Part.I - 5.2 : Le mythe des Descendants

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Cet intérêt croissant pour les Humains n'était évidemment pas du goût de tout le monde à la Citadelle, et Magnus savait pertinemment que sa nouvelle lubie pouvait, du point de vue politique, lui coûter beaucoup. Aussi, très peu de personnes étaient au courant de cette récente appétence pour les Hommes. C'était déjà bien assez pour élever quelques contestations.

La plus grande d'entre elles, la plus violente, ne grondera que quelques années plus tard de la bouche de son fils. Nous y reviendrons longuement.

Outre Deep, qui avait visité la Colline aux côtés de son maître, Magnus prit soin d'éviter le sujet avec ses trois autres archidémons, en particulier Abaddon. Le djinn et son empereur entretiendraient alors de longs échanges privés quant à la question des Humains. Les conversations les plus franches et, parfois, virulentes, eurent lieu avec les Arcanistes, et sans doute, si leur respect pour l'empereur n'avait pas été si grand, plusieurs auraient été ceux à le quitter.

Le Blasphémateur, notamment, ne cachait pas à Magnus sa surprise de le voir ainsi orienter son regard et son intérêt pour la race qui avait détruit l'empire. Réputé pour ne pas mâcher ses mots, on raconte qu'une violente altercation éclata même un jour lorsque ledit arcaniste mentionna la mémoire de Potens et Sapia. De cette dispute, l'arcaniste dira plus tard : "j'eus la certitude à cet instant, si besoin en était encore, que l'Ombrescence n'avait rien à craindre. L'être le plus puissant de l'empire était bien celui qui s'était imposé sur le trône".

Si le Généalogiste et l'Apocryphe se montraient plus mesurés dans leurs propos, ils ne cachaient pas pour autant la dangerosité d'un tel attrait. À leurs yeux, l'image dorée de Magnus pourrait in fine en pâtir aux yeux de son peuple et, surtout, aux yeux des représentants ombrescents. Ils le mirent en garde de la menace politique qui rôdait.

Du Conseil de Magnus, le Pénitent était sans doute le plus en phase avec son maître, le plus nuancé.

Le sujet coriace des Humains allait revenir au détour d'une banale conversation avec l'Héliaste, dans la bibliothèque personnelle de l'empereur qui jouxtait ses appartements.

Les Mémoires de l'arcaniste nous rapportent leurs paroles :

— On disait de Nergal qu'il était un grand érudit, s'était exclamé Magnus en longeant les étagères.

— Il l'était, en effet. Les rares occasions où j'eu l'honneur de lui adresser la parole, nous discutions à chaque fois des livres qu'il aimait collectionner.

— En découvrant cet endroit, je suis tombé sur plusieurs ouvrages, certains rédigés par Nergal, et d'autres par les empereurs qui l'ont précédé. J'ai même trouvé des travaux de Paludamenta.

— Il est de coutume que chaque empereur mène, au cours de son règne, au moins une étude relative aux innombrables mystères qui composent notre monde. J'imagine que votre anticonformisme vous éloignera de cette pratique, regretta l'Héliaste.

— Au contraire, j'adorerais pouvoir me plonger dans les ouvrages rassemblés par mes prédécesseurs.

— Vraiment ? s'étonna l'arcaniste. Avez-vous une idée d'un sujet pour vos travaux ?

— De ce que j'ai pu voir, Nergal comme les empereurs avant lui se sont toujours limités aux Profondeurs, j'aimerais voir plus loin.

— Je vous reconnais bien là...

— Auriez-vous des sujets à me conseiller ?

— Il y a les légendes du Dragon-Renégat des Glaces qui restent très peu documentées, les généalogies mythéennes sont pour la plupart erronées, comme les chroniques éryennes. Il y a aussi les histoires des factions humaines oubliées et les contes des Descendants...

— Les Descendants, hum...

— Mais pour cela, il faudrait avoir accès à la documentation humaine, et donc nouer des liens avec cette race bipolaire.

Si les réserves de l'Héliaste avaient bon espoir de détourner Magnus des Descendants, elles ne freineraient en réalité aucunement l'empereur qui, dès lors, n'allait cesser de nourrir sa fascination envers les Hommes.

Des décennies durant, Magnus rassembla un savoir titanesque qui le poussa à tourner toujours plus son regard vers la Colline. L'idée d'un troisième voyage allait donc bientôt germer dans son esprit. Mais cette nouvelle pérégrination allait devoir se dérouler en deux temps, car la première tentative serait interrompue de la plus inattendue des manières. 

La Colline - Le Mythe des Deux SorciersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant