Part.III - 2.3 : Le retour du fils prodigue

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Difficile de dire ce que Vincere attendait en revenant ainsi à la Citadelle, sept années après la Purge, sept années après l'incendie de la serre botanique. Une part de lui s'étonnait que cette dernière n'ait pas été reconstruite en son absence, mais cette éphémère pensée l'abandonna dès l'instant où il aperçut son comité d'accueil aux abords du palais. L'Apocryphe, le Profanateur, le Pénitent, le Généalogiste et Ælisia le scrutaient, prêts à le tuer dès que la moindre occasion se présenterait. S'ils ne le faisaient pas à cet instant, pensa le prince, c'était qu'ils en avaient reçu l'ordre.

L'épéiste tira tout de même son sabre en guise de préambule. Vincere s'immobilisa.

— Qu'est-ce que tu viens faire ici ? lança l'ambassadrice.

— Je viens discuter avec lui. Pas avec toi, Ælisia. Pas avec un seul d'entre vous, lâcha-t-il aux arcanistes en conservant son calme.

— T'as du culot de revenir après ce qu'il s'est passé la dernière fois, ajouta-t-elle.

— Je te trouve bien insolente, femme. Tu t'adresses à l'héritier du trône, je te rappelle.

Ils pouffèrent tous d'un rire commun qui agaça le jeune sorcier au plus haut point. Il se retint toutefois de toute réaction.

— Si vous ne m'avez pas encore demandé de dégager, c'est qu'il n'est pas contre mon retour. Je me trompe ?

Il y eut un silence pesant ponctué des bourrasques glaciales propres au domaine.

— Que cela soit bien clair, tu ne te déplaceras jamais sans les arcanistes, débuta le Généalogiste. Tu n'auras pas accès à l'ensemble du palais. Tu ne parleras qu'en présence de l'empereur.

— Sinon quoi ? provoqua Vincere d'un air posé.

— Sinon je te botte le cul comme la dernière fois, lui sourit le Profanateur.

L'épéiste tourna les talons avec les cinq arcanistes et ils escortèrent cet invité que tout le palais tâchait d'éviter. La cour d'honneur, le hall, les escaliers, les couloirs, c'était comme si le palais était vide.

— Eh bien, on dirait que Magnus a perdu ses serviteurs, s'exclama Vincere.

L'Apocryphe interrompit brusquement sa marche juste devant lui. Il était, des cinq arcanistes, le plus mystérieux. L'un des plus redoutables aussi. Le prince le haïssait, bien évidemment, mais il savait aussi quand retenir sa langue.

— N'est-il pas curieux que tu reviennes aujourd'hui ? demanda le vieux sorcier.

— C'est à dire ?

— Arrête, pesta le Généalogiste. Si tu es venu pour contrecarrer les plans de ton père, tu vas être déçu.

— Il n'est plus mon père. Et j'ignore de quoi vous parlez.

Il est vrai que Vincere n'avait pas eu vent de l'incroyable événement qui se préparait. Rien de plus normal après tout, car celui-ci était organisé dans le plus grand des secrets.

En effet, quelques jours plus tard, la Citadelle s'apprêtait à accueillir la première venue du roi Aegidius Luminarii. L'Ombrescence ayant encore en mémoire le massacre des Chimères, aucune cérémonie officielle n'avait été prévue et le roi prouvait par ce voyage la confiance qu'il accordait à l'empereur. La nouvelle arriva aux oreilles du prince qui, malgré sa haine du souverain de la Colline, ne motiva aucun plan démoniaque, contrairement à ce que pensaient les soldats de Magnus.

En attendant ce jour dont avait tant rêvé Magnus, Vincere fut enfermé dans une pièce luxueuse et il ne reçut aucune visite, surtout pas celle de son père. Une personne, pourtant, parvint finalement à convaincre l'empereur d'obtenir une audience avec le fameux "héritier déchu".

La Colline - Le Mythe des Deux SorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant