La Colline - Le Mythe des Deux Sorciers

Part.IV - 4.4 : Ultime confrontation

Ni le retour de Dante, ni l'arrivée de la nouvelle jeune divinatrice ne parvenaient à détourner Nephyl de la dernière conversation qu'il avait eue avec Yuki. Trouverait-il réellement la mort en se rendant à la Colline ? Et à quoi faisait-elle allusion en disant qu'il n'y avait pas que des Hommes sur le promontoire ? Cette dernière interrogation le harcelait particulièrement. Devait-il céder face aux menaces de la divinatrice de son père ? Devait-il renoncer à détruire la Colline ?

L'heure était grave, tous le savaient, et les commandants demeuraient dans la salle du trône, auprès de l'empereur, prêts à recevoir ses ordres.

— Votre altesse ! Votre altesse !

La voix paniquée de Rosae Luminarii hurlait en échos dans toute la Citadelle, avant que sa silhouette n'apparaisse enfin, essoufflée.

— Eh bien, qu'y a-t-il ? demanda Nephyl.

— Le Conseil quitte la Colline ! Ils arrivent !

Chacun des commandants se dressa promptement. C'est alors que le sorcier s'exclama :

— Ryotaro !

— Oui, maître ? rétorqua le mage.

— Rassemble Ekras et son armée, ouvre le portail, et accorde leur l'accès au Primo Bosco. Qu'ils répandent le chaos et le sang dans le promontoire.

— Sur le champ.

Après une brève référence, Ryotaro s'empressa de rejoindre le lac gelé où stationnaient les troupes asuras. Les plaines entourant le palais se mirent bientôt à résonner au rythme des pas puissants des rebelles.

— Que Sohl, Dante et Samaël restent avec moi, reprit l'empereur. Tous les autres, préparez-vous.

De la bataille de la Citadelle, comme celle de la Colline, l'Histoire retient deux bains de sang des plus terribles. D'un côté, les forces spéciales et les sentinelles du promontoire de la Surface peinèrent à contenir les déferlantes asuras et les assauts violents des soldats de l'empereur. De l'autre, le Conseil de la Colline se heurta à la férocité des commandants de Nephyl, bien que ces derniers finirent par tomber les uns après les autres. Le sorcier ne se préoccupa au final que peu du déroulement des deux combats, car, au-delà de l'anéantissement tant attendu de la Colline, son rêve de mettre la main sur le légendaire médaillon de Iudicael allait enfin être exaucé¹.

Enfermé dans les anciennes geôles où avaient tant souffert les Invocateurs, Nephyl tâcha de s'approprier le pouvoir du médaillon. La réaction à la tentative de l'empereur ne se fit pas attendre. Quelque chose d'inattendu se produisit alors, comme si le sorcier retrouvait une partie de lui qu'il avait jadis perdu. Il ne le comprit pas sur le coup, mais la Charge que contenait le médaillon venait de lui être en partie transférée. En partie, car le combat de la Citadelle tournait en faveur de la Colline, et que son rituel fut interrompu par Azoraï Lyaren et ses camarades. Extirpé de ses pensées, ce n'est qu'alors que Nephyl réalisa que la majorité de ses commandants étaient tombés, et surtout, parmi eux, Sohl.

Enivré d'une soif de vengeance sans commune mesure, il affronta ses opposants lui-même, déchainant ses pouvoirs contre tous ceux qui osaient se dresser face à lui. Ce n'est que lorsque que ses yeux se posèrent sur les chamanes Surya et Adesh Kailasa que les paroles de Yuki lui semblèrent claires : les Humains ne représentaient pas une menace pour lui, mais les esprits le pouvaient. Il était déjà trop tard pour le jeune sorcier, car, des tréfonds du palais, la cheffe des Chamanes fit appel à l'esprit que Nephyl redoutait le plus : celui de son père.

Nephyl sentait alors la situation lui échapper. Il voyait son père lui adresser ce sourire qu'il détestait tant. Il entendait le rire malicieux de Yuki se moquer de lui. Il repensait à l'enfant invocateur qu'il avait élevé comme un petit frère. Il perdit ses moyens, appelant même à l'aide cette créature avec laquelle il avait pactisé dans l'ombre.

La suite est devenue légende. Paralysé par ces soudaines retrouvailles avec son paternel, l'empereur ne perçut pas la présence du jeune possédé qui approchait derrière lui. Et lorsque Magnus arracha l'âme de son fils de son enveloppe corporelle, le possédé se jeta sur l'occasion d'enfermer celle-ci dans son propre corps.

Vaincu, Nephyl n'était plus. Le fils de l'ancien archidémon Abaddon venait de mettre un terme à ce que les Humains considérait être la plus lourde menace qui pesait sur le monde. Il n'en était rien, et l'histoire de Nephyl évidemment ne s'acheva pas ici, bien que dès lors elle devint, et pour longtemps, indissociable de celle du nouvel empereur : Ezéchiel. 

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1. Le médaillon est traditionnellement enfermé dans le tombeau de son premier propriétaire, le tout premier roi de la Colline, Iudicael. Longtemps Rosae se lamenta que seul l'héritier mâle légitime des Luminarii soit capable de récupérer l'objet, car seul son frère Aegidius le pouvait, puis le jeune Alexender. C'est ce dernier qui extirpa le bijou du tombeau, afin de tendre un piège à la protectrice au voile. Bien qu'elle sortit de la confrontation qui l'attendait dans un état déplorable, elle parvint tout de même a rapporté le médaillon à son maître.