Je resserre la capuche autour de mon visage jusqu'à disparaître quasiment, laissant seulement mes yeux et mon nez dépasser du tissu. Je joue avec les élastiques pour cheveux qui entourent mon poignet, cherchant en moi le courage de me replonger dans ces souvenirs. Je laisse ma tête partir en arrière pour reposer sur l'encadrement de la fenêtre en soupirant. La musique afflue toujours à un volume beaucoup trop élevé dans mes oreilles, je lève dans la nuit la seconde carte :
Mon cœur se serre au souvenir de cette soirée, mon écriture au dos est rapide, la pointe du stylo a fortement appuyée, laissant de petites tranchées dans le carton.
"Aujourd'hui c'est le festival du quartier, on doit le passer en famille et lancer des lanternes avec nos vœux écrits dessus pour qu'ils se réalisent. Kei a préféré passé le festival FAMILIAL avec Sachi. Ça fait 3 mois qu'ils sont ensembles et il passe son temps avec elle ou Manjiro. Bref, nous avons acheté des nouveaux kimonos car les autres étaient trop petits, Keisuke ne verra pas le mien c'est décidé."
Je me lève et m'approche doucement de mon armoire, je fais coulisser la porte en bois pour dévoiler le kimono porté une unique fois suspendu à un cintre. Le tissu intérieur est rouge sang, l'extérieur est blanc aux extrémités et se colore de jaune, orange et rouge pastels vers la ceinture noire et dorée. Je l'enfile doucement, laissant le tissu épais épouser mes formes et me regarde dans la glace, je revois Kei, un sourire ravi sur les lèvres lorsqu'il m'a enfin vu habillée après de longues minutes de négociation et de lutte.
Souvenir
Mon frère sort de sa chambre habillé du kimono que nous avions acheté avec nos parents sans nous les montrer. Je soupire en voyant le tissu bleu foncé ouvert jusqu'à la moitié de son torse, le tissu intérieur est noir et sa ceinture reflète la couleur de nos yeux. Il a attaché ses cheveux en queue de cheval. Il me regarde en souriant d'abord puis m'observe de la tête aux pieds :
"Bah, c'est quoi cette tenue Rina ? T'avais pas acheté de kimono toi aussi ?
- Je te le montrerai pas.
- Pourquoi ça ?
- Parce que tu passes notre premier festival des lanternes à Tokyo avec ta débile de copine.
- Eh ! Je te permets pas ! Sachi est cool !
- Elle est surtout jolie oui Kei ! Bref, laisse tomber, je me changerai quand tu seras parti la rejoindre.
- Nan, je veux te voir toute belle.
- Tu pourrais si tu restais avec nous.
- Tu vas pas réussir à le mettre correctement toute seule débile.
- Parce que le tien est mis correctement Keisuke ?
- Oooooh t'es vraiment énervée ehe. Faut pas être jalouse ma Riri, t'es ma petite sœur voyons.
- M'en fou, laisse tomber, je t'habille mieux et tu vires.
- On verra ça !"
Il entre dans ma chambre et je resserre les morceaux de tissus de manière à mettre en valeur sa silhouette, ses épaules développées, ses pectoraux dessinés malgré son âge. Je lui ajoute un collier que je comptais lui offrir à la fin du festival, une simple chaîne noire mate et un médaillon en forme de clé de la même couleur que la chaîne. Ses yeux s'agrandissent lorsque je passe le collier autour de son cou et que je grimpe sur le matelas pour être à hauteur du fermoir. Mon regard est triste, je fais en sorte de ne pas croiser ses yeux et descend du lit pour m'asseoir sur le rebord de la fenêtre.
Keisuke me regarde en passant sa main dans ses cheveux. Il peste puis ouvre mon armoire et découvre mon kimono, il me sourit, fier de lui et me le tend.
"Aller met le, s'il-te-plaît Rina.
- T'es chiant.
- C'est pas un langage pour une jeune fille ça..."
J'enfile l'habit traditionnel en pestant et Kei m'aide à l'ajuster, il me regarde, les yeux brillants, j'ouvre ma commode pour attraper une chaîne semblable à la sienne sur laquelle glisse une seconde clé légèrement différente de la sienne, je passe le bijou autour de mon cou sous le regard attentif de mon frère. Il embrasse mon front et me serre contre lui avant de sortir de la maison en saluant nos parents.
Je les rejoins dans le salon et nous nous dirigeons vers la place où tout le monde se retrouve. Ma mère achète une lanterne en papier et nous écrivons nos vœux dessus. J'ai le cœur serré, je ne vis pas pleinement le moment, je me sens dans un état second. Viens le moment où nous devons laisser les lanternes s'envoler, je tiens la nôtre dans mes mains, la petite flamme de la bougie brûlant doucement.
La foule rugit en cœur :
"3..."
Mon regard tombe sur le bijou qui orne mon cou.
"2...."
Je le cherche du regard à travers la foule, sa chevelure, son regard, son sourire.
"1..."
Nos regard se croisent et s'accrochent l'un à l'autre, nous sourions, les clefs qui pendent à nos cous brillent doucement.
"0..."
Je lâche la lanterne en même temps que lui, ses yeux se plissent doucement puis il détourne le regard pour le poser sur la petite blonde à ses côtés.
Je sens un poids s'enlever de mon cœur, je suis Rina Baji, sœur de Keisuke Baji, nous serons toujours ensembles, aux moments clefs, nous penserons toujours l'un à l'autre.
Fin du souvenir
Les larmes coulent lourdement sur mes joues et s'écrasent au sol, j'étouffe un sanglot :
"As-tu pensé à moi à ce moment là aussi Kei ?"
Je suis persuadée que oui, comme je pense à lui à chaque instant, il a pensé à moi lorsqu'il s'est senti partir. Imaginer ses pensées, ses sensations me donne la nausée, le fait que mon frère ne puisse plus me sourire n'est toujours pas totalement intégré dans mon esprit.
Nous sommes le 31 novembre 2005.
Keisuke Baji est décédé il y a un mois, il avait 15 ans, il en aurait 16 aujourd'hui.
Je suis Rina Baji, j'ai 14 ans et je pleure mon frère depuis un mois.
J'attrape rageusement une cigarette du paquet qui traîne sur le bureau et la passe entre mes lèvres, les larmes coulent sur le papier fin, je peste, frappe le mur du poing, déchaînant mes sentiments. Ma main libre se referme sur les deux clefs que je porte maintenant au cou. Les mots de Baji le lendemain du festival me reviennent en tête :
"Ces clefs, c'est celles de nos cœurs, tu as la clef du mien car tu es celle que j'aime le plus au monde. Cette clef protège tout ce que je suis et ce que je serais à jamais. C'est pareil avec celle que je porte, c'est la clef de ton cœur, je le protégerai quoi qu'il m'en coûte."
Où es-tu maintenant Kei, maintenant que mon cœur saigne ? Où es-tu si tu n'es pas là pour le protéger ?
Je tombe à genoux face à la fenêtre, le visage entre les mains, la fumée de la cigarette s'envolant lentement.
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Volonté - Tokyo revengers x OC
FanfictionRina, 13 ans se replonge dans ses souvenirs de famille via les cartes postales qu'elle écrivait enfant avec son frère de quelques années plus âgé. Elle redécouvre leur complicité, les moments marquants de leur histoire mais également des parties de...