Particulièrement agacé par cet inattendu sursaut invocateur, Magnus ne comptait pas en rester là.
"Le dernier coup d'éclat, certes pitoyable, d'une faction reléguée au passé", avait jugé Akuma.
"Un dernier coup d'éclat qui aurait pu ramener Lior parmi nous", gronda l'empereur d'un ton acerbe¹.
Au-delà de cette vaine tentative invocatrice, revoir le corps de l'ancien maître de Ness-Terath se tenir dressé devant lui avait ravivé de sombres souvenirs. Krenth Evrart, évidemment, n'avait pas survécu à ce blasphème, de même que les insurgés qui l'avaient enrôlé. Surtout, l'heure semblait venue pour l'empereur de rendre une visite aux Nécromanciens.
Reclus dans leur village, les membres de ladite faction vivaient en autarcie depuis des siècles. Tolérés par les Crieurs qui leur avaient concédé une maigre parcelle de territoire du Bois, ils s'étaient alors illustrés par leur discrétion. Tout du moins, jusqu'à cet épisode.
La rencontre officielle entre le peuple Nécromancien et la délégation impériale fut des plus froides, non pas que les humains se montrèrent peu hospitaliers, mais Magnus arborait un visage des plus autoritaires. Accompagné pour l'occasion de ses quatre archidémons, le sorcier participa aux coutumes locales² et se prêta au jeu d'un repas organisé en son honneur.
Dès que les amabilités furent faites, le souverain sorcier s'entretint avec le chef du village, Mausoras Solmarr, auquel il soumit ses inquiétudes quant au dénommé Krenth et ses pratiques.
— Krenth, débuta Solmarr, était l'un des érudits les plus respectés de notre communauté. Je vous l'avoue avec la plus grande honte.
— "Qu'appelez-vous "érudit" ?" demanda l'archidémon djinn.
— Un être détenant et transmettant le savoir et les traditions de notre peuple.
— Un enseignant ? ajouta Abaddon.
— En un sens... concéda le chef de village, visiblement mal à l'aise.
— Considérez-vous que ramener des morts à la vie est un acte honorable ? lâcha l'empereur d'un ton grave. Est-ce là ce que vous apprenez à vos enfants ?
— Je tiens à vous affirmer avec la plus grande sincérité que la manipulation des cadavres figure parmi les arts que nous condamnons avec fermeté ici. C'est d'ailleurs la raison qui nous a poussé à bannir Krenth du village. En aucun cas nous n'enseignons de telles choses, je vous en donne ma parole.
Magnus se leva alors. Sa stature était imposante. Il était devenu un sorcier au physique des plus impressionnants, en pleine fleur de l'âge. L'iris de ses yeux venaient parfois à changer de couleur lorsque ses émotions le submergeaient. Lors de cet entretien, ils étaient aussi éclatants que des rubis. Archidémons et nécromanciens conservèrent le silence. L'empereur prit le temps de scruter la cahute dans laquelle se tenait le rendez-vous avec le plus grand intérêt. Dos à son auditoire, il reprit :
— Il m'est impossible de fermer les yeux sur ce qu'il s'est passé à Ness-Terath. Bien entendu, j'entends vos arguments et ne peut vous condamner pour les méfaits d'un individu isolé la totalité de votre faction. Je ne peux pour autant pas vous cacher ma perplexité quant aux relations qui lient votre village et mon empire.
— Votre altesse... ? balbutia Mausoras.
— C'est bien ce que vous désirez, je me trompe ? demanda Magnus en se retournant. Faire partie de l'empire. Devenir une part de l'Ombrescence, ou quelque chose qui s'en rapprocherait. Il me serait difficile de convaincre les représentants des six peuples de l'Ombre sous ma juridiction de vous accorder un tel privilège, alors que votre art a remis sur pieds l'une des plus grandes menaces que nous ayons connues.
VOUS LISEZ
La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers
FantasyDes siècles avant les événements relatés dans la saga "La Colline", un jeune sorcier avait révolutionné les Profondeurs, tout comme son fils allait le faire après lui. Le Mythe des Deux Sorciers est une double biographie consacrée aux vies de Magnus...
