Part.III - 2.4 : Derrière le masque

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Cet impressionnant cortège qui arriva dans les Profondeurs découvrit bientôt un palais dépouillé d'une grande partie de son personnel, qui avait été priée de ne pas venir. Vincere, lui, patientait dans la vaste salle de réunion, entouré des cinq arcanistes de son père. Il scrutait l'Héliaste et se demandait combien de temps un sorcier aussi vieux pourrait encore survivre. Yuki, elle, s'était installée dans un fauteuil en attendant que les convives n'arrivent. 

Magnus et Aegidius déboulèrent dans la salle où quelques boissons chaudes furent proposées aux humains¹. Yuki s'inclina avec beaucoup de respect face à la délégation de la Colline, tout comme les arcanistes. Malgré le léger accroc ayant suivi l'arrivée d'Ælisia, Aegidius était perçu comme un homme dont la sagesse et la modération n'étaient plus à démontrer. De même, la légende de Sylvanus Santora, l'homme le plus redoutable de tout le promontoire sacré, avait déjà traversé les frontières². Le prince, lui, demeura impassible. L'empereur le tua alors du regard, avant de s'exclamer :

— Salue sa Majesté Aegidius Luminarii ainsi que nos invités. 

Voilà quels étaient les premiers mots qu'il adressa à son fils, après toutes ces années de séparation. "Peut-être une telle autorité aurait-elle pu te valoir mon obéissance, autrefois", songea-t-il. Magnus, qui était alors là dernière créature en vie à pouvoir lire les pensées de son fils, ne prit pas la peine de répondre.

Le souverain humain observait le jeune sorcier, comme tout le reste des individus réunis. Le Profanateur fit un pas en avant, menaçant. Vincere lâcha alors :

— Je trouve plus irrespectueux encore que certains ici osent dissimuler leur visage.

— Comment oses... grommela le Pénitent.

— Ne vous en faites pas, il n'a pas tort, interrompit Aegidius. Chambellan, vos manières, je vous prie.

Le curieux chambellan au long manteau rouge ôta le masque blanc qui cachait son identité aux yeux de tous. C'était un jeune homme, pas plus âgé qu'Ælisia, une âme intriguante, un esprit dans lequel Vincere ne put s'empêcher de s'engouffrer sans gêne.

Vincere voyait un petit garçon pour qui tout commençait dans un bien singulier village perdu au milieu des montagnes de la Surface. Ce jeune homme naquit au sein d'un clan respecté de la faction des Assassins, un clan où le sens du devoir primait avant tout. Ce nourrisson qui vint au monde fut nommé Dante.

Contrairement aux autres factions réunies dans ce lieu baptisé Monastyr, la jeunesse assassine était rude et exigeante. On ne laissait pas garçons et filles jouer à leur guise, on leur imposait une lecture particulière et un entraînement rigoureux. Chaperonné par son grand-frère Virgile, Dante se plia aux traditions sans rechigner, qui plus est, il se lia rapidement d'amitié avec une fillette de son âge. Ælisia.

Ælisia n'était pas, elle, originaire d'une grande famille assassine, mais d'un mariage mêlé, son père étant épéiste. Elle n'en demeurait pas moins très douée. Aussi, tous deux s'illustrèrent très tôt par leurs talents. Ils étaient rapides, précis, loyaux, et devinrent bien vite les célébrités de leur peuple comme de toute la cité, pour la plus grande fierté de Virgile et du clan. Mais les formations des Assassins avaient beau être éprouvantes, rien ne pouvait les préparer à la violence du monde dans lequel ils vivaient.

La Colline, que tous les livres de la Bibliothèque de Monastyr mentionnaient, se trouvait manipulée par les manigances d'un mystérieux Ordre aussi ancien que dangereux. Cet Ordre, justement, cherchait à localiser le village de Dante depuis sa création, afin de le détruire. Aussi, Monastyr n'était jamais vraiment en paix, et les Assassins, notamment, étaient particulièrement affectés à la surveillance du canyon. Et si la vie dans la cité pouvait paraître insouciante, des tragédies n'en étaient pas moins à déplorer. A peine âgé de dix ans, Dante fut ainsi confronté à la mort de son grand-frère, apparemment tué par des membres de l'Ordre dit "de Iudicael". Une haine viscérale sera dès lors nourrie par le jeune assassin à l'égard du célèbre promontoire, mais aussi un amour sans égal envers Ælisia qu'il considéra dès lors comme une sœur jumelle. Qui plus est, leurs destins seraient désormais intimement liés.

La Colline - Le Mythe des Deux SorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant