Préambule

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"Comprendre le règne de Magnus", disait le célèbre océanien Ourag, "c'est comprendre l'Ombrescence. Comprendre l'Ombrescence, c'est comprendre Phrone. Comprendre Phrone, c'est comprendre tout. Absolument tout".

Long, très long fut, après tout, le règne de Magnus le Grand. L'un des plus longs de l'histoire impériale ombrescente, mais aussi l'un des plus féconds. Indubitablement, l'ère magnusienne est avant tout considérée comme la profonde révolution d'un fragile empire légué par des prédécesseurs parfois incapables de remplir leurs tâches. Elle est aussi perçue comme le temps du renouveau des contacts entre Surface et Profondeurs, encore traumatisés par les vivaces stigmates des Nuits Pourpres.

Tout aussi marquante fut l'ère de Nephyl, pour des raisons toutefois bien différentes de celle de son père. Le prince Vincere et le tyran Nephyl ne furent qu'une seule et même personne, nous le savons, l'héritier sorcier de Magnus et Nephee, avant de succéder à sa mère en tant que l'un des Douze Dépositaires. De sa naissance jusqu'à l'ordre officieux ordonnant son arrestation et son envoi à Norr Giliath, nous prendrons soin de citer le nom de Vincere. Dès son séjour à Norr Giliath, il sera connu de tous comme Nephyl, et sera ainsi nommé en ces lignes.

Nombreuses furent donc les analyses de ce que l'on appelle l'œuvre magnusienne comme celles de l'âge nephylien. Cependant, et aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune biographie de Magnus ou de son fils n'ont encore vu le jour. "Trop récent", ont longtemps objecté certains, "trop délicat", ont pu aussi opposer d'autres. La vérité est qu'il est devenu impensable de comprendre le monde légué par le Grand Effondrement sans réaliser l'héritage de ces deux sorciers de légende.

Il demeure alors une donnée qui rend ce travail particulièrement délicat : comment quantifier le temps, comment mesurer une période alors même que la conception du temps des peuples de Phrone diffère en tout point de celle des autres créatures, notamment des Humains ? Et pourquoi cela ?

Il nous faut commencer par le commencement, et précisément le concept de vie et de mort au regard des êtres des Profondeurs.

De la même manière que les descendants de Lucis, les créatures de Phrone furent dotées d'une admirable espérance de vie. Certains, comme les Chimères et les Sept Peuples de l'Ombre, pouvaient espérer vivre l'équivalent de dix vies humaines, voire plus. D'autres, comme les Faucheurs, sont insensibles aux ravages du temps. Les derniers, enfin, à savoir les Gardiens, sont simplement immortels. Ces deux dernières races mises à part, il nous faut interroger la nécessité aux Chimères ou aux Peuples de l'Ombre de définir une unité de temps. Pour répondre à cette question, nous devons d'abord nous pencher sur une autre : pourquoi les Humains l'ont-ils fait, pourquoi ont-ils quantifier le temps ?

Une première réponse, logique, serait de souligner que la succession naturelle du cycle jour/nuit présent à la Surface facilite un tel procédé. Ainsi l'allée et venue du soleil puis de la lune correspond à une journée, que les Hommes purent découper en heures, puis en minutes et en secondes. Si l'utilité d'un tel procédé ne fut pas criante à l'Âge d'Aklès, Phaïsto et Mageia, elle le devint bien vite après leur mort, car le temps allait devenir un moyen de prouver sa grandeur.

Appartenir à une lignée remontant aux trois enfants de Thormir pouvait légitimer un chef de clan, un général d'armée, voire un souverain. Bien loin des préoccupations scientifiques ou archivistes, les premiers calendriers à naître, les premières généalogies, n'avaient en réalité pour objectif que de soutenir l'ambition des Hommes.

Notons brièvement que ces premiers trésors historiques nous ont à jamais disparus, et difficile a toujours été de savoir à quelle époque étaient exactement apparus les premiers peuples humains.

La Colline - Le Mythe des Deux SorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant