords.

"Rina...

- C'est moi maman, c'est moi qui l'ai tué. C'est ma peur, mon innocence, ma stupidité, mon égoïsme qui l'ont tué."

Des larmes inondent ses yeux tandis qu'elle m'entoure de ses bras :

"Ne dis pas ça ma chérie. Il voulait ton bonheur plus que tout. Il ne t'en à jamais voulu, pour quoi que ce soit. Il a toujours su que tu l'aimais et il t'aimait plus que tout. S'il t'a protégé des difficultés de la vie c'est en sachant les conséquences sur la sienne. Il ne regrette rien. Ne t'en veux pas. Lis ses lettres je t'en prie."

Elle se détache lentement. J'enfonce rageusement mes écouteurs dans mes oreilles, volume au maximum, les musiques aux sonorités basses et calmes, aux paroles tristes m'arrachent des larmes supplémentaires qui s'écrasent sur les lettres portant mon prénom.

Ces lettres écrites de la main de mon frère.

Ces lettres emplies de son amour inconditionnel.

Je me gifle et respire un bon coup :

"Désolée Kei. Je vais me reprendre. Essayer de ne pas trop m'en vouloir. Vivre à fond. Découvrir tous ses paysages qui nous ont fait rêver et que nous n'avons pas pu voir ensemble.
Reste avec moi."

Je pose ma main sur mon coeur et je peux presque entendre sa voix me chuchoter à l'oreille : "Je resterai avec toi pour l'éternité Rina."

Volonté - Tokyo revengers x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant