Rina : Carte postale 15 : Je t'aime

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Ma main tremble et de grosses larmes coulent le long de mes joues alors que je repose la dernière lettre de Keisuke après l'avoir relue une énième fois. Le stylo bic que je tiens ne cesse de laisser de petites traces irrégulières sur le papier gorgé d'eau. Je le froisse rageusement, prend la bouteille posée dans l'angle de mon bureau et avale de grandes gorgées, je respire profondément, inspire une dernière fois et m'attaque à la nouvelle feuille blanche qui se présente devant moi, ma main ne tremble plus, la pointe du stylo et stable, posée sur le papier, les courbes noires naissent sous ma main, guidée par les pensées qui martèlent mon esprit.

" Je m'appelle Rina Baji. Mon grand frère, mon prince, mon second père, mon ami est mort il y maintenant une semaine. Nous  nous étions éloignés depuis plusieurs mois du fait de mon entrée au collège de Nagoya. Mon Kei... Tu me manques tant, ta présence à mes côtés, ton sourire le matin, ton rire dans la nuit, ta main dans la mienne et tes centaines de petites attentions."

Je relis ma dernière phrase, j'ai envie de directement m'adresser à lui, je laisse un espace avec le précédent paragraphe et reprend :

"Kei, j'ai lu tes lettres. Et maman m'a dit que tu avais lu toutes les miennes, que tu étais heureux mais que tu t'en voulais un peu, de ne pas être aussi présent que tu l'aurais souhaité. Mais je suis d'accord avec ce qu'elle t'a dit : ''Rina ne voudrait pas que tu laisses tomber tes amis, ta seconde famille pour elle.'' Lorsque j'ai lu tes lettres sur le gang, sur tes amis, sur votre combat, j'ai compris l'importance fondamentale de tout cela pour toi. En même temps, tu t'es presque sacrifié pour eux hein... Stupide Kei va, ils doivent tous te pleurer. Et j'imagine pas Kazutora.

Tu m'as demandé de ne pas leur en vouloir, je ne ferais jamais cela, ils doivent souffrir le martyr, comment en vouloir à des personnes qui t'aime ?

Je pleure énormément, dès que je ne suis avec personne en fait. J'ai peur d'entrer dans ta chambre et de t'y voir sans que tu n'y sois réellement. Ça fait si mal dans mon cœur, comme s'il se tassait sur lui-même pour ne plus saigner, comme si mon corps essayait en vain de combler l'immense trou créé par ta disparition. C'est pire depuis que j'ai lu tes derniers mots, j'ai l'impression que tu es réellement parti cette fois."

Je m'arrête un instant, repenser à mon frère, son odeur, sa chaleur quand il me prenait dans ses bras relance la douleur vive que je ressens. Je me lève de ma chaise en ouvre la porte de sa chambre en tremblant, un frisson parcourt mon corps lorsque son parfum arrive à mes narines. Je m'avance et allume la lumière, j'entend des pas derrière moi, ma mère est dans l'escalier, elle me fixe doucement, sa fille bloquée dans l'encadrement d'une porte, figée par le temps, par les sentiments mêlés de douleur et de douceur sortant de la pièce. Je secoue la tête et fait un pas à l'intérieur, j'ouvre son armoire et en sort un pull comme je l'ai déjà fait tant de fois enfant. Je me blottie dedans, éteins la lumière et ressors pour rejoindre mon papier et mon stylo.

Capuche rabattue sur le visage, le nez collé au tissu j'inspire profondément et son odeur m'enveloppe. Je reprend le stylo.

" Tu sais quoi Keisuke ? Je vais aller voir tes potes, je veux voir ceux que tu aimes tant et pour qui tu as donné ta vie. Je vais respecter tes dernière volontés, je vais continuer ta mission. Je vais les protéger comme tu l'as toujours fait. Après tout, ils pourront toujours m'appeler Baji. Je suis comme toi hein ?

Tu es le meilleur grand frère dont un puisse rêver Kei. Je t'aime et t'aimerai toujours. Une fois j'ai entendu qu'une personne ne meurt réellement que lorsque l'on arrête de penser à elle. Tu vivras avec moi, je vais te montrer l'immensité du monde et défendre les tiens, ne t'inquiète pas grand frère, je vais perpétrer l'oeuvre de Keisuke Baji."

Je souffle longuement, écrire ôte un poids de mon cœur mais ce poids servait également à calfeutrer la plaie à vif de mes sentiments, je ne sais pas si je me sens mieux ou non mais je me sens plus légère. Comme si  je venais de planter un couteau dans une plaie infectée. J'attrape une photo de mon frère collée au mur, j'observe son sourire, son regard et me regarde à mon tour dans le miroir, des canines tout aussi pointues, des cheveux bruns, long et ondulés comme les siens, des lèvres plus charnues, le regard malicieux légèrement plus foncé que Keisuke. Je souris faiblement à l'idée qui germe dans mon esprit et me lève soudainement, portée par la seule envie de faire tout ce que je veux, de profiter de l'entière liberté que je ressens soudainement, je dévale les escalier, attrape un billet qui traîne sur le plan de travail et passe rapidement devant ma mère qui me regarde interloquée :

"Bouge pas, je reviens dans 5 minutes et j'aurais besoin de toi.

- Euh, ça marche."

Je cours dans la rue pour arriver devant une supérette, j'entre en poussant la porte, fonce vers le rayon qui m'intéresse, attrape une boite en carton, passe à la caisse et cours sur le chemin du retour.

Je passe la porte et tend la boite à ma mère avant de monter à l'étage vers la salle de bain. Ma mère me suit, les yeux brillants de larmes, je penche ma tête dans l'évier, elle humidifie mes cheveux et applique la teinture noire sur toute la longueur de ma chevelure.

Quelques minutes après je lève la tête hors du lavabo et essuie mes cheveux trempés dans une serviette, ma mère est dans mon dos. Elle me regarde les yeux brillants, j'observe mon reflet. Je suis comme lui, en plus petite, plus ronde, plus féminine. Ma mère soupire et murmure :

"Vous avez le même regard, le même sourire."

Elle tourne les talons et sort de la salle de bain, me laissant face à mon nouveau moi. Je retourne dans ma chambre, me sentant plus forte que tout à l'heure, je reprends le stylo et le papier :

"Hey Keisuke ! Tu sais pas quoi ? Je viens de me teindre les cheveux en noir. Maman dit que l'on se ressemble. J'aimerai dire que l'on a toujours été une seule et même personne parce qu'il n'y avait pas de Rina sans Keisuke ni de Keisuke sans Rina. Parce que chacun de nos actes à toujours été guidé par des pensées pour l'autre. Tu sais Kei, j'ai peur sans toi. Peur de ne pas être à la hauteur des attentes que tu as, peur d'être ton fantôme pour eux.

Je me force à être forte, ça pourrait presque me convaincre moi-même. Presque. Ça le pourrait si je ne me sentais pas absolument vidée de tout. Tu sais les ténèbres qui nous ont toujours entourés sans nous avaler ? Je pense que c'est toi qui les tenait à l'écart. Je les sens, elles s'approchent de moi, elles se glissent sur ma peau, elle entoure mon esprit. Par moment j'ai l'impression d'avoir la tête à la surface puis je me noie à nouveau, des centaines de mètres sous l'eau. Écrasée par la pression, gelée par l'eau glaciale, torturée par le manque d'air.

Je t'aime Keisuke, ne m'abandonne jamais s'il te plaît.

Reste avec moi, pour l'éternité."

Je laisse tomber le stylo sur la table et colle la feuille de papier au dos de la dernière carte postale que j'écrirais.

Un sanglots bloque ma respiration mais je serre les poings et me lève pour finalement m'allonger dans mon lit en regardant les photos de mon frère et moi sur mon téléphone

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Un sanglots bloque ma respiration mais je serre les poings et me lève pour finalement m'allonger dans mon lit en regardant les photos de mon frère et moi sur mon téléphone.

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